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EDITORIAL
     Échec au Congo
   
Lundi 13 décembre 2004; Washington Post, Page A20

UNE DES GUERRES LES PLUS COÛTEUSES de ces cinquante dernières années est sur le point de reprendre : On rapporte de nombreux combats autour des villes de l'Est de la République Démocratique du Congo. Certains disent que l'armée du Ruanda voisin l'a encore envahi, ainsi que l'avait menacé son gouvernement le mois dernier. Le gouvernement du Congo envoie ses propres troupes dans le secteur et les réfugiés doivent une nouvelle fois se déplacer. La semaine dernière, le Conseil de Sécurité des Nations-Unies a émis un avertissement sérieux en direction du Ruanda et l'a menacé d'actions plus coercitives s'il ne se retire pas. Toutefois, au cas où le Congo redeviendrait un champ de bataille régional, les Nations-Unies devraient surtout s'en prendre à elles-mêmes.

Le Ruanda a envoyé son armée au Congo à deux reprises auparavant, en 1996 et en 1998. Les deux fois, tout comme aujourd'hui, le but annoncé était d'attaquer les milices Hutu du Ruanda qui y sont basées, y compris des combattants responsables du génocide du Ruanda de 1994. La dernière incursion a conduit à une guerre qui a duré cinq ans impliquant au moins sept pays africains. Selon les estimations généralement reconnues, plus de 3 millions de personnes y ont trouvé la mort, surtout à cause des maladies et de la famine. Il y a 18 mois un accord de paix était censé mettre fin à cette guerre, et le Ruanda ainsi que d'autres nations ont retiré leurs troupes. Mais les clés de ces accords consistaient à ce que les soldats de maintien de la paix de l'O.N.U. comblent le vide dans l'Est du Congo - une vaste région où le gouvernement central et ses forces ne sont que peu présents - et que les milices, dont la présence a mis le feu au conflit, soient désarmées.

Dans ces deux tâches, la mission onusienne de maintien de la paix, connue sous l'acronyme "MONUC", a lamentablement échoué. Bien que ce soit la plus grande mission de ce genre dans le monde, avec plus de 10.000 soldats, elle a échoué à faire régner l'ordre ou même d'empêcher des massacres dans quelques-unes des principales villes de la région. A Bukavu et à Bunia, elle n'a pas bougé tandis que des milices locales violaient et assassinaient des civils à portée de vue de leurs bases. Pire, ses propres soldats ont violé ou exploité sexuellement des femmes et des fillettes ; selon un rapport confidentiel de l'O.N.U. […], cette pratique "apparaît significative, largement répandue et persistante". Des soldats Ruandais se massant, la force onusienne a fini par attaquer ces derniers jours deux camps de miliciens. Mais la politique de la MONUC reposant sur la persuasion plutôt que sur la force pour désarmer les militants Hutus purs et durs n'a, sans surprise, pratiquement rien accompli.

Le Ruanda a tort de répondre à cette situation avec une nouvelle invasion, qui a probablement pour objectif autant les ressources naturelles très lucratives que les milices Hutus. Si ses soldats ont franchi la ligne et qu'ils ne se retirent pas, le Conseil de Sécurité devra alors envisager des sanctions. Mais il devrait aussi, en même temps, regarder en face honnêtement le naufrage de sa mission dans ce pays africain stratégique. Il y a peut-être des circonstances atténuantes ; par exemple, il est certainement vrai que les troupes ont toujours été trop peu nombreuses pour faire ce travail. Pourtant, la performance désastreuse de la MONUC devrait conduire à reconsidérer totalement de telles missions. Ni l'Afrique, ni le reste du monde ne peuvent se permettre de tels échecs.


Traduit de l'américain par Jean-François Goulon