Carnegie Institution of Washington
Department of Global Ecology
Stanford, U.S.A
Diffusée le samedi 1er novembre 2003 sur ABC Radio National
Earthbeat
Quelle quantité de matière végétale est-elle nécessaire pour faire un baril de pétrole ? Voici quelques chiffres surprenants provenant d'une étude scientifique publiée fin 2003.
Mark Horstman : Alors qu'il était à l'Université de l'Utah, l'Ecologiste Jeff Dukes décida de faire de la recherche sur la quantité d'énergie que nous utilisons. Pas seulement en tant qu'énergie fossile, mais en termes d'ancienne énergie solaire qu'elle contient. Il lui a donné un nom : "L'ensoleillement enseveli". Il s'apprête à publier un article dans la revue Climate Change et il connaît la réponse de notre quiz du jour. Quelle quantité de matière végétale préhistorique pour fabriquer un litre de pétrole ?
Jeffrey Dukes : Et bien, il s'avère qu'il a fallu 23 tonnes de matière végétale préhistorique pour créer un litre de notre pétrole d'aujourd'hui. 23 tonnes qui représentent une quantité plutôt importante.
Mark Horstman : C'est une quantité phénoménale !
Jeffrey Dukes : La majeure partie de cette matière végétale, en ce qui concerne le pétrole, était en fait du phytoplancton qui pousse dans l'océan. Certaines zones très productives des océans, dans les temps préhistoriques, ont fini par accumuler des quantités importantes de sédiments et ces sédiments ont finalement formé ce que nous utilisons aujourd'hui et que nous appelons pétrole.
Mark Horstman : Donc, si nous rapportons le pétrole en termes d'espace nécessaire pour faire pousser des plantes, combien-nous faudrait-il labourer pour faire le plein de carburant d'un véhicule de consommation moyenne ?
Jeffrey Dukes : Evidemment, cela va dépendre de la variété de plante que vous allez faire pousser. Mais admettons que vous fassiez pousser du blé, alors une récolte moyenne sur 4,3 hectares vous donnerait un litre de carburant. Alors, je ne sais pas à quelle vitesse il vous faudrait labourer, mais disons qu'il vous faudrait au moins deux personnes pour pouvoir utiliser ce véhicule.
Mark Horstman : Pour l'ensemble de la planète, à quelle vitesse le brûlons-nous ?
Jeffrey Dukes : Lorsque vous prenez en compte l'ensemble des carburants fossiles que nous utilisons - si vous additionnez tout le charbon, le gaz naturel et le pétrole que nous brûlons -, il s'avère que nous utilisons plus de matière végétale préhistorique en un seul jour que la planète n'en produit en un an. Et cela comprend la vie végétale microscopique produite par les océans. Et cela fait pas mal ! Mais heureusement, figurez-vous, il s'agit de matière végétale préhistorique et elle a été concentrée pour nous en source d'énergie sympathique. Je pense que ce calcul ne fait que montrer que l'utilisation de ce carburant fossile n'est pas renouvelable. Il est clair que si nous brûlons l'équivalent d'une année de production végétale en une seule journée, nous ne serons pas capables de continuer ainsi éternellement. Mais, d'un autre côté, nous savions déjà que le carburant fossile n'était pas renouvelable.
Mark Horstman : Etant donné que nous avons développé une véritable soif pyromane pour les carburants fossiles, combien de temps cela a-t-il pris depuis les débuts de notre planète de faire pousser toute la végétation qui fut nécessaire à fabriquer ce carburant fossile que nous utilisons ?
Jeffrey Dukes : Tel que vous le présentez, cela a pris en gros treize mille ans de production planétaire de matière végétale pour satisfaire aux besoins des 250 et quelques années de pyromanie des carburants fossiles.
Maintenant, si nous allons passer à des sources modernes de carburant pour satisfaire notre demande incroyable, alors nous allons devoir être très prudents dans notre choix de sources d'énergie. Donc, un moyen de remplacer cette énergie fossile serait clairement de cultiver de l'énergie dans des plantations où nous ferions pousser des plantes à croissance rapide et de les brûler, tout simplement, pour fournir de l'énergie afin de remplacer une partie des carburants fossiles. Ce serait un véritable retournement, parce que nous utiliserions alors une plus grande surface de la Terre pour assouvir nos propres besoins et cela causerait des problèmes pour de nombreuses autres espèces sur la planète. En effet, celles-ci ont aussi besoin de cet espace et de cette matière végétale pour survivre. On pourrait en arriver à utiliser à cet effet un quart de la surface cultivable de la Terre.
Mark Horstman : D'après vos calculs, quel est le message pour nos auditeurs ?
Jeffrey Dukes : Je pense que ce que les gens doivent retenir est que nous avons eu beaucoup de chance d'avoir cette source de carburant fossile à notre disposition. Cette source d'énergie incroyablement riche est en gros un cadeau qui nous a été fait des temps préhistoriques. Et nous avons été capables de développer la civilisation qui est la nôtre à partir de ces carburants fossiles. Les gens qui nous écoutent en ce moment à la radio nous entendent probablement grâce au charbon, et, s'ils sont chez eux ou dans leur voiture, ils le font grâce à l'énergie fournie par le pétrole. C'est pourquoi, nous avons vraiment de la chance de disposer de cette source de carburant fossile. Mais d'un autre côté, il semble que les raisons pour passer de ces carburants fossiles à d'autres sources d'énergie s'accumulent très vite.
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Traduit de l'anglais par Jean-François Goulon