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     L'Iran prévient l'Occident :
ignorez-nous à vos risques et périls
    Par Simon Tisdall et Ewen MacAskill
The Guardian, Mercredi 26 juillet 2006

Téhéran prédit l'échec du sommet tandis que des observateurs
de l'ONU sont tués dans une attaque aérienne israélienne


Des soldats israéliens brandissant le drapeau jaune du Hezbollah
alors qu'ils repassent la frontière entre le sud-Liban et le Nord d'Israël.
(Photo: David Furst / AFP)

Hier, l'Iran a mis en garde l'occident que les tentatives de négocier une paix avec le Liban, au sommet qui se tient aujourd'hui à Rome, ne pourront qu'échouer. Et il a prédit une réaction violente dans tout le monde musulman à moins que les forces militaires israéliennes ne soient immédiatement contenues.

Des officiels haut-placés du gouvernement [britannique] ont dit que l'exclusion de l'Iran, de la Syrie et de leur allié libanais, le Hezbollah, signifiait qu'aucun règlement durable n'était possible.

Hamid Reza Asefi, le porte-parole du ministère des affaires-étrangères à Téhéran, a déclaré : "S'ils veulent la paix, ils auraient dû inviter tous les pays de la région, y compris la Syrie et l'Iran. Comment pouvez-vous vous attaquer à ces questions importantes sans avoir de représentants de tous les pays de la région ?"

Les Etats-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne, la France, L'Espagne, l'Allemagne, la Turquie, la Russie, le Liban, l'Arabie Saoudite, l'Egypte et la Jordanie, ainsi que les Nations-unies et la Banque Mondiale, doivent participer à la Conférence de Rome. Celle-ci est censée publier une déclaration qui fixe les contours généraux d'un possible accord, y compris l'injection d'une force de stabilisation internationale musclée, rejetée hier par le Hezbollah. Mais hier soir, à Rome, l'humeur a tourné à l'aigre lorsqu'une frappe aérienne israélienne a touché un poste de surveillance de l'ONU au sud du Liban, tuant quatre membres du maintien de la paix, autrichien, canadien, chinois et finlandais. Kofi Annan, le secrétaire-général de l'ONU, a exigé qu'Israël engage immédiatement une enquête à propos de ce tir direct, dont il a dit qu'il était "apparemment délibéré".

"Cette attaque coordonnée entre l'artillerie et l'aviation contre un poste établit depuis longtemps et marqué ONU… s'est produite malgré les assurances que m'avait faites personnellement le Premier ministre Ehoud Olmert", a déclaré M. Annan. Israël a exprimé ses regrets et à promis une enquête, mais a nié avoir visé ce poste.

Des craintes que ce conflit ne s'étende à toute la région se sont intensifiées hier. Le Roi Abdallah d'Arabie Saoudite, normalement un allié placide des Etats-Unis, a prévenu que "si l'option de la paix échoue du fait de l'arrogance d'Israël, alors la seule option qui restera sera la guerre et Dieu seul sait ce dont la région sera témoin dans un conflit qui n'épargnera personne".

Le porte-parole officiel de Tony Blair, confronté aux critiques parce que le Premier ministre [britannique] n'avait pas appelé à un cessez-le-feu immédiat, a insisté que celui-ci avait travaillé "sur une base quotidienne, quasiment horaire" pendant plus d'une semaine sur les détails de l'accord de Rome.

Répondant au sondage ICM d'hier, commandé par le Guardian, qui reflète un malaise largement répandu à propos de la proximité de M. Blair avec George Bush, le porte-parole a déclaré que ses conclusions étaient contradictoires, lui demandant d'éloigner la Grande-Bretagne des Etats-Unis tout en lui demandant qu'il use de son influence sur les Etats-Unis pour amener à un cessez-le-feu.

Les principaux éléments des accords de Rome devraient être : le cessez-le-feu, un échange de prisonniers et la nouvelle force internationale. On pense aussi que les Etats-Unis sont prêts à offrir au Liban, comme partie du lot, la restitution de la région des Fermes de Shaba [ou Chaaba ou Shaaba], occupée par Israël depuis 1982.

Mais l'Iran soutient que l'Occident a beau faire tous les efforts du monde, il n'y aura pas de répit possible si des parties-clés sont exclues de la salle de négociation. Un responsable iranien, parlant au téléphone de Téhéran, a déclaré : "L'Iran et la Syrie devraient être impliquées [dans les négociations de paix], non pas parce qu'ils soutiennent le Hezbollah, mais parce que ce sont des puissances régionales. Si l'Arabie Saoudite, la Jordanie et l'Egypte sont impliquées, alors l'Iran et la Syrie devraient l'être de même, s'ils espèrent réussir".

Cet officiel a ajouté qu'un échec persistant à stopper les combats et à atteindre un règlement juste "déclencherait certainement une réaction violente" dans tout le monde musulman. Il a dit que l'opinion publique était de plus en plus scandalisée par la destruction du Liban.

Hier soir, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a déclaré que les missiles détenus par son groupe allaient commencer à être dirigés sur des cibles plus éloignées à l'intérieur d'Israël et il a prévenu qu'il n'accepterait pas de cessez-le-feu "humiliant". Un autre dirigeant du Hezbollah a fait allusion au fait que le groupe ne s'était pas attendu à une riposte aussi féroce de la part d'Israël, alors que de précédents incidents frontaliers avaient généralement été réglés de façon sobre.

Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et Israël accusent essentiellement l'Iran et, à un degré moindre, la Syrie, d'être responsables du bain de sang au Liban, soutenant qu'ils fournissent des missiles et de l'argent au Hezbollah et disant que l'Iran cherche à détourner l'attention de l'ONU sur l'engagement d'une action punitive contre son programme nucléaire.

Mais les officiels iraniens et du Hezbollah disent qu'ils soupçonnent l'action d'Israël contre le Hezbollah de faire partie d'une tactique plus large inspirée par les Etats-Unis. M. Nasrallah a déclaré que "l'estimation" américano-israélienne avait identifié des obstacles à leur vision d'un "nouveau Moyen-Orient" et que ces derniers avaient fixé de les éliminer. Il a dit qu'Israël avait cherché un prétexte pour lancer une offensive ; la capture de deux de ses soldats, il y a deux semaines, a fourni l'excuse parfaite.

Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a déclaré que l'inaction de l'ONU n'aidait pas. "Lorsqu'ils entendent la moindre critique contre le régime sioniste, ils émettent des douzaines de résolutions. Mais aujourd'hui, 13 jours après l'attaque massive du Liban par ce régime, qui utilise des armes extrêmement meurtrières, ils se retiennent même de demander une trêve", a-t-il déclaré.

La Grande-Bretagne a été critiquée de s'aligner trop étroitement sur les Etats-Unis et, hier soir, le Foreign Office étudiait un rapport, selon lequel un aéroport britannique a servi le week-end dernier de point de transition à des avions américains, qui transportaient des bombes anti-bunkers vers Israël. "Si les Américains ont fait quelque chose de mal, alors nous leur en parlerons", a déclaré un porte-parole au Daily Telegraph, à propos de ce rapport.

Un fonctionnaire impliqué dans les préparations du sommet a minimisé les espérances de la réunion de Rome : "Ce sera un salon où l'on cause", a-t-il dit.

Il a ajouté : "L'Iran et la Syrie sont assurément des protagonistes et il faudra discuter avec eux au fur et à mesure des progrès. Mais cette réunion ne trouvera pas le mouton à cinq pattes".

Traduction de l'anglais : [JFG-QuestionsCritiques]