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LLRICE601

OGM : L'opération de camouflage

Par Geoffrey Lean, rédacteur en chef environnement

The Independent le 17 septembre 2006
article original : "GM: The cover-up"

Révélation : L'organisme de surveillance du gouvernement [britannique] a donné
le feu-vert aux supermarchés pour vendre du riz "illégal" génétiquement modifié


L'organisme officiel de surveillance de la sécurité alimentaire, de Grande-Bretagne, a dit en privé aux supermarchés qu'il ne les empêcherait pas de vendre au public du riz OGM illégal.

Des documents qui ont été visionnés par notre journal montrent que la Food Standards Agency [l'Agence des Normes Alimentaires] a assuré, il y a dix jours, aux principaux fabricants et distributeurs qu'elle ne les obligerait pas à retirer ce riz du marché - en même temps qu'elle disait au public que ce riz ne devrait pas être autorisé à la vente.

L'association écologiste Les Amis de la Terre a déjà découvert des substances génétiquement modifiées dans deux types de riz vendu dans les supermarchés Morrisons, sous sa propre marque - en contravention directe avec les règles de sécurité alimentaire - et ils pensent que ce riz OGM a toutes les chances d'être répandu dans toute la Grande-Bretagne.

Mais l'Agence des Normes Alimentaires n'a pas procédé à ses propres analyses pour le riz génétiquement modifié qui se retrouve dans les produits mis sur le marché et elle n'a pas demandé aux distributeurs de le faire. Selon elle, ce riz est sans danger. Toutefois, certains scientifiques ne sont pas d'accord.

Hier soir, Peter Ainsworth, le Secrétaire de l'Environnement du cabinet fantôme [1], a décrit la conduite de l'agence comme étant un "scandale à grande-échelle" et a déclaré que cela "sentait l'opération de camouflage". Il a dit qu'il demanderait une enquête officielle pour déterminer si l'Agence a enfreint la loi.

Sur le plan légal, aucun riz OGM n'est autorisé à la vente en Grande-Bretagne ou dans tout autre pays de l'UE. Mais, le mois dernier, l'administration Bush a admis qu'elle avait trouvé une substance génétiquement modifiée, qui n'avait même pas reçu de visa de sécurité aux Etats-Unis, dans un riz long destiné à l'exportation.

Ce riz non-autorisé, dont le nom de code est LLRICE601, a été développé par Bayer CropScience afin de résister à un désherbant et a été testé dans des exploitations agricoles étasuniennes entre 1998 et 2001. Cette société a décidé de ne pas le commercialiser. Néanmoins, LLRICE601 s'est retrouvé à grande-échelle dans le riz étasunien, probablement à cause du pollen du riz testé qui s'est répandu sur les récoltes conventionnelles. La Commission Européenne déclare qu'il a été retrouvé dans 33 échantillons, sur 162, de riz importé des Etats-Unis.

Le mois dernier, la CE a interdit toutes autres importations tant qu'il ne serait pas prouvé qu'elles sont exemptes de riz OGM et elle a donné aux gouvernements l'instruction d'analyser leurs produits déjà sur le marché pour s'assurer qu'ils n'en contenaient pas.

Le commissaire européen à la santé et à la protection des consommateurs, Markos Kyprianou, a déclaré que ce riz ne devrait "en aucune circonstance" être autorisé à entrer dans la chaîne alimentaire.

Deux grandes chaînes suisses de supermarchés ont déjà bannit des ventes tout riz long en provenance des Etats-Unis.

La Food Standards Agency a annoncé publiquement que "la présence de cette substance OGM dans le riz vendu au Royaume-Uni est illégale selon la loi européenne sur les aliments", ajoutant : "Les magasins d'alimentation ont la responsabilité de s'assurer que les aliments qu'ils vendent ne contiennent pas de substance OGM non-autorisée".

Mais le 5 septembre, une responsable de cette agence, Claire Baynton, a rencontré en privé les principaux détaillants et fabricants de produits alimentaires. Selon des enregistrements de cette réunion, visionnés par The Independent on Sunday, elle a dit que l'agence n'attendait pas des sociétés qu'elles tracent ces produits et qu'elles les retirent du marché.

L'agence déclare qu'elle a dit aux sociétés, lors de cette rencontre, qu'il était de leur responsabilité de s'assurer que les produits qu'ils vendaient ne contenaient pas ces substances OGM, mais qu'elle ne leur "demanderait" pas d'effectuer des analyses pour s'en assurer ou de retirer ces produits de la vente au cas où il en serait trouver.

La Food Standards Agency déclare qu'elle "n'a pas effectué d'analyse des produits sur le marché" et qu'elle "n'a donné aucune instruction aux détaillants" de le faire. L'agence déclare que le riz génétiquement modifié ne présente pas d'inquiétude pour la santé et conseille aux gens qui ont chez eux du riz provenant des Etats-Unis de continuer à en manger. Mais des scientifiques disent que ce riz pourrait être motif "d'inquiétude concernant son allergénicité potentielle".

Les Amis de la Terre ont trouvé des substances OGM dans deux échantillons de riz long américain et de riz long américain complet de la chaîne Morrisons, mais ils n'ont pas été en mesure de vérifier s'il s'agissait du LLRICE601. Morrisons reconnaît que la vente de tout riz OGM est illégale. Il a débarrassé ses rayons de ces produits "par mesure de précaution", immédiatement après avoir été informé de ces découvertes.

Clare Oxborrow, la militante OGM des Amis de la Terre, a déclaré : "La découverte d'ingrédients illégaux est très inquiétante. La Food Standards Agency n'a pas pris de mesures pour identifier et retirer du marché les aliments contaminés, donc il y a toutes les chances que du riz illégal se retrouve dans les assiettes des consommateurs non avertis.

"Au lieu de minimiser l'importance de cet incident de contamination et de retarder son action, l'agence devrait prendre des mesures urgentes pour empêcher que du riz OGM illégal soit vendu dans nos magasins".

Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]

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note :

[1] Cabinet fantôme : Dans les états dont la démocratie parlementaire fonctionne sur le système de Westminster (Angleterre, Canada, Australie), le principal parti d'opposition (l'Opposition officielle) forme un cabinet fantôme qui a normalement vocation à prendre le pouvoir en cas de victoire électorale.

C'est une équipe dont les membres jouent le rôle de porte-parole de l'opposition sur les sujets concernant les attributions des ministres en exercice.

Ce fonctionnement est censé permettre une forme de sécurité au bénéfice des citoyens, puisqu'ils savent en toute transparence qui, dans l'opposition, pourrait remplir les fonctions de ministre et à quel ministère. Il permet aussi une certaine continuité de l'Etat dans des systèmes parlementaires, puisque le Cabinet fantôme peut disposer de certains dossiers importants.

François Mitterrand avait souhaité mettre un tel système en place en France.