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EDITORIAL
     Un Monde Meilleur selon M. Bush
   
Dimanche 21 novembre 2004; Washington Post, Page B06

LE GOUVERNEMENT DE BUSH a haussé les épaules la semaine dernière à l'évocation du génocide au Darfour, la province occidentale du Soudan. Lors d'une réunion extraordinaire du Conseil de Sécurité des Nations-Unies au Kenya, il a soutenu une résolution qui non seulement a échoué à faire avancer celles qui avaient été passées en juillet et en septembre dernier mais qui fait en réalité marche arrière. La menace de sanctions à peine voilée contre le gouvernement soudanais a été abandonnée. De même que l'exigence que le gouvernement du Soudan désarme et traduise en justice ses alliés dans les escadrons Janjaweed de la mort, qui ont brûlé des villages, violé et massacré leurs habitants, et laissé environ 2 millions de personnes sans toit et à la merci de la famine.

Le gouvernement de Bush présente cette abdication comme un triomphe. Il soutient qu'en tolérant une résolution allégée sur le Darfour, il a été capable d'assurer un vote à l'unanimité de 15-0 au Conseil de Sécurité et que cela pourrait ramener la paix dans le conflit séparatiste entre gouvernement nordiste du Soudan dirigé par les musulmans et les chrétiens et les animistes rebelles sudistes. La guerre civile entre le Nord et le Sud dure depuis deux décennies et a conduit directement ou indirectement à la mort estimée de 2 millions de personnes : Y mettre fin serait sans nul doute une victoire. Les deux côtés ont déjà accepté un cessez-le-feu et un accord complexe de partage du pouvoir qui garantit les droits et la représentation des habitants du Sud. Il ne reste que détails à mettre en place, et la résolution de vendredi a fixé une date-limite au 31 décembre pour les résoudre.

Ce ne pas la première date-limite de ce genre dans les négociations sur le conflit nord-sud. L'année dernière, le gouvernement soudanais avait promis au Secrétaire d'Etat Colin Powell qu'il conclurait les négociations bientôt - au plus tard le 31 décembre 2003 - et la Maison Blanche espérait que les deux parties marqueraient leur réconciliation en assistant au discours du président sur l'Etat de l'Union. Le gouvernement de Bush espère que la nouvelle date-limite s'avèrera sérieuse parce que ce dernier à l'imprimatur d'une résolution onusienne. Avec de la chance, cela se passera ainsi, mais le pouvoir de telles résolutions a été compromis par l'échec de vendredi dernier à sanctionner de gouvernement du Soudan pour s'être moqué des résolutions passées sur le Darfour. L'administration Bush soutient aussi qu'un accord nord-sud améliorera les perspectives sur le Darfour : La formule du partage du pouvoir s'étendra à tous les endroits du pays, répondant aux griefs des rebelles du Darfour dont la violence a provoqué la réponse génocide du gouvernement. Une fois encore, cela peut s'avérer vrai, mais certainement dans le court terme : Le partage du pouvoir prendra des mois ou des années à être mis en place.

Le peuple du Darfour ne peut pas attendre si longtemps ; leur catastrophe est immédiate. Les familles qui ont dû quitter leurs villages n'ont aucun moyen de cultiver ou faire de l'élevage ; elles dépendent de l'aide alimentaire qui est l'otage des caprices budgétaires des gouvernements occidentaux et de la tendance meurtrière du Soudan de limiter l'accès des travailleurs humanitaires. Le nombre de victimes est déjà gigantesque. Le chiffre communément cité de 70.000 victimes est une édulcoration monstrueuse de la réalité : Cela ne prend pas en compte les morts dans les zones qui ne sont pas visitées par les travailleurs humanitaires, presque toutes les morts violentes en opposition à celle due à la malnutrition et toutes les morts avant mars. Le gouvernement de Bush lui-même a décrit les tueries là-bas comme un génocide. Comment peut-il considérer une avancée incertaine et vaguement liée au conflit nord-sud comme une substitution pour punir les auteurs de ces crimes ? Comment peut-il reconnaître qu'il y a un génocide, hausser les épaules et puis continuer à proclamer que sa politique étrangère vigoureuse est destinée à créer un monde meilleur ?


Traduit de l'anglais (américain) par Jean-François Goulon