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Le président vénézuélien promet du carburant pour les nécessiteux
et annonce 'les derniers jours de l'empire nord-américain'

     Chavez offre du pétrole
aux Européens pauvres
   
The Observer, dimanche 14 mai 2006
article original : Chavez offers oil to Europe's poor
traduit de l'anglais par Jean-François Goulon

Le président du Venezuela, Hugo Chavez, arrive aujourd'hui à Londres avec une promesse incroyable consistant à offrir du fioul domestique aux familles nécessiteuses, promesse calquée sur la campagne extraordinaire qu'il a faite aux Etats-Unis et qui a été en partie vue comme une surenchère destinée à embarrasser le Président George Bush.

La nuit dernière, à la veille d'une visite où Downing Street l'ignorera mais où il sera accueilli par le Maire de Londres, Ken Livingstone, Chavez a aussi émis une notice nécrologique destinée à "l'empire américain".

Chavez a déclaré hier à Vienne que les "dernières heures de l'empire nord-américain étaient arrivées ... À présent nous devons dire à l'empire : 'Vous ne nous faites pas peur. Vous n'êtes qu'un tigre de papier'."

Se référant au fioul domestique qu'il a fourni l'hiver dernier aux familles américaines pauvres, Chavez a déclaré lors d'une rencontre avec des supporters politiques : "J'aimerais faire la même chose ici en Europe".

Il s'adressait à un "sommet alternatif" qui se tenait en marge de la réunion de trois jours qui avait lieu entre les dirigeants de l'Union Européenne, de l'Amérique Latine et des Caraïbes dans la capitale autrichienne. "Je veux offrir humblement mon soutien aux gens les plus pauvres qui n'ont pas de ressources suffisantes pour accéder au chauffage central en hiver et faire en sorte que ce soutien leur parvienne", a-t-il déclaré.

Bien qu'il ait dit que le Venezuela possédait deux raffineries en Allemagne et une en Grande-Bretagne, il n'a pas donné de plus amples détails sur la manière dont un tel plan pourrait marcher. Mais il a déclaré que les ambassadeurs vénézuéliens en Europe s'occupaient du problème. "Vous autres, les Européens, pouvez nous aider grandement. Votre réseau social européen peut faire en sorte que ce soutien arrive où il devrait", a déclaré Chavez lors de cette conférence.

L'hiver dernier, le Venezuela a livré du pétrole à prix réduit aux Américains ayant des bas revenus par l'intermédiaire de Citgo, la filiale basée à Houston de la compagnie pétrolière d'Etat du Venezuela.

Chavez a appelé l'audience à s'unir et à faire la promotion du changement social. Par exemple, a-t-il dit, il faudrait faire plus d'affaires avec les plus petites entreprises au bénéfice des travailleurs des régions pauvres et, qu'en faisant ainsi, cela supprimerait les intermédiaires. "Nous devons unir tous les mouvements possibles, sinon le monde ne changera pas", a-t-il déclaré.

Chavez, dont la stature régionale grandissante s'est construite sur un mélange de rhétorique populiste et la richesse pétrolière de son pays, s'est querellé publiquement avec Bush, qu'il a comparé à Adolf Hitler - et Tony Blair qu'il a accusé d'être "le principal allié d'Hitler".

Alors que Downing Street a bien insisté sur le fait que la visite de Chavez en Grande-Bretagne est à caractère privé, avec aucuns contacts officiels de planifiés, le maire de Londres a défendu hier sa décision d'organiser un banquet en l'honneur du dirigeant vénézuélien.

S'exprimant aujourd'hui sur le canal 4 de la BBC, Livingstone a dit que Chavez était à l'origine de réformes sociales importantes et a dit de lui qu'il était "la meilleure nouvelle en provenance d'Amérique Latine depuis de nombreuses années".

Réfutant les inquiétudes de [certains] mouvements des droits de l'homme au sujet du traitement des opposants politiques au Venezuela, Livingstone a déclaré : "Durant ces dix dernières années, il a gagné 10 élections pour son parti et il a mis en avant un programme complet de réformes sociales.

"Auparavant, le Venezuela était comme bon nombre de ces pays d'Amérique Latine : Une toute petite élite de familles super-riches ayant littéralement mis la main sur les ressources nationales. À présent, il a conduit à un nouvel ordre économique : Vous avez pour la première fois un système d'aide médicale pour les pauvres et l'illettrisme a été éradiqué".

Chavez devrait commencer sa visite en donnant un discours sur ses réformes sociales, lors d'une rencontre avec ses supporters au Queen Elizabeth II Conference Centre à Londres. Demain, il rencontrera des députés de la gauche du Parti Travailliste et des responsables syndicaux et tiendra une conférence de presse conjointe avec Livingstone à l'Hôtel de Ville.

Demain soir, Chavez doit donner une conférence à Canning House, une institution qui travaille à renforcer les liens commerciaux et culturels entre la Grande-Bretagne et les pays hispanophones et lusophones. Mardi, le dernier jour de sa visite, le dirigeant vénézuélien devrait inaugurer un musée et s'exprimer à Banqueting House à Whitehall.

Livingstone a déclaré qu'une des raisons pour laquelle il était enthousiaste à l'idée d'accueillir Chavez était à cause du bénéfice potentiel pour la capitale