Merkel part à la recherche d'un nouveau miracle allemand
Par Simon Tisdall
The Guardian, mercredi 7 février 2007article original : "Merkel goes in search of a new German miracle"
Tony Blair peut bien s'accrocher à son poste de Premier ministre de Grande-Bretagne pour quelques mois supplémentaires, mais en tant que dirigeant international, il fait déjà parti du passé. Ces jours-ci, lorsque le Russe Vladimir Poutine parle de sécurité énergétique européenne ou du Kosovo, il s'adresse à l'Allemagne, leader de l'UE et du G8. Lorsque George Bush cherche un partenaire européen, ses regards se tournent de plus en plus vers la Chancelière Angela Merkel. Ce sont les mauvais jours de l'ère Blair. Passant presque inaperçu, M. Blair est devenu un ex-caniche.
Mme Merkel a enfoncé le clou par inadvertance, hier, lors d'une tournée de l'Egypte, de l'Arabie Saoudite et du Golfe, pour le maintien de la paix au Proche-Orient, qui a laissé la secrétaire britannique aux affaires étrangères, Margaret Beckett, à la traîne derrière elle. Résoudre le conflit israélo-palestinien passe devant la liste de choses à faire héritée de Blair. Mais, jusqu'à présent, Mme Merkel doit montrer plus de son approche pragmatique et franche.
Elle a personnellement persuadé M. Bush d'accepter de lier l'Irak à un règlement plus large au Proche-Orient — une prouesse qui a longtemps échappée à M. Blair. Un résultat pratique a été l'accord américain de faire revivre le forum de négociation qu'on appelle le Quartette ; il s'est réuni à Washington vendredi dernier. La journée d'hier a été consacrée à rallier les Etats arabes derrière le processus de paix.
Et en évitant l'erreur de Blair consistant à être perçu comme le factotum de Washington, Mme Merkel semble déterminée à garder les lignes de communication ouvertes à Damas et à Téhéran. "Nous essayons toujours de faire des propositions à la Syrie. Ce serait une folie de les laisser aux Iraniens", a déclaré un diplomate berlinois. Et une rencontre à haut niveau avec Ali Larijani, le conseiller en chef à la sécurité nationale iranien, est possible lors de la conférence sur la sécurité qui se tiendra ce week-end à Munich.
Les officiels caractérisent les initiatives de Mme Merkel au Proche-Orient comme faisant partie d'un effort plus large d'accroître le pouvoir et l'influence de l'UE dans le monde. Cette approche, reflétant son engagement à une constitution européenne, s'étend à un ferme soutien allemand au plan de l'ONU de remettre la responsabilité du Kosovo à Bruxelles, à un engagement de l'UE qui se poursuit en Afghanistan (où l'Allemagne a 2.700 soldats et pourrait bientôt envoyer des avions de combat) et à une politique commune de sécurité et de défense plus efficace.
Tout de même, les efforts de Mme Merkel font face à des défis similaires à l'Est comme à l'Ouest. La Russie et les Etats-Unis veulent pourtant tous deux que les alliances et les marchés européens ne se goûtent ni les unes ni les autres une UE trop puissante. Tandis que Berlin refait surface, les anciennes tensions réapparaissent.
Selon Jörg Himmelreich du Fonds Marshall Allemand, l'Allemagne et l'Europe n'ont toujours pas accepté les implications politiques de la renaissance de la puissance économique de la Russie. Et, dans d'autres domaines, la Russie représente toujours une menace potentielle. "Le rôle de leader de l'Allemagne dans l'UE devient de plus en plus important à cause des défaillances des autres Etats", a déclaré le Dr Himmelreich. "Ce n'est pas juste un phénomène cyclique. Mais nous avons besoin de politiques communes vis-à-vis de la Russie, sur l'élargissement futur de l'UE et les principes de voisinage. Nous ne pouvons le faire tout seuls."
Pour Eberhard Sandschneider du Conseil Allemand aux Affaires Etrangères, le défi principal réside ailleurs. "Les relations américano-germaniques sont revenues à la normale en surface après les années Schröder. Mais, sur l'essentiel, je n'en suis pas sûr", a-t-il dit. "Nous ne partageons pas les mêmes intérêts, les mêmes stratégies et les mêmes perceptions. L'Irak est un exemple. Le changement climatique en est un autre.
"Le ciment commun de la guerre froide a disparu. La lutte contre le terrorisme ne l'a pas remplacé. Quant à l'Iran, nous sommes bien sûr inquiets. Personne ne veut d'un Iran nucléaire. Mais nos amis américains ont commis des erreurs majeures... Nous sommes opposés à une action militaire. Durant la guerre froide, nous parlions avec les communistes. A présent, nous devons parler aux Iraniens".
Tous les efforts de Mme Merkel de faire de l'Europe un partenaire égal des Etats-Unis pourraient être détruits en un instant par une attaque militaire des Etats-Unis sur l'Iran, a déclaré le Professeur Sandschneider. L'unité européenne volerait aussi en éclat. "Ce serait la fin de l'Otan. Ce serait la fin du consensus entre les Etats-Unis et l'Europe sur la manière de s'occuper des menaces à la sécurité. Ce serait désastreux".
Traduction de l'anglais : [JFG-QuestionsCritiques]