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     Sauver la Non-Prolifération
    Par Jimmy Carter
Publié le 28 mars 2005 dans le Washington Post, page A17

La reprise des discussions sur le Traité de Non-Prolifération (TNP) est programmée pour le mois de mai, et pourtant, son sort semble indifférent tant aux États-Unis qu'à d'autres puissances nucléaires.

Ceci mérite d'être souligné si l'on pense que l'Iran et la Corée du Nord entrent dans la danse des Etats qui possèdent ou qui recherchent l'arme nucléaire. Un rapport récent des Nations-Unies met sérieusement en garde : "Nous approchons d'un point où l'érosion du régime de la non-prolifération pourrait devenir irréversible et une prolifération en cascade pourrait en résulter."

Plusieurs "États Moyens" partagent cet objectif simple : "exercer une influence sur les puissances nucléaires pour qu'elles prennent un minimum de mesures afin de sauver le traité de non-prolifération en 2005." L'an passé, cette coalition d'États disposant de la capacité de développer l'arme nucléaire — dont le Brésil, l'Égypte, l'Irlande, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, l'Afrique du Sud, la Suède et huit membres de l'OTAN — a voté en faveur d'une nouvelle résolution de programmation appelant à mettre en application les engagements déjà pris lors de l'adoption du TNP. Tragiquement, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ont voté contre cette résolution.

Jusqu'à présent, le comité en charge de la préparation des prochaines discussions sur le TNP a été incapable de fixer un ordre du jour, tant sont profondes les divisions entre les puissances nucléaires et les mouvements antinucléaires. En effet, ces premières refusent de remplir leurs propres engagements en matière de désarmement et les exigences de ces derniers incluent qu'elles tiennent leurs promesses et de prendre en compte l'arsenal israélien.

Jusqu'à récemment, tous les présidents américains depuis Dwight Eisenhower se sont efforcés de restreindre et de réduire les arsenaux nucléaires — certains plus que d'autres. Tout ce que je sais, c'est que les puissances nucléaires ne font aucun effort actuellement pour atteindre ces objectifs cruciaux.

Les États-Unis sont le principal coupable de l'érosion du TNP. Tandis qu'ils prétendent protéger le monde des menaces que représente la prolifération en Irak, en Libye, en Iran et en Corée du Nord, les dirigeants américains ont non seulement abandonné les restrictions que ce traité implique, mais ils ont aussi revendiqué des projets destinés à tester et à développer de nouvelles armes — y compris des missiles anti-balistiques, le "bunker buster" [le casseur de bunkers] ultra-pénétrant, et peut-être aussi quelques nouvelles "petites" bombes. Ils ont aussi abandonné les promesses passées et menacent à présent d'utiliser en premier recours les armes nucléaires contre des états non-nucléaires.

Quelques actions pour corriger le tir sautent aux yeux :

o Les États-Unis doivent aborder avec la Russie les questions nucléaires non encore résolues et exiger les mêmes critères de transparence et de vérification des accords passés sur le contrôle et le démantèlement des armements, ainsi que l'élimination des armes mises hors service. Les arsenaux gigantesques, dont le statut d'alerte est sur "déclenchement rapide", font vraiment peser le risque d'un holocauste global, à cause de possibles fautes de jugement ou même tout simplement de simples erreurs, comme aux pires heures de la Guerre Froide. Nous pourrions peut-être nous occuper des plus graves menaces de prolifération en sécurisant complètement les stocks d'armes de la Russie.

o Alors que tous les Etats nucléaires devraient se mettre d'accord pour renoncer à leur utilisation en premier recours, les Etats-Unis, en tant qu'unique superpuissance, devraient prendre l'initiative sur cette question.

o L'OTAN doit accorder moins d'importance au rôle de son armement nucléaire et considérer l'arrêt de son déploiement en Europe occidentale. Malgré son expansion vers l'Est, l'OTAN a toujours les mêmes stocks d'armes et pratique la même politique que lorsque le Rideau de Fer divisait le continent.

o L'ensemble du traité d'interdiction des essais nucléaires devrait être honoré, mais les Etats-Unis vont dans la direction opposée. Le budget 2005 du gouvernement [américain] fait allusion pour la première fois à une liste de scénarios d'essais nucléaires, et d'autres nations attendent pour agir de même.

o Les États-Unis devraient soutenir un traité sur les matières fissiles afin d'éviter la fabrication et le transport d'uranium et de plutonium hautement enrichis.

o Les Etats-Unis devraient réduire le développement de leur bouclier anti-missiles infaisable. Des ressources gigantesques y sont gaspillées et l'engagement américain relatif au Traité sur les Missiles Anti-Balistiques est de fait rompu, sans qu'aucun accord de remplacement n'ait été mis au point.

o Il faut agir sur la prolifération nucléaire au Moyen-Orient qui est source croissante d'instabilité dans la région. L'Iran a constamment caché ses intentions d'enrichir l'uranium en prétendant que son programme nucléaire n'a qu'un but pacifique. Cette explication a déjà été fournie, par l'Inde, le Pakistan et la Corée du Nord, et a conduit à des programmes d'armement dans ces trois Etats. On doit demander des comptes à l'Iran qui doit tenir ses promesses en vertu du Traité de Non-Prolifération. En même temps, nous oublions de dire à quel point le statut nucléaire d'Israël incite l'Iran, la Syrie, l'Egypte et d'autres Etats à rejoindre la communauté des états disposant de l'arme nucléaire.

Il s'agit là de questions vitales, et le monde connaîtra les réponses lors de la conférence sur le TNP qui aura lieu en mai.

L'ancien président Carter est le fondateur du Carter Center à Atlanta.

Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Jean-François Goulon

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