Hadi Mizban/Associated Press
Une rue déserte dans Falloujah vendredi dernier. Les soldats américains continuent de rechercher des insurgés dans la ville, et il est
rapporté que la moitié des immeubles ont déjà été "nettoyés".
BAGHDAD —
Quinze formations politiques ont demandé vendredi un report de six mois des élections qui ont été programmées pour le 30 janvier 2005. La première conséquence, c'est le très grand coup d'accélérateur donné au mouvement pour le report des élections, mouvement mené en grande partie par des Arabes sunnites.
Parmi ces groupes politiques ont retrouve quelques uns des partis irakiens prééminents, y compris le parti du premier Ministre Ayad Allaoui, un Chiite laïque, ainsi que celui d'Adnan Pachachi, un Sunnite laïque.
Ces deux hommes politiques font partie des plus forts soutiens à la politique américaine en Irak, mais en soutenant le report des élections ils apportent un coup de fouet à ceux qui réclament l'ajournement. Les deux principaux partis kurdes ont aussi apporté leur soutien. C'est la première fois que les kurdes, en général très proches alliés des Américains, prennent une position forte sur cette question. Ces quinze formations, ainsi que des douzaines de personnalités politiques et religieuses, ont fait une déclaration commune, après une réunion passionnée de deux heures, qui s'est tenu au domicile de Pachachi à Bagdad.
"Les participants demandent un report des élections de six mois afin d'évaluer la situation actuelle sur la sécurité et pour conclure les arrangements nécessaires sur les questions administratives et techniques", ont déclaré des représentants des partis qui participaient à cette réunion. La plupart de ces groupes sont laïques et dirigés par des Arabes sunnites.
Cette demande de report vient ajouter un peu plus aux écueils politiques croissants qui divisent les Sunnites, les Chiites et les Kurdes, et elle souligne les divisions âpres et sectaires qui menacent de détricoter le tissus social de ce pays.
Les Chiites, qui représentent au minimum 60 pour-cent de la population, ont été catégoriques que les élections doivent se tenir au plus tard fin Janvier.
Les Sunnites et les Kurdes, à un degré moindre, ont exprimé leur peur que les Chiites domineront très largement le nouveau gouvernement et exerceront un pouvoir sans partage.
Les Sunnites et les représentent environ un cinquième de la population chacun. Les Sunnites ont régné sur la région pendant des siècles, jusqu'au renversement de Saddam Hussein.
Ceux qui réclamaient vendredi un délai ont parlé des conditions de sécurité qui se détériorent — surtout dans les parties centrales et nordistes de l'Irak — comme raison principale pour laquelle l'élection ne peut pas se tenir le 30 janvier 2005.
La violence dans ces régions se poursuivait vendredi. Des responsables militaires américains ont déclaré que plus de 15 corps d'Irakiens, dont certains avaient été décapités, avaient été découverts dans un cimetière de la ville du Nord, Mossoul.
Quatre employés d'une entreprise de sécurité britannique, Global Risk Strategies, ont été tués et au moins 15 ont été blesses lorsqu'une roquette a atterri jeudi dans Bagdad à l'intérieur de la zone verte fortifiée, où sont abrités les bureaux du gouvernement irakien intérimaire ainsi que l'ambassade des Etats-Unis, ont déclaré vendredi des contractants en sécurité.
Divers rapports indiquaient qu'au moins deux d'entre eux, et peut-être les quatre, qui sont morts étaient des Népalais issus des régiments Gurkha.
Les troupes américaines à l'intérieur de la ville dévastée de Falloujah continuaient à aller de maison en maison, à la recherche des insurgés. Par moments il y avait des fusillades.
Le Lieutenant-Général John Sattler, commandant le 1er Corps Expéditionnaire de Marines, a déclaré que les troupes avaient nettoyé environ la moitié des immeubles de la ville en presque deux semaines, depuis que l'offensive américaine a pris fin.
Un organisateur de la commission électorale irakienne a dit dans une interview que les commissaires discuteraient des nouvelles demandes en vue d'un report des élections, mais il a exprimé des doutes quant à d'éventuels changements.
"Nous parlerons de cela demain, mais nous ne pensons pas reporter les élections," a déclaré l'organisateur, Adel al-Lami. "Il y a un calendrier et nous devons nous y tenir."
Al-Lami a déclaré que le plan de la commission consistait à déjà prendre en compte la situation précaire de la sécurité dans ce pays.
La date limite à laquelle les formations politiques doivent présenter leur liste de candidats pour ce scrutin a été repoussée au 10 décembre, a-t-il dit.
Il semble qu'il y ait quelque confusion parmi les commissaires sur la question de savoir qui avait le pouvoir de changer la date du 30 janvier. La commission avait fixé cette date dimanche dernier conformément à la constitution intérimaire, écrite au printemps dernier, selon laquelle les élections doivent se tenir au plus tard fin janvier.
Al-Lami a dit que la commission pouvait reporter les élections, étant données les circonstances extraordinaires. Mais le chef de la commission, Abdul-Hussein al-Hindawi, a déclaré quant à lui dans une interview récente que personne ne détenait l'autorité légale de reporter les élections après janvier.
Les Irakiens doivent élire une assemblée nationale constituée de 275 sièges et qui choisira un premier ministre ainsi que d'autres dirigeants dans leurs rangs. L'assemblée est chargée d'écrire une constitution permanente. Des élections pour élire un gouvernement à plein temps sont prévues pour la fin de 2005.
Deux autres scrutins sont programmées pour le 30 janvier - un pour élire les dirigeants des 18 provinces, un autre pour élire l'Assemblée du Kurdistan au Nord.
Les politiciens qui se sont réunis dans la maison de Pachachi n'ont pas précisé ce qu'ils feront si les élections se déroulaient selon le calendrier prévu.
Si les partis et les électeurs sunnites décident de ne pas participer aux élections, le résultat pourrait être considéré comme illégitime, et la guérilla menée par les Sunnites pourrait s'intensifier. Déjà un groupe sunnite prééminent, l'Association des Erudits Musulmans (the Muslim Scholars Association) a appelé au boycott des élections.
"Nous traverserons ce pont lorsque nous y serons," a dit Pachachi dans l'interview répondant à la question lui demandant ce que les groupes politiques devraient faire si le calendrier restait inchangé. "Il nous faudra examiner la situation dans son ensemble et voir ce qu'il convient de faire."
Traduit de l'américain par Jean-François Goulon