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La Grande Question

Pourquoi tant de pays sont-il opposés à l'indépendance du Kosovo ?

Par By Paul Vallely
The Independent, mardi 19 février 2008

article original : "The Big Question: Why are so many countries opposed to Kosovo gaining its independence?"

Pourquoi posons-nous cette question maintenant ?

Parce que le Kosovo s'est auto-déclaré, cette semaine, être le tout nouveau pays d'Europe. Quelques 17 ans après la dissolution de la Yougoslavie - et après un cortège horrible de nettoyage ethnique, d'atrocités épouvantables, d'expulsions forcées et une guerre civile qui a fait 10.000 victimes avant que l'Otan n'intervienne - le peuple du Kosovo s'est auto-déclaré indépendant.

Depuis 1999, les Kosovars ont vécu sous protectorat des Nations-Unies, tout en conduisant des négociations avec les Serbes voisins pour trouver un statut constitutionnel acceptable pour la région. Lorsque les pourparlers se sont rompus, le gouvernement provisoire a déclaré unilatéralement son indépendance en tant que République du Kosovo. Quelques 90% des deux millions de personnes qui constituent ce peuple sont d'ethnie albanaise, les autres 10% étant serbes. Maintenant, les créateurs du 193ème pays indépendant du monde ont envoyé 192 lettres aux gouvernements dans le monde entier pour rechercher la reconnaissance officielle de leur indépendance.

Qu'en pensent les Serbes ?

Ils sont très mécontents. Ils considèrent le Kosovo, depuis le moyen-âge, comme le cœur de leur Etat, même si 90% de sa population est d'un groupe ethnique différent. Le Premier ministre serbe, Vojislav Kostunica, a dit du Kosovo que c'est un "pays artificiel".

Quelle est la position des uns et des autres ?

Pour les pays, conduits par les Etats-Unis, qui ont participé aux frappes de l'Otan contre la Serbie pour mettre fin aux atrocités :

Le Président George Bush a déjà officiellement reconnu le Kosovo comme Etat indépendant. Donc, la plupart des grandes nations européennes le feront - la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne et l'Italie. Le gouvernement japonais "va dans le sens de la reconnaissance du Kosovo", exprimant les changements en ligne avec les critères du Japon de reconnaissance des Etats.

D'autres pays membres de l'UE - l'Espagne, la Grèce, Chypre, la Bulgarie, la Roumanie et la Slovaquie, ont dit qu'ils ne le feront pas. Parmi les autres pays opposés à l'indépendance du Kosovo, il y a le Sri Lanka et l'Indonésie. Les pays balkaniques voisins sont, eux aussi, divisés. La Croatie et la Macédoine sont pour le Kosovo, mais la Bosnie-Herzégovine est contre. D'autres Etats, comme Malte et le Portugal, veulent que le futur du Kosovo soit décidé par le Conseil de Sécurité des Nations-Unies.

Pourquoi la communauté internationale est-elle aussi divisée ?

En partie, cela reflète l'idée divergente que se font chacun des gouvernements sur le fait que les Albanais ont été ou non essentiellement les victimes des Serbes lors de la guerre de la décennie passée. "La Serbie a effectivement perdu le Kosovo à cause de ses propres actions dans les années 90", a déclaré le ministre irlandais des affaires étrangères, Dermot Ahern. "L'héritage amer du massacre de milliers de civils au Kosovo, ainsi que le nettoyage ethnique de beaucoup plus, a effectivement exclu toute restauration de la domination serbe sur le Kosovo".

En partie, cela reflète les convictions concernant les solutions aux problèmes des relations étrangères intraitables. En partie, cela reflète les priorités intérieures de quelques gouvernements qui craignent que le soutien à la déclaration unilatérale du Kosovo puisse attiser le séparatisme dans leurs propres pays.

Quels sont les arguments ?

Les Américains, et la plupart des membres de l'Otan, pensent qu'une résolution définissant le statut du Kosovo est essentielle pour les Balkans, afin qu'il devienne stable. "Une solution négociée n'était pas possible", a déclaré le ministre allemand des affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier. "La Paix et la stabilité sont à l'ordre du jour", a déclaré pour sa part le ministre britannique des affaires étrangères, David Miliband. Il y a un tel déséquilibre de la population entre les groupes ethniques albanais et serbes que l'autonomie était inévitable.

