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EDITORIAL
     C'est le désordre en Allemagne !
   
Mercredi 21 septembre 2005; Page A22Washington Post

LA PLUS IMPORTANTE élection en Allemagne depuis des décennies a produit un résultat lamentable pour l "Allemagne, pour L'union Européenne et pour l'alliance atlantique. Comme prévu, le Chancelier social-démocrate Gerhard Schröder a échoué dans sa tentative de gagner un nouveau mandat, mais son opposante principale, la démocrate-chrétienne Angela Merkel, n'a pas non plus gagné un soutien suffisant pour former un gouvernement. Si l'on additionne les deux grands partis, ils ont reçu le plus petit pourcentage des suffrages depuis 50 ans, et l'équilibre des forces au sein du Bundestag dépendra de trois petites formations — l'une d'elle, le Linkspartei, est un mélange nocif de populistes antimondialisation et d'anciens communistes du bloc de l'Est.

M. Schröder a bloqué un peu plus cette situation pénible en adoptant une attitude arrogante et antidémocratique. Bien qu'il ait terminé en deuxième position avec 34% des voix — sa coalition à perdu 33 des 306 sièges qu'elle détenait au Bundestag — le chancelier a proclamé bruyamment sa victoire et tente de forcer le passage pour retrouver son poste. Les commentateurs allemands attribuent les qualificatifs de "délirant" et "grotesque" à ce jeu de pouvoir, mais la situation politique est tellement instable qu'il n'est pas exclu qu'il parvienne à ses fins.

Il est difficile d'imaginer un pire résultat à cette élection qu'un nouveau terme pour M. Schröder, dont la démagogie et l'opportunisme habituels ont empoisonné non seulement la politique allemande mais aussi l'Union Européenne et les relations germano-américaines. Cependant, les autres possibilités ne valent guère mieux. La plus probable est une "grande coalition" entre les Chrétiens Démocrates et les Sociaux Démocrates qui exclurait Schröder, et probablement aussi Madame Merkel, qui essaye d'être la première femme et la première personne de l'ex-RDA à devenir chancelier. L'alternative, c'est qu'un des grands partis puisse créer une coalition avec un petit parti du camp opposé, alignements aussi bizarres que les surnoms de "coup de projecteur" ou "Jamaïque" qui leur ont été donnés.

Quel que soit le résultat final, la probabilité que l'Allemagne poursuive les réformes économiques que M. Schröder a prudemment commencées n'est pas très élevée. Il semble que les deux candidats principaux aient été punis par les électeurs pour s'être faits les avocats du changement : M. Schröder pour ses demis pas et Madame Merkel pour en avoir promis plus. Les deux partis pourraient se mettre d'accord ensemble pour faire adopter les réformes supplémentaires dont le pays a besoin, mais il est tout aussi probable qu'ils passent un compromis pour ne rien faire. Il semble aussi peu probable qu'un gouvernement allemand faible soutiendra les réformes nécessaires de l'Union Européenne, qui en a déjà pris un coup avec le rejet, en mai, de la nouvelle constitution par les électeurs français.

Les conservateurs et les internationalistes américains pourraient être tentés de se satisfaire en silence du désarroi politique concernant les deux grands Etats européens qui se sont le plus acharnés pour contrer la politique des Etats-Unis et faire de l'Europe une puissance rivale des Etats-Unis. Mais cela serait à courte vue. En fait, M. Schröder et son allié français, Jacques Chirac, n'avaient aucune chance de réussir à créer un contrepoids européen, et la faiblesse de l'Allemagne et de la France ne fera que les rendre encore moins capables de soutenir les Etats-Unis sur des questions-clés là où il y a un consensus atlantique, comme empêcher l'Iran de développer des armes nucléaires. La meilleure chose que les Américains et les Allemands peuvent espérer est que la durée de ce gouvernement sera relativement brève — et que la prochaine élection donne un résultat plus concluant.


Traduit de l'américain par Jean-François Goulon