"En Goldman Sachs nous croyons," était le titre d'un chapitre de "La Crise Economique de 1929" [The Great Crash] de John Kenneth Galbraith, son compte-rendu sur les opérations malhonnêtes qui ont déclenché le terrible effondrement de la bourse dans les années 20.
Lorsqu'il a nommé Robert Zoellick, hier, comme directeur de la Banque Mondiale, le Président George Bush ne devait pas avoir en tête ce chapitre peu flatteur de l'histoire de cette banque de Wall Street.
M. Zoellick, 53 ans, est un dirigeant de Goldman Sachs qui, jusqu'à récemment, était le Secrétaire d'Etat adjoint. Auparavant, il était le représentant américain au commerce, où il a traité de façon mordante avec les "nihilistes de la mondialisation". C'est ainsi qu'il décrivait les opposants de la politique commerciale américaine vis-à-vis du monde en développement. La réaction mondiale à cette nomination a été largement positive, mais Bernard Kouchner, le ministre français des affaires étrangères, a dit que M. Zoellick doit agir vite pour restaurer la confiance dans le rôle de la Banque Mondiale qui consiste à faire reculer la pauvreté. "Entre la Banque Mondiale et ses partenaires, c'est essentiellement une question de confiance."
La nomination d'un autre directeur exécutif de Goldman Sachs par le Président Bush n'est pas une surprise, vu que cette banque bénéficie d'un accès permanent à la Maison Blanche. L'année dernière, la banque de Wall Street a provoqué des froncements de sourcils lorsqu'elle à remis à ses employés un bonus de 500 millions de dollars (380 millions d'euros), soit 623.000 dollars (465.000 €) par personne. Le PDG a reçu un bonus de 52 millions de dollars (39 millions €) d'argent de poche.
A la Banque Mondiale, il devra rapidement mettre du baume sur les blessures à vif causées par le départ forcé de l'allié néoconservateur de Bush, Paul Wolfowitz. Ces blessures étaient toujours en évidence, lorsque M. Bush ne s'est pas gêné pour remercier M. Wolfowitz, tout en se répandant en louanges sur le passé de M. Zoellick comme diplomate et négociateur au commerce. M. Wolfowitz est parti en état de disgrâce après avoir exercé des pressions pour une augmentation importante au bénéfice de sa petite amie Shaha Riza, qui travaillait aussi à la banque.
Mais pour tous les mots mielleux sur le rôle qu'a joué M. Zoellick dans la réunification des deux Allemagnes et pour avoir fait entrer la Chine dans l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), c'est sa réputation de zélateur impitoyable du libre échange qui l'a précédé à la Banque Mondiale.
Alors qu'ils réclament un "terrain de jeu nivelé" et qu'ils exigent des marchés ouverts aux produits américains dans le monde en développement, les Etats-Unis subventionnent toujours leur agriculture au rythme de 8 milliards de dollars par an. Les économistes spécialistes du développement disent que la combinaison de subventions sur le coton, le maïs et le blé américains, notamment, dévaste les économies des pays africains. Le conseil d'administration de 24 membres de la banque, qui est dominé par les donateurs européens, doit maintenant approuver cette nomination. Dans une déclaration, le conseil d'administration a dit qu'il était essentiel que le prochain président, entre autres choses, ait une "indépendance et une objectivité politiques".
Le nouveau chef de la banque doit rapidement persuader ces pays pour qu'ils contribuent à près de 30 milliards de dollars (22,5 milliards d'euros) pour financer un programme intensif destiné à fournir des prêts sans intérêt aux pays les plus pauvres du monde.
"Le test pour Zoellick sera de voir s'il réussit à inverser la situation à la banque, qui s'est trouvée dans un très grand désarroi", a déclaré Elizabeth Stuart, une haute conseillère politique d'Oxfam International.
Goldman Sachs : La banque préférée de la Maison Blanche
Robert Zoellick
Celui qui a été nommé à la Banque Mondiale est un ancien adjoint de Condoleeza Rice. Il a été un diplomate clé de la politique chinoise de Washington avant de rejoindre Goldman Sachs comme directeur général et vice-président pour la stratégie internationale.
Joshua Bolten
Le chef d'état-major de la Maison Blanche est aussi un ancien dirigeant de Goldman Sachs.
Robert Rubin
L'ancien secrétaire au trésor des Etats-Unis est un ancien associé de Goldman Sachs.
Jon Corzine
Le gouverneur du New Jersey co-dirigeait Goldman Sachs avec M. Paulson, jusqu'à ce qu'il parte pour cause de lutte de pouvoir.
Henry Paulson
Le Secrétaire au Trésor des Etats-Unis est l'ancien PDG de Goldman Sachs. En tant qu'expert de Goldman Sachs sur la Chine, il a aidé à manœuvrer pour que la banque d'investissement soit en pole position en Chine, lorsque ce pays a rejoint l'OMC.
Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]