L'autre camp risposte avec des arguments nobles sur l'inviolabilité de la souveraineté nationale. "Nous ne reconnaîtrons pas [le Kosovo] parce que nous considérons que ceci ne respecte pas la loi internationale", a déclaré le ministre espagnol des affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos.

Mais il est peut-être significatif que ceux qui s'opposent à la reconnaissance [du Kosovo] ont surtout des problèmes avec leurs propres mouvements séparatistes ou sécessionnistes. "La Chypre, pour des raisons de principe, ne peut pas reconnaître et ne reconnaîtra pas une déclaration unilatérale d'indépendance", a déclaré la ministre chypriote des affaires étrangères, Erato Kozakou-Marcoullis. "C'est une question de principe et de respect de la loi internationale, mais aussi une d'inquiétude que cela créera un précédent dans les relations internationales".

Cela n'avait, a-t-elle dit, en protestant peut-être un peu trop, "rien à voir avec l'occupation [turque] de Chypre, ce n'est pas parce que nous avons peur que la République Turque du Nord de Chypre (RTNC) déclarerait son indépendance parce qu'ils l'ont déjà fait en 1983 et ont fait l'objet de réactions fortes de la part du Conseil de Sécurité".

Il y a des paroles similaires provenant du Sri Lanka. "Nous remarquons que la déclaration d'indépendance a été faite sans le consentement de la majorité du peuple de la Serbie et que c'est une violation de la Charte des Nations-Unies, qui consacre la souveraineté et l'intégrité territoriale de ses Etats membres", affirme une déclaration du gouvernement sri-lankais, suggérant que le Kosovo puisse créer un précédent inimaginable dans "la conduite des relations internationales et de l'ordre mondial établi des Etats souverains".

Ceux qui sont dans l'autre camp réfutent cela. Le Kosovo, a déclaré le ministre britannique des affaires étrangères, était une "situation unique qui mérite une réponse unique".

Qu'en est-il des Russes ?

La Russie a aussi ses sécessionnistes. Usman Ferzauli, l'homme qui se donne le titre de Ministre des Affaires Etrangères de la Tchétchénie, vient juste de soutenir obligeamment la déclaration du Kosovo. Mais lorsqu'il parle de "mener une lutte armée contre les puissances les plus agressives et les plus militarisées du monde pendant les 14 dernières années", il ne parle pas du groupe ethnique albanais mais de leurs camarades musulmans en Tchétchénie, qui ont bénéficié d'une brève période d'autonomie avant que Moscou ne rétablisse son contrôle.

Il y a des liens d'affinité culturelle et ethnique entre les Serbes et les Russes. L'Europe est de plus en plus méfiante vis-à-vis de l'Ours Slave. Les Russes ont toujours leurs porte-avions ancrés pas si loin. La Russie insiste sur le fait qu'il n'y a pas de base pour changer la résolution du Conseil de Sécurité sur le statut du Kosovo - et ils disent que Belgrade doit accepter tout changement.

Que risque-t-il d'arriver ?

Les Etats-Unis et les membres de l'UE siégeant au Conseil de Sécurité des Nations-Unies soutiendront l'indépendance du Kosovo. Mais la Russie et la Chine ne le feront pas. La Russie bloquera l'adhésion du Kosovo aux Nations-Unies - et bloquera probablement l'accession du Kosovo à l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe et au Conseil de l'Europe.

Les vraies questions sont moins prestigieuses et plus profondes. Le taux de chômage au Kosovo est de plus de 40%, la corruption et le crime organisé sont des problèmes graves, et la richesse par habitant n'est que de 5% de la moyenne européenne. Les troubles sont loin d'être résolus.

L'indépendance est-elle une bonne chose ?

oui …

* 90% de son peuple est non-serbe et devrait être autorisé à déterminer son propre destin

* La Serbie a effectivement le Kosovo à travers ses propres actions dans les atrocités et le nettoyage ethnique des années 90

* L'indépendance kosovare est l'issue logique de l'effondrement de la Yougoslavie communiste après la chute du Mur de Berlin

Non…

* Le Kosovo forme le cœur de l'Etat serbe depuis le Moyen-Âge

* Tout le monde en Serbie aurait dû pouvoir voter sur la question de l'indépendance du Kosovo

* Cela établit un précédent dangereux pour les autres parties du monde où les rebelles veulent se séparer

Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]