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La Russie et l'UE en lutte pour le contrôle
de la guerre énergétique en pleine escalade

    Par Simon Tisdall
The Guardian, vendredi 18 mai 2007
article original : "Moscow and EU battle for control in escalating energy war"


Les efforts de l'Union Européenne, pour desserrer la mainmise de la Russie sur l'Energie en recherchant des approvisionnements alternatifs en Asie Centrale via le Caucase, ont subi, cette semaine, un revers qui l'a assommée. Mais, même avant que le Président Vladimir Poutine n'ait conclu des accords accroissant son contrôle des exportations de gaz et de pétrole du Kazakhstan et du Turkménistan, la campagne de l'Europe pour se diversifier tournait à vide.

La Russie fournit environ 25% du gaz européen et une proportion croissante de pétrole. Ceci est de plus en plus considéré comme une faiblesse stratégique qui pourrait laisser le continent vulnérable à un chantage énergétique motivé par des raisons politiques. Ce fut le sort qui est prétendument arrivé, l'année dernière, à l'Ukraine et à la Biélorussie. La Lituanie subit actuellement une pression similaire après que Moscou a coupé ses approvisionnements.

La sécurité énergétique sera en haut de l'ordre du jour du sommet UE-Russie à Samara. L'objectif clé est de persuader Moscou de signer la Charte Energétique, un ensemble de règles couvrant le commerce, l'investissement et le transport du pétrole et du gaz. Mais les experts prédisent que le Kremlin continuera de résister à ce plan.

A la place, la Russie se concentre à accroître sa domination du marché, depuis la production jusqu'aux points de vente, en étendant ses investissements en Europe (tout en refusant un accès réciproque aux entreprises européennes). Le géant énergétique contrôlé par l'Etat [russe], Gazprom, a désormais une participation dans 16 des 27 pays de l'UE. Et, tandis que l'UE reste divisée sur la manière de riposter, Gazprom est affairée à maximiser son avantage.

"Gazprom a déjà un accès direct aux consommateurs finaux dans trois des plus gros marchés européens du gaz, l'Italie, l'Allemagne et la France", a déclaré Katinka Barysch, dans une étude publiée par le Centre for European Reform.[1] "Au Royaume-Uni, elle espère accroître à 10% sa part de marché d'ici à la fin de la décennie. Non satisfaite de contrôler les pipelines, Gazprom construit des centrales électriques et des installations de stockage dans divers pays européens."

L'autre grande tactique de la Russie est de concocter des accords bilatéraux qui sapent l'approche collective paneuropéenne. La réussite la plus spectaculaire de Moscou a été l'accord passé avec l'Allemagne pour un pipeline balte contournant la Pologne. Mais M. Poutine a aussi fait miroiter à la Slovaquie, la Hongrie, la Bulgarie, ainsi qu'à toute une brochette de membres de UE assoiffés d'énergie, la perspective d'arrangements individuels d'approvisionnement et de distribution.

Les tentatives agressives de Moscou, de plus en plus souvent couronnées de succès, de retrancher sa position dominante ont aussi miné le soutien politique et financier à des projets européens d'approvisionnement qui contourneraient la Russie. L'un d'eux est le fameux pipeline Nabucco pour amener le gaz de la Caspienne. Il pourrait ne pas aller plus loin.

Les accords passés ce week-end avec le Kazakhstan et le Turkménistan ont aussi soulevé de possibles doutes irréversibles sur la viabilité des idées défendues par les Etats-Unis et l'UE de construire un pipeline en Asie Centrale. Le ministre russe de l'énergie, Viktor Khristenko, l'a écarté cette semaine en disant que c'est un "projet politique" qui n'avait pratiquement aucune chance de jamais voir le jour.

"La Russie établit de plus en plus le programme des relations UE-Russie, tandis que les décideurs européens se débattent", a déclaré Mme Barysch.

La Russie n'a pas tout comme elle veut. Les ministres européens des affaires étrangères se sont mis d'accord, cette semaine, sur une contre-offensive consistant à intensifier la coopération énergétique et autres avec les pays de la Mer Noire, y compris les nouveaux venus que sont l'Ukraine, la Georgie, la Moldavie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Agissant unilatéralement, la Pologne mène des efforts pour construire des liens est-européens avec les producteurs d'énergie du Bassin de la Caspienne.

De la même manière, l'action efficace de l'UE de diversifier ses approvisionnements énergétiques est confrontée à des difficultés particulières qui ne gênent pas Moscou. Parmi celles-ci, il y a la bonne gouvernance et les droits de l'homme dans les pays partenaires.

Le procès-spectacle politique d'un ancien ministre de l'économie, orchestré cette semaine par les dirigeants contestés démocratiquement d'Azerbaïdjan, producteur et route de transit clés pour le gaz et le pétrole d'Asie Centrale, a mis en lumière ces contradictions. L'élection présidentielle de 2005 en Azerbaïdjan a été ouvertement volée ; ce pays a un passé affligeant en matière de droits de l'homme et l'on dit que l'usage de la torture y est endémique.

Mais au moins pour l'instant, tout ceci est largement toléré en occident - tant que les oligarques féodaux d'Azerbaïdjan restent du "bon côté" dans la guerre énergétique aux enjeux élevés avec la Russie.

Traduction de l'anglais : [JFG-QuestionsCritiques]

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Notes :

[1] Groupe de réflexion basé à Londres qui essaye d'apporter de nouvelles idées pour une nouvelle Europe.