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Conseil urgent à Tony Blair :
Tenir tête à Bush et appeler à un cessez-le-feu

Par Colin Brown, rédacteur en chef adjoint de la rubrique politique

The Independent le 28 juillet 2006

Lorsqu'il arrivera aujourd'hui à Washington pour rencontrer le Président George Bush, Tony Blair va affronter une pression toute fraîche sur la crise au Proche-Orient. Des conseillers supérieurs de Downing Street ont dit que les deux dirigeants avaient l'intention de montrer au monde qu'ils recherchaient une fin urgente aux hostilités au Liban, malgré l'échec, mercredi, du sommet de Rome tant vanté, à émettre un appel unifié à la trêve.

Le ministre de la justice israélien, Haim Ramon, a ajouté de la pression hier, lorsqu'il a interprété cette indécision comme un feu vert pour continuer son attaque sanglante contre le Liban. "Nous avons reçu hier, à la conférence de Rome, la permission de la part du monde… de poursuivre cette opération", a-t-il déclaré à des journalistes.

La visite de Tony Blair se déroulera, alors que 42 personnalités de la politique, de la diplomatie, de l'académie et des médias ont signé une déclaration préconisant à M. Blair de dire au Président Bush que la Grande-Bretagne "ne peut plus soutenir la position américaine sur la catastrophe humanitaire qui se déroule au Proche-Orient". Leur déclaration, publiée en une de l'Independent d'aujourd'hui, appelle le Premier ministre à "entreprendre des démarches urgentes auprès d'Israël pour qu'il mette fin à sa riposte disproportionnée et contre-productive à l'agression du Hezbollah".

Après son arrêt à Washington, M. Blair s'envolera ce soir pour la Californie afin de participer à une conférence avec le magnat des médias, Rupert Murdoch. Un allié de M. Murdoch, Irwin Stelzer, a insisté que M. Blair n'était pas le "caniche" de M. Bush, mais son "chien d'aveugle", en particulier sur le Proche-Orient.

Des officiels de Downing Street ont déclaré que M. Blair avait l'intention de répondre à la critique dont il fait l'objet dans le monde en montrant l'urgence de rechercher à mettre un terme aux hostilités entre Israël et le Hezbollah. Le Premier ministre [britannique] et le président [étasunien] prévoient d'engager leurs gouvernements à un cessez-le-feu durable en restaurant l'autorité du gouvernement élu contre l'action unilatérale du Hezbollah.

Leur apparition conjointe à la Maison-Blanche rencontrera probablement du scepticisme. L'administration Bush a déclaré cette semaine qu'elle recherchait un "nouveau Proche-Orient", soulevant des craintes que la crise au Liban était une guerre par procuration entre les Etats-Unis et l'Iran, les sponsors du Hezbollah.

Des hauts responsables à Downing Street ont dit que le Premier ministre soutenait la stratégie des Etats-Unis sur le Proche-Orient, qui a été acceptée lors du sommet du G8 de Sea Island en 2004. On crédite M. Blair de vouloir persuader M. Bush de poursuivre une solution à deux Etats dans le problème israélo-palestinien. MM. Blair et Bush mettront l'accent sur le fait qu'ils travaillent en coulisse pour faire pression sur une fin urgente de la violence des deux côtés au Liban.

"Surtout, ne sous-estimez pas la nature intensive de la diplomatie", a dit un haut conseiller du Premier ministre. "Il se passe beaucoup de choses en coulisse. Nous voulons montrer que nous approchons de la recherche d'un processus qui permette aux deux parties de mettre fin aux hostilités et que cela est urgent."

L'influence de M. Blair sur le président étasunien, qui fait partie de la "relation spéciale" avec l'Amérique, a été tournée en ridicule après que l'on a entendu Bush lui dire " Yo, Blair " lors du sommet du G8 à Saint-Pétersbourg. Dans cette conversation enregistrée, M. Bush a refusé de permettre à M. Blair de monter une mission diplomatique pour le Proche-Orient, préférant à la place y envoyer sa Secrétaire d'Etat, Condoleeza Rice.

Les deux dirigeants savent que la fin de leur mandat approche et des officiels ont déclaré qu'ils partageaient tous deux le même point de vue sur quatre des cinq points-clés à l'ordre du jour de la rencontre d'aujourd'hui - la "guerre contre la terreur", la nécessité de répandre la démocratie au Proche-Orient, restaurer la stabilité de l'Irak et la nécessité de juguler les ambitions nucléaires de l'Iran. Ils sont très éloignés l'un de l'autre sur l'effondrement des discussions commerciales mondiales, qui est aussi à l'ordre du jour. Mais d'autres questions épineuses, telles que la controverse sur l'utilisation d'aéroports britanniques pour les cargaisons d'armes étasuniennes vers Israël, seront mises de côté. "Ce problème est à traiter par Mme Beckett [la Secrétaire britannique aux Affaires Etrangères]", a dit une source au No 10.

Downing Street a insisté sur le fait que M. Blair, à propos de la guerre au Liban, a exercé une influence à titre privé sur l'administration Bush, plutôt que d'appeler publiquement à un cessez-le-feu que l'on ne pourrait pas faire respecter. Le porte-parole officiel du Premier ministre [britannique] a déclaré que M. Blair avait décidé de "retrousser ses manches" et de travailler en coulisse, plutôt que d'agir en commentateur sur la ligne de touche.

Sir Stephen Wall, l'un des conseillers du Premier ministre parmi lesquels il a le plus confiance, a déclaré que l'approche de M. Blair était mauvaise. "Il y a eu des fois où sur les questions commerciales le Premier ministre aurait dû dire à Bush de 'retirer ses chars de notre pelouse'", a écrit Sir Stephen dans le New Stateman.

"Il y a toujours des moments où, tout en travaillant tranquillement avec le Congrès [des Etats-Unis] sur le changement climatique, nous devrions élever la voix sur l'irresponsabilité de la Maison-Blanche.

"Il y a des moments, comme ces deux dernières semaines, où un Premier ministre britannique aurait dû penser moins à l'influence privée et plus à la défense du public."

16ème jour

· 600 personnes pourraient avoir trouvé la mort au Liban, a déclaré le Ministre de la Santé. Les avions israéliens attaquent des camions transportant des fournitures médicales et de la nourriture.

· Israël a rappelé 30.000 réservistes, mais le cabinet [israélien] décide de ne pas étendre son incursion à l'intérieur du Liban.

· Le Hezbollah tire 48 roquettes dans le nord d'Israël, blessant quatre personnes.

· Le Hamas a réfuté le commentaire du président palestinien, selon lequel la libération de l'otage israélien est "imminente".

· Le président iranien a déclaré qu'Israël avait appuyé sur le bouton de l'autodestruction.

· Le Conseil de Sécurité exprime le choc et la détresse à propos du bombardement par Israël d'un poste de l'ONU, mais pas de condamnation.

· Le numéro deux d'Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri appelle les Musulmans à repousser les attaques sur leurs pays.

Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]