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“Le lobby d’Israël” mis en cause alors que celui qui avait été choisi
par Obama à la tête des renseignements démissionne

Par Rupert Cornwell à Washington <
The Independent, vendredi 13 mars 2009

article original : "'Israel lobby' blamed as Obama's choice for intelligence chief quit"

Un diplomate chevronné dénonce les distorsions délibérées
qui « atteignent le comble du déshonneur »



Le secrétaire général de la Maison Blanche, Rahm Emanuel,
avec le Président Obama dans le Bureau Ovale (EPA)

Il est à craindre que l’influence excessive du lobby juif sur la politique étrangère [américaine] se soit de nouveau déchaînée hier, après le désistement à un poste clé des renseignements nationaux d’un ancien diplomate qui critique fermement Israël. Celui-ci a déclaré que sa nomination par le Président Barack Obama avait été torpillée par une campagne mensongère menée contre lui.

Charles Freeman, un diplomate chevronné qui a une très grande expérience des affaires au Proche-Orient, avait été choisi pour diriger le Conseil National des Renseignements [National Intelligence Council], l’organisme qui fournit à la Maison Blanche des rapports influents et hautement sensibles, synthétisant les points de vue des 16 agences de renseignements du pays.

Mais mercredi, il a retiré son nom de la liste des candidats, déclarant avoir été victime de ce qu’il nomme le « lobby d’Israël ». La campagne menée contre lui, accuse-t-il, qui inclut « une distorsion délibérée du passé, la fabrication de mensonges et une indifférence totale pour la vérité, a « atteint les limites du déshonneur et de l’indécence ».

Dans la campagne de lobbying contre sa nomination, il y a notamment un appel téléphonique de Charles Schumer, un sénateur démocrate, à Rahm Emanuel, le secrétaire général de la Maison Blanche, rappelant à ce dernier que M. Freeman a montré « une haine irrationnelle pour Israël » dans des commentaires passés. M. Emanuel est un fervent défenseur des intérêts d’Israël.

En perdant M. Freeman, ambassadeur auprès de l’Arabie Saoudite sous le premier président Bush, la capacité de M. Obama à effectuer des changements importants dans la politique étasunienne au Proche-Orient semble devoir être sévèrement limitée par la réalité politique intérieure. En tant que tel, cela soulève la question de savoir jusqu’où M. Obama pourra – ou voudra – tenir tête à Benjamin Netanyahou, le dirigeant pur et dur du Likoud, quasiment assuré de devenir le prochain Premier ministre d’Israël. Leurs relations seront cruciales pour les décisions importantes qui devront être prises prochainement sur le conflit israélo-palestinien et le programme présumé d’armes nucléaires iranien.

Hier, les supporters d’Israël, même s’ils se sont délectés en silence du départ de M. Freeman, ont soutenu que les objections les plus importantes à sa nomination étaient ses liens avec l’Arabie Saoudite et le soutien qu’il avait exprimé dans le passé à la politique répressive des dirigeants chinois. Son véritable péché, en fait, a été de se prononcer sans ambiguïté contre la politique israélienne, ce que l’on avait pratiquement jamais entendu à Washington. Voici comment un activiste pro-israélien de premier plan a récemment décrit le point de vue de Freeman sur le Proche-Orient : « qu’espériez-vous au ministère saoudiens des affaires étrangères ? ».

Critique tranchant des ripostes très dures aux attaques du Hezbollah au Liban et du Hamas à Gaza, M. Freeman maintient depuis longtemps que la politique de l’Etat juif est autodestructrice. Hier, il a réitéré cette accusation dans une interview au New York Times, déclarant qu’Israël « se dirigeait tout droit vers le bord de la falaise » ; qu’il était « irresponsable de ne pas mettre en doute la politique israélienne et de ne pas décider de ce qui est le meilleur pour le peuple américain ».

Ces mots reflètent exactement la thèse du livre paru en 2007, The Israel Lobby and US Foreign Policy [Le lobby d’Israël et la politique étrangère des Etats-Unis], qui a généré une énorme controverse en affirmant que la politique américaine était servilement alignée sur Israël, au détriment des intérêts américains prioritaires, grâce aux efforts des supporters de l’Etat juif.

Pour Stephan Walt, l’un des auteurs de ce livre, la querelle avec Freeman prouve que cette thèse est juste. Ainsi qu’il l’a formulé hier : « Pour tous ceux d’entre vous qui avez mis en doute la réalité d’un puissant ‘lobby d’Israël’ ou qui avez admis son existence tout en pensant qu’il avait peu d’influence ou qui pensiez que le véritable problème était le soi-disant ‘lobby saoudien’ tout puissant – réfléchissez-y à nouveau. »

La victoire d’Obama, qui a passé son enfance dans un pays musulman, a soulevé l’espoir qu’il regarderait le Proche-Orient à travers des yeux radicalement différents. Mais les actions de la nouvelle administration ont été prudentes. La Secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, s’est conformée à la ligne conventionnelle, tandis que Dennis Ross, son conseiller spécial sur les questions du Golfe et de l’Iran, est considéré comme un sympathisant d’Israël.

Le Congrès apporte un soutien sans faille à Israël. Pat Buchanan, un commentateur de droite et ancien candidat à la présidence, a dit une fois de Capitol Hill que c’était un « territoire occupé israélien ».


© 2009 Independent News and Media Limited / Traduction [JFG-QuestionsCritiques]