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Face aux mensonges de Bush, c'est
à Assad qu'il revient de dire la vérité

Par Robert Fisk

publié dans The Independent, le 16 août 2006,
article original : 'In the face of Bush's lies, it's left to Assad to tell the truth'

Dans les salons de réception baasistes calmes de Damas, on a souvent l'impression d'être très loin de la réalité. Mais c'est un signe des temps que le Président Bachar Assad ait pu remettre sur pied ce qu'il y a de grand et de bon à Damas, grâce au symbole tout simple qui consiste à dire la vérité (ce qu'aucun autre dirigeant arabe n'a choisi de faire durant ces cinq dernières semaines) : que l'armée de guérilla du Hezbollah libanais a en effet gagné cette bataille dans leur guerre contre Israël.

Le discours d'Assad était rempli d'hyperboles. [Il faut dire qu'] un conflit qui a coûté la vie à [plus de] 1.000 civils libanais peut difficilement être appelé une "bataille glorieuse", mais au moins, Bachar al-Assad a mieux reflété la réalité que son équivalent à Washington qui, conduit par l'aveuglement de l'amour qu'il porte à Israël, soutient qu'au Liban, c'est le Hezbollah qui a été vaincu.

La "victoire" d'Israël au Liban doit probablement être ajoutée à nos fameuses "victoires" en Irak et en Afghanistan. Selon M. Bush, la Syrie et l'Iran sont responsables de la "souffrance" du Liban — il y a une part de la vérité puisque le Hezbollah a provoqué cette guerre en capturant deux soldats israéliens et en en tuant trois autres, le 12 juillet. Mais il oublie de préciser que ce ne sont ni l'aviation syrienne, ni l'aviation iranienne, qui ont massacré au Liban les convois de réfugiés civils innocents. Voilà pourquoi le Président Assad a dû apprécier sa petite péroraison d'hier à Damas.

"Nous avons affaire à une administration [américaine] qui adopte le principe de la guerre préventive ; ce qui est complètement contradictoire aux principes de paix", a-t-il dit. "Par conséquent, nous n'acceptons la paix, ni prochainement, ni dans un avenir prévisible."

M. Assad peut répéter cela. En vérité, le Hezbollah ne montre pas plus d'intention de "déposer les armes", en vertu des résolutions 1559 et 1701 du Conseil de Sécurité de l'Onu, qu'Israël ne semble prêt à respecter la résolution 242 du Conseil de Sécurité de l'Onu en se retirant des territoires arabes qu'il occupe depuis 1967.

Cependant, il est clair que le Président Assad est à présent revenu au cœur du pouvoir arabe après la retraite humiliante de son armée, l'année dernière, du Liban. Il a déclaré que le défaitisme avait fait long feu parmi les Arabes — un sentiment largement partagé dans le monde arabe véritable, mais plutôt absent du Moyen-Orient dont rêve le Président Bush. Que, de tous les pays, ce doive être la Syrie qui puisse l'exprimer sous un tonnerre d'applaudissements en dit plus long sur Washington que sur Damas. Et c'est la restitution du Plateau du Golan occupé par Israël — voir la Résolution 242 de l'Onu — qui se trouve évidemment derrière toute cette guerre catastrophique.

La vérité est qu'Israël a déclenché son attaque contre le Liban en prétendant que le gouvernement libanais était responsable de l'attaque effectuée par le Hezbollah — ce qu'il n'était clairement pas — et que ses actions militaires permettraient de la libérer les soldats capturés.

Ça, les Israéliens ont échoué à le faire. La perte de 40 soldats en seulement 36 heures et les attaques victorieuses du Hezbollah contre les blindés israéliens ont été un désastre pour l'armée israélienne.

Le fait que la Syrie puisse brailler sa joie des "réussites" du Hezbollah, sans la destruction du moindre brin d'herbe à l'intérieur de la Syrie, semble indiquer que son cynisme n'a pas encore été bien saisi à l'intérieur du monde arabe. Mais, pour l'instant, la Syrie a gagné. En tant que principal soutien du Hezbollah, c'est aussi ce que pense clairement l'Iran. Le Président Mahmoud Ahmadinejad, qui parle généralement plus qu'il ne pense, a condamné les Etats-Unis d'avoir fourni les armes qu'Israël a utilisées contre les civils libanais — parfaitement exact ! Mais il n'a pas dit que les missiles du Hezbollah proviennent d'une nouvelle génération d'armes de l'arsenal iranien, qui n'existaient même pas pendant la guerre Iran-Irak de 1980-88. Si les Etats-Unis feront tout pour confirmer l'efficacité de leurs armes — malgré leur large utilisation sur les civils — personne ne devrait douter que l'Iran confirmera aussi les réussites de ses missiles Fajr — et de leur effet sur l'armée de terre israélienne.

© 2006 Independent News and Media Limited / Traduction [JFG-QuestionsCritiques]

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