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     L'Iran contre les Saoudiens dans la bataille de Beyrouth
    Par Simon Tisdall
The Guardian, mardi 5 décembre 2006

article original : "Iran v Saudis in battle of Beirut"


Ayant été des spectateurs impuissants ou inutiles durant le bombardement déstabilisateur du Liban, cet été, la Grande-Bretagne et les autres pays européens cherchent à présent à soutenir le gouvernement pro-occidental de Fouad Siniora. La secrétaire [britannique] aux affaires étrangères, Margaret Beckett, et son homologue allemand étaient à Beyrouth le week-end dernier. Des messages de solidarité sont venus de France et d'Italie. Même Israël met en garde sur les graves conséquences si M. Siniora tombait.

Tous s'accordent à dire qu'il ne faut pas permettre aux manifestations organisées cette semaine par le Hezbollah, bien qu'elles soient jusqu'à présent largement pacifiques et "démocratiques", de renverser le gouvernement. Leur attitude contraste lourdement avec le point de vue occidental approbateur des manifestations anti-syriennes de l'année dernière par les Musulmans sunnites, les Chrétiens et les Druzes, appelées de façon saugrenue la "révolution du cèdre", qui ont évincé le Premier ministre libanais d'alors, Omar Karami.

Un succès politique du Hezbollah complèterait totalement les succès militaires que le groupe a autoproclamés en août. Et, à l'instar d'Israël, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne voient la "perte" potentielle du Liban comme un gain direct pour la Syrie et sa milice préférée et, ce qui est plus inquiétant, pour l'Iran. Ceci place la bataille pour Beyrouth en plein milieu du contexte plus large d'une lutte régionale pour le pouvoir avec un gouvernement iranien de plus en plus confiant.

"Je ne doute pas un instant que si ce gouvernement [libanais] perd le pouvoir et qu'il y a un changement là-bas, le front nord pourrait s'enflammer à nouveau et il pourrait même y avoir une escalade plus grande que celle de cette année", a déclaré à la Radio de l'Armée d'Israël Aharon Zeevi-Farkash, ancien chef des services du renseignement militaire. "Si le gouvernement de Siniora tombe, cela signifiera que le Liban sera contrôlé par le bras étendu de l'Iran", a déclaré le ministre israélien, Meir Sheetrit.

Les régimes sunnites du Caire, d'Amman et de Riyad ne sont pas moins nerveux en ce qui concerne le Chiisme iranien, dont l'influence se répand d'une façon supposée malicieuse. Les inquiétudes particulières de l'Arabie Saoudite ont été récemment mises en lumières par la visite de Dick Cheney, à une seule escale. Le vice-président étasunien doit faire attention à sa santé. Il voyage rarement. Mais il a fait ce long voyage vers Riyad pour écouter les inquiétudes saoudiennes concernant les activités iraniennes en Irak, en Palestine, au Liban et dans le Golfe.

Pour toute cette peine, M. Cheney semble s'être poliment fait envoyer promener. Une déclaration saoudienne a statué que la politique étasunienne devrait être "en accord avec la condition réelle de la région et son équilibre historique". Traduit du discours diplomatique, c'était un appel à une plus grande responsabilité de la part de la Maison-Blanche. Et ceci, en retour, signifiait par exemple qu'il faudrait résister fermement à toute tentative, à la suite du rapport Baker, de rompre et de s'enfuir d'Irak ou de "rompre et de partir", ainsi que les farceurs de Washington définissent à présent la stratégie proposée de retrait.

Riyad s'affronte indirectement à Téhéran en Palestine, en soutenant le Président Mahmoud Abbas contre le Hamas, soutenu par l'Iran, et, au Liban, en finançant le gouvernement de Siniora.

Mais le terrain de bataille clé est l'Irak. Les Saoudiens craignent qu'un échec des Etats-Unis là-bas confirme la domination du pays par l'Iran, mettrait en danger la survie de la minorité sunnite irakienne et bouleverserait les équilibres politiques et religieux le long de tout le littoral à l'Ouest du Golfe. "Puisque les Etats-Unis sont arrivés en Irak sans y avoir été invités, ils ne devraient pas s'en retirer sans y être invités", a déclaré au Washington Post Nawaf Obaid, un conseiller du gouvernement saoudien, citant le Prince Turki al-Faiçal. "S'ils le font, l'une des premières conséquences sera une intervention saoudienne massive pour empêcher les milices chiites soutenues par l'Iran de massacrer les Sunnites irakiens".

L'Arabie Saoudite serait prête, si nécessaire, à fournir des armes et un soutien financier aux Sunnites, comme l'Iran l'a fait pour les Chiites, a-t-il ajouté. Elle pourrait accroître massivement sa production de pétrole pour faire baisser les cours mondiaux et ruiner l'économie iranienne basée sur le pétrole.

L'Iran dit que les inquiétudes des Saoudiens sont déplacées. Téhéran n'a aucun grand dessein impérialiste régional, a déclaré un responsable du gouvernement [iranien]. "Les Saoudiens n'ont rien à craindre de l'Iran. Nous devrions travailler ensemble avec eux. Ce que nous voulons est la fin de l'interférence occidentale en Irak, au Liban, dans tous ces endroits. L'Ouest doit accepter que les problèmes régionaux doivent être résolus par les acteurs régionaux".

Traduit l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]