élections présidentielle 2007
PARIS, le 23 avril - La course présidentielle est en cours - pour le vote du centre.
La campagne est entrée aujourd'hui dans une nouvelle phase, au moment où les gagnants du premier tour, Nicolas Sarkozy (à droite) et Ségolène Royal (à gauche), ont commencé leur bataille pour les 6,8 millions d'électeurs qui ont choisi la voie centriste.
Si on les additionne, les deux vainqueurs ont reçu 58% des suffrages exprimés au premier tour de l'élection, ce dimanche. Mais François Bayrou, le député-agriculteur qui dirige l'Union centriste de la Démocratie Française, a obtenu près de 19% des voix et ces voix sont à prendre pour la finale du 6 mai.
"Les électeurs du centre contrôlent l'élection", a déclaré Stéphane Rozes, directeur de l'institut CSA. "Notre challenge est de savoir vers où ils vont se reporter."
Le camp de M. Sarkozy est déjà très actif à tout faire pour récupérer les électeurs de Bayrou.
"Naturellement, la porte n'est pas fermée," a déclaré aujourd'hui Brice Hortefeux, l'un des plus proches conseillers de M. Sarkozy, dans une interview sur France Inter. Mais il a ajouté que cette approche se ferait auprès des électeurs eux-mêmes. "Nous parlons aux électeurs comme nous l'avons fait au premier tour," a-t-il dit. "Nous ne nous marions pas avec des organisations politiques."
Jean-Louis Borloo, le ministre du travail et fervent supporter de Sarkozy, a proposé une feuille de vigne au camp de Bayrou. Il a déclaré aujourd'hui dans une interview à la radio qu'un gouvernement conduit par M. Sarkozy trouverait "indispensable" d'inclure "massivement" des membres du parti de M. Bayrou.
Dans le camp de Mme Royal, François Hollande, le dirigeant du Parti Socialiste et père des quatre enfants de Mme Royal, a exclu toute négociation avec M. Bayrou, disant aujourd'hui sur RTL que toute "logique de négociation" ne "respecterait pas les électeurs". Il a ajouté qu'il ne pensait pas que M. Bayrou serait lui-même favorable à une telle approche.
M. Bayrou, pendant ce temps, a dit ce dimanche soir qu'il ne soutiendrait pour le moment aucun des deux candidats. "Les votes ne vous appartiennent pas", a-t-il déclaré aux journalistes. "Si vous avez écouté avec attention ce que j'ai dit précédemment, vous verrez que je veux garder mon indépendance."
Il a été optimiste dans son discours de compromis dimanche soir, insistant sur le fait que son message de conciliation avait résonné positivement aux oreilles des électeurs qui ont préféré s'éloigner des conflits internes au sein des partis traditionnels.
"Il y a enfin un centre en France, un centre large, un centre fort, un centre indépendant capable de parler et d'agir au-delà des frontières existantes," a-t-il déclaré.
La part des électeurs drainée par Bayrou est, cette fois-ci, plus que deux fois et demie celle qu'il avait captée au premier tour des élections présidentielles de 2002, lorsqu'il reçut 6,8 % des suffrages.
Au lieu de soutenir l'un des deux candidats, il pourrait préférer positionner son parti pour la meilleure performance possible aux élections législatives qui auront lieu en juin.
Le parti de M. Bayrou, L'Union pour la Démocratie Française, a une histoire peu commune. Créée en 1978 par Valéry Giscard d'Estaing, pendant sa présidence, l'UDF a réuni des Démocrates Chrétiens et des libéraux et était destinée à servir d'alternative au RPR que Jacques Chirac avait fondé deux années plus tôt lorsqu'il s'est présenté à la mairie de Paris.
Ensuite, en 2002, M. Chirac a créé le parti de centre-droit beaucoup plus large, l'Union pour un Mouvement Populaire, l'UMP. Il a attiré dans son camp un grand nombre de députés du parti de M. Bayrou, qui a été sévèrement affaibli dans le processus.
L'ancien Premier ministre de M. Chirac, Jean-Pierre Raffarin, ainsi que l'actuel ministre des affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, étaient auparavant membres du parti de Bayrou. Ce dernier a régulièrement voté avec le parti du gouvernement, l'UMP, à l'assemblée nationale.
Pendant la campagne, M. Bayrou a essayé de rompre avec la division traditionnelle gauche/droite et a proposé de travailler avec les grands partis, le Parti Socialiste et l'UMP. Il a même lancé l'idée de choisir son Premier ministre parmi les membres de l'un de ces partis. Les deux camps ont rejeté cette idée.
Ensuite, l'ancien Premier ministre socialiste, Michel Rocard, a proposé une alliance avec M. Bayrou avant le premier tour du scrutin, disant que c'était la façon la plus efficace de battre M. Sarkozy. M. Bayrou comme Mme Royal ont refusé.
Mme Royal devrait convaincre le gros des 11% d'électeurs qui ont choisi l'un des six candidats de gauche. De la même manière, M. Sarkozy peut généralement compter sur les 12% qui sont allés vers les candidats d'extrême droite, Jean-Marie Le Pen et Philippe de Villiers.
Mais Mme Royal, qui suit M. Sarkozy à cinq points derrière lui, a besoin de se frayer un chemin substantiel vers le centre pour gagner. "Elle ne peut devenir présidente qu'avec l'aide des électeurs de Bayrou," a déclaré Bernard Kouchner, l'ancien ministre socialiste qui avait encouragé Mme Royal à s'aligner avec François Bayrou avant le premier tour. "Un moyen doit être trouvé pour s'allier avec Bayrou. Mais je ne vois pas beaucoup de chances pour que ce moment historique soit saisi. Sarkozy gagnera à moins que Royal ouvre son jeu un petit peu."
Selon un sondage CSA conduit après les résultats du premier tour, les électeurs de Bayrou soutiendront un peu plus Mme Royal que M. Sarkozy au second tour du 6 mai (45% contre 39%). Les 16% qui restent ont déclaré qu'ils s'abstiendraient.
Mais les voix de Bayrou constituent la partie volatile de cette élection et les sondeurs s'y présentent avec humilité. Par exemple, l'institut de sondage concurrent, l'Ifop, atteint un résultat opposé, concluant que 54% des électeurs de Bayrou se porteront sur M. Sarkozy et 46% sur Mme Royal.
Le camp de M. Bayrou connaît sa force potentielle.
"Nous les tenons ! Nous les tenons !" a dit un collaborateur de Bayrou en parlant de M. Sarkozy et de Mme Royal. Ce collaborateur s'est exprimé sous condition d'anonymat parce que M. Bayrou n'avait pas encore annoncé ses intentions.
Mais Marielle de Sarnez, la directrice de campagne de M. Bayrou, a bien fait comprendre qu'il ne ferait pas de compromis sur ses valeurs centrales contre des promesses de l'un ou l'autre candidat. "Une chose est sûre," a-t-elle été citée dans Le Parisien aujourd'hui, "Nous ne sommes pas à vendre !"
Traduction [JFG-QuestionsCritiques]