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Les importations d'acajou "anéantissent les tribus péruviennes"

Par Andrew Buncombe à Washington

The Independent le 27 juin 2006

C'est le peuple qui a tourné le dos au monde industrialisé, ayant décidé il y a longtemps de vivre dans l'isolement et qui n'a jamais eu de contact direct avec des personnes de l'extérieur.

Mais des militants disent que dans la jungle du sud péruvien, ces "tribus sans contact", comme on les appelle, se retrouvent face à une menace sans précédent de la part des bûcherons illégaux qui se déplacent de plus en plus vers des endroits reculés à la recherche des acajous rares. Ils disent que le prix du mobilier de luxe - principalement vendu aux Etats-Unis - est une condamnation à mort pour ce peuple vulnérable dont l'environnement est en cours de destruction et qui est tué par les maladies et les affrontements avec les bûcherons.

"Des dizaines de milliers de tonnes d'acajou péruvien sont importées aux Etats-Unis pour les luxueuses tables de salle à manger, les passementeries ménagères et les tableaux de bord d'automobiles", a déclaré Ari Hershowitz, du Natural Resources Defence Council (NRDC). "Mais les Américains n'ont aucune idée qu'en achetant de l'acajou ils contribuent à la destruction de la forêt tropicale et qu'ils menacent le peuple qui y vit. Les gens meurent - en ce moment-même, c'est la crise".

Les experts disent qu'une grande partie de l'abattage de ces arbres a lieu dans la forêt tropicale de Tahuamanu, dans des zones spécifiquement réservées aux Indiens indigènes et aux peuples sans contact. Ici, les acajous peuvent atteindre 40 mètres de hauteur. Chacun d'entre eux peut valoir jusqu'à 100.000 dollars (80.000 €) une fois que le bois est vendu aux Etats-Unis.

Située près de la frontière avec le Brésil et la Bolivie, cette forêt tropicale est le foyer d'au moins quatre tribus indigènes, comprenant le Yaminahua et l'Amahuaca.

"Il y a deux types [de tribus isolées], dit Peter Kostishack, le co-directeur de l'association à but non-lucratif, Amazon Alliance. "Ce sont de petits groupes éparpillés qui sont entrés en contact avec des personnes de l'extérieur mais qui ont décidé que ça ne les intéresse pas".

Il a dit qu'il y avait aussi des groupes plus littéralement "sans contact", qui n'étaient connus que grâce aux preuves observées par d'autres groupes indigènes et par ces tribus entrant à présent en contact avec les bûcherons. "C'est dévastateur en ce qui concerne leur culture. Mais aussi, les gens qui vivent dans l'isolement ont tendance à être très vulnérables aux maladies et aux infections", a-t-il déclaré.

Le NRDC et deux associations péruviennes des droits de l'homme poursuivent en justice trois importateurs étasuniens de bois, le Ministère étasunien de l'Intérieur et deux autres agences fédérales, les accusant d'importer ou de permettre l'importation de ce bois illégal. Le procès qui leur est fait dit que leurs actions violent la Loi étasunienne sur les Espèces Menacées et la Convention sur le Commerce International des Espèces Menacées de la Flore et de la Faune Sauvages.

L'un de ces groupes péruviens est la Fédération Native de Madre de Dios, une coalition de communautés indigènes, qui a accusé les bûcherons de piller "les territoires de nos frères indigènes". Son porte-parole, Julio Cusurichi, a déclaré que le problème était en partie une question de racisme. "Cela s'est aggravé dans les quatre dernières années", a-t-il dit.

Les importateurs étasuniens de bois disent que le commerce du bois péruvien est légal si le bois est accompagné des documents fournis par le gouvernement de ce pays. Le directeur de l'une de ces sociétés étasuniennes, Bozovich Timber Products, dans l'Alabama, a déclaré au Mobile Register : "Nous n'arrivons pas à imaginer ce qu'il [le NRDC] pense détenir [contre nous]".

Mais ces militants disent que le réseau de falsification de documents et la corruption largement répandue signifient que toutes les importations d'acajou en provenance du Pérou doivent être considérées comme douteuses.

Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]