Rice soutiendra les exigences d'un cessez-le-feu
— après quelques jours supplémentaires de carnagePar Simon Tisdall
The Guardian, mercredi 19 juillet 2006
Le plan de jeu des Etats-Unis pour le Liban, si le mot 'plan de jeu' n'est pas de trop mauvais goût pour un tel carnage quotidien, devient clair : Israël a encore quelques jours, peut-être une semaine, pour infliger un maximum de dommages au Hezbollah. Après tout, et en supposant qu'il n'y ait pas de nouvelle escalade majeure impliquant la Syrie, Washington commencera à se ranger derrière les appels régionaux au cessez-le-feu et à la reprise de la diplomatie.
Condoleeza Rice devrait se rendre bientôt dans la région. Mais la Secrétaire d'Etat étasunienne n'est pas pressée. Son voyage ne ressemblera pas à la navette diplomatique urgente qui avait la faveur de ses prédécesseurs, James Baker et Warren Christopher, dans les crises du Proche-Orient. Son porte-parole, Sean McCormack, a déclaré que Mme Rice consultera d'abord une équipe de l'O.N.U. envoyée à Beyrouth et dans d'autres capitales — mais seulement après son retour à New York, cette semaine.
Toute initiative des Etats-Unis sur le terrain est donc improbable avant la semaine prochaine. Dans tous les cas, les diplomates prédisent de Mme Rice ne s'y rendra pas, tant que les conditions d'une "formule de paix" ne seront pas réunies. Cela a toutes les chances de se baser autour d'une entente sur un futur échange de prisonniers, un retrait du Hezbollah et des déploiements de l'armée libanaise plus près de la frontière, ainsi que l'acceptation par Israël d'une "présence de surveillance de sécurité internationale" étoffée.
La France et d'autres pays continuent de faire pression pour un arrêt immédiat des combats. Le Premier ministre français s'est rendu lundi à Beyrouth. Mais avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne qui n'agissent pas, il y a peu de progrès possible, ont-déclaré les diplomates.
Lors du sommet du G8, lorsqu'elle a mis en doute la nécessité immédiate d'un cessez-le-feu, même s'il pouvait sauver des vies des deux côtés, Mme Rice a expliqué clairement son approche d'action à retardement pour le processus de paix. "Bien sûr, la cessation de la violence sera importante", a-t-elle déclaré sur la chaîne CBS, "mais il nous faut une cessation de la violence qui fasse avancer ce processus".
Cela signifie désarmer le Hezbollah et cela veut dire changer de façon permanente les faits politiques sur le terrain au Liban, a-t-elle déclaré sur la chaîne CBS. Deux objectifs israéliens de longue date. Depuis, la ligne de Mme Rice a été scrupuleusement adoptée par Margaret Beckett, la débutante Secrétaire britannique aux Affaires Etrangères. Mais ailleurs, ce fut la consternation.
Aux Nations-Unies, au G8 et à la réunion des ministres des affaires étrangères de l'UE à Bruxelles, il est clair que les Etats-Unis ont utilisé leur influence pour bloquer les appels à un cessez-le-feu", a déclaré hier un haut-fonctionnaire européen. "Il est tout aussi clair que les Américains ont donné le feu vert aux Israéliens. Elles [les attaques militaires israéliennes] seront autorisées à se poursuivre plus longtemps, peut-être pour une nouvelle semaine. Et c'est ce que nous devons absolument stopper".
Des sources au sein des milieux de la sécurité ont dit qu'Israël savait qu'il y avait une limite à laquelle ils ne pourront plus résister aux pressions pour cessez-le-feu. "Ils essayent de frapper le Hezbollah le plus possible avant que cela ne se produise", a dit l'un d'eux.
Le même haut-fonctionnaire a accusé Tony Blair d'aider et d'être complice de la politique furtive de Washington au Liban, aux dépends des vies des civils, de l'UE et du bon sens. "Avant cette affaire, nous avions un consensus étroit [sur le processus de paix au Moyen-Orient] entre les puissances européennes. C'était en partie grâce à ce que faisait Jack Straw [l'ancien secrétaire aux affaires étrangère britannique]. À présent, nous n'avons pas de position unie. Et la déclaration du G8 fut pathétique. Toutes les grandes puissances étaient réunies. Et rien n'en est sorti.
"Après l'Irak, Blair ne dispose pratiquement plus de levier au Moyen-Orient. Il s'est donc jeté dans les bras des Américains. Mais vous pouvez voir, à partir de leur conversation [enregistrée lors du G8], que George Bush a une manière très simple de voir les choses. Il dit qu'Israël a été attaqué et qu'ils ont le droit de se défendre. Tout est la faute du Hezbollah et de la Syrie. Il pense qu'il suffit d'envoyer un message à Damas et c'est tout. Je vous le dis : cela ne marchera pas. C'est très dangereux".
Traduction de l'anglais : [JFG-QuestionsCritiques]