accueil > archives > éditos


     L'O.N.U. se révèle impuissante tandis que Gaza souffre
    Par Simon Tisdall
The Guardian, mercredi 12 juillet 2006

Des agences onusiennes de premier plan lancent des alertes de plus en plus dramatiques sur la situation humanitaire à Gaza, où les forces israéliennes poursuivent leur recherche du soldat capturé, Gilad Shalit. La consternation publique internationale s'est manifestée aussi à de nombreuses reprises. Mais ce qu'il manque, jusqu'à présent, c'est une action intergouvernementale efficace pour mettre fin à cette crise. Cela est dû en grande partie au blocage qui règne au sein du conseil de sécurité de l'O.N.U.

"Une situation déjà alarmante, avec des taux de pauvreté de près de 80% et un chômage frisant les 40%, a toutes les chances de se détériorer rapidement, à moins de prendre immédiatement des mesures d'urgence", ont déclaré les agences de l'O.N.U. dans une déclaration conjointe. L'UNRWA (l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) a déclaré que Gaza était "au bord d'un désastre sanitaire public", à cause des pénuries d'électricité et d'eau causées par l'action militaire israélienne.

Le Programme Alimentaire Mondial a déclaré que 70% des Palestiniens de Gaza étaient dépendants à un certain degré de l'aide alimentaire, une situation qui s'est en tout cas aggravée constamment à la suite de la décision des Etats-Unis et de l'Union Européenne de placer le gouvernement conduit par le Hamas au ban de la société. L'UNICEF a dit que les enfants palestiniens, en vivant dans "un environnement de violence, d'insécurité et de peur extraordinaires", subissaient des dommages psychologiques.

Kofi Annan, le secrétaire-général de l'O.N.U., a aussi appelé à plusieurs reprises à un arrêt de cette confrontation, qui a vraiment débuté après l'incursion palestinienne du 25 juin où deux soldats ont trouvé la mort. Il exhorte les militants à libérer le Caporal Shalit et à cesser les tirs de roquettes sur la population civile israélienne ; il a appelé les forces israéliennes à la retenue ; et, il a demandé à leur gouvernement "d'agir d'urgence pour faciliter l'importation des fournitures essentielles, médicaments, denrées alimentaires et carburant".

Pourtant, en dépit de tous ces appels, le corps onusien supérieur habilité à prendre les décisions, le conseil de sécurité, dominé par ses membres permanents, Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, la Russie et la Chine, n'a pas réussi à montrer la direction.

Le conseil est le seul corps de l'O.N.U. qui, du moins en théorie, peut imposer sa volonté au lieu de se contenter de se lamenter. Mais une résolution sur la crise de Gaza, proposée par le Qatar et le groupe de pays arabes, a calé sur des querelles concernant sa formulation. La France, qui préside actuellement le conseil, a fait savoir aux Qataris, la semaine dernière, qu'un texte plus "équilibré" était requis.

Hier, les diplomates français ont déclaré qu'un avant-projet révisé était en cours de discussion. Ce dernier condamne les actions entreprises par les deux côtés et préconise la libération du caporal Shalit.

L'impuissance apparente du conseil s'est dévoilée pendant un débat sur Gaza qui s'est tenu le 30 juin, dans lequel Angela Kane, chef des affaires politiques de O.N.U., a prévenu que cette "crise grave" pourrait empirer. Riyad Mansour, l'observateur onusien officiel de la Palestine, a affirmé que les incursions israéliennes avaient été "préméditées et planifiées" avant l'incident du 25 juin. Daniel Carmon, le représentant d'Israël, a rejeté cela platement mais a ajouté que Gaza était une base terroriste et le gouvernement conduit par le Hamas un régime terroriste. Selon le compte-rendu officiel, "D'autres participants ont souligné l'importance d'une réponse officielle du Conseil de Sécurité".

Cela a semblé être un vœu pieux. Et John Bolton, l'ambassadeur étasunien, est arrivé pour la contribution décisive. Il a déclaré : "Nous ne devrions pas saper la crédibilité limitée du conseil en nous engageant dans un débat et une rhétorique simplement pour le plaisir de discuter". Puis il a poursuivi en faisant exactement cela.

M. Bolton a placé la responsabilité de la crise entièrement sur le Hamas. Mais des forces extérieures étaient aussi à blâmer, a-t-il déclaré, pointant le doigt vers la Syrie et l'Iran "qui abritent et financent" le terrorisme. Ce n'est seulement après coup, dans ce qui semble être une pensée à retardement, qu'il a préconisé "une attention particulière sur les besoins humanitaires de la population de Gaza".

La déclaration de M. Bolton a bien fait comprendre que les Etats-Unis n'essayeront pas sérieusement de contenir Israël. Et des sources onusiennes ont dit que malgré les modifications "équilibrantes" de l'avant-projet Qatari de résolution, un veto étasunien restait probable s'il était soumis au vote. À Gaza, pendant ce temps, la souffrance continue.

Traduction de l'anglais : [JFG-QuestionsCritiques]