la douleur du Liban grandit d'heure en heure,
alors que le nombre de morts atteint les 1.300Par Robert Fisk
publié dans The Independent, le 17 août 2006,
article original : 'Lebanon's pain grows by the hour as death toll hits 1,300'
Ils en déterrent d'heure en heure. Le nombre de morts au Liban ne fait que croître. Le poète américain, Carl Sandburg, parlait des morts, dans d'autres guerres, et imaginait qu'il était l'herbe sous laquelle ils seraient enterrés. "Mettez-les là-dessous avec vos pelles et laissez-moi travailler", disait-ils des morts d'Ypres et de Verdun. Mais, dans tout le Liban, les tonnes de gravats des vielles toitures et des immeubles d'appartements sont méthodiquement soulevées et l'on retrouve en dessous des familles entières, se tenant dans les bras des uns des autres au moment de la mort, lorsque l'aviation israélienne écroulait leurs maisons sur eux. Mais, hier soir, ils avaient retrouvé 61 cadavres supplémentaires, portant le nombre de morts libanais, durant ces 33 jours de guerre, à près de 1.300.
À Srifa, au sud du fleuve Litani, 26 corps ont été retrouvés sous les ruines où je me trouvais il y a trois jours. À Ainata, huit autres cadavres de civils. Un autre a été découvert au nord de Tyr, sous une maison effondrée de quatre étages. À proximité, les restes d'une jeune fille de 16 ans, de trois enfants et d'un adulte. À Khiam, à l'est du Liban, assiégée pendant plus d'un mois par les Israéliens, le vieux "mouktar" du village a été retrouvé mort dans les ruines de sa maison.
Ces morts n'étaient pas tous des civils. À Kfar Chouba, des conducteurs de camions-poubelles ont trouvé les corps de quatre membres du Hezbollah. À Roueiss, cependant, les 13 cadavres retrouvés dans les décombres d'un immeuble de 10 étages étaient ceux de civils. Parmi eux, sept enfants et une femme enceinte. Dix autres cadavres ont été désincarcérés des décombres des quartiers sud de Beyrouth - où des résidents ont affirmé qu'ils pouvaient encore entendre les cris de leurs voisins, coincés tout en dessous des immeubles démolis par les bombes. L'organisme libanais de la défense civile - pratiquement aussi courageuse que la Croix-Rouge libanaise, qui essayait de sauver des vies sous le feu - pense qu'au moins trois familles sont prises au piège dans des sous-sols.
Ignorant le danger que constituent les obus non explosés, plusieurs Musulmans chiites libanais sont retournés chez eux pour récupérer des affaires personnelles - y compris des photos de famille et des albums contenant l'histoire de leurs vies - pour tomber entre les intervalles des immeubles et plonger là-dessous dans l'obscurité à plusieurs mètres de profondeur. L'un des derniers à avoir perdu la vie à Beyrouth, juste quelques minutes après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu onusien, est un enfant, retrouvé mort dans les bras de sa mère, elle-même morte.
On ne saura jamais combien de personnes auraient échappé à la mort, si George Bush et Tony Blair avait exigé, des semaines plus tôt, un cessez-le-feu immédiat. Beaucoup aurait eu une chance de vivre, si les gouvernements occidentaux n'avaient pas considéré cette sale guerre comme "l'occasion" de créer un "nouveau" Proche-Orient, en humiliant l'Iran et la Syrie.
© 2006 Independent News and Media Limited / Traduction [JFG-QuestionsCritiques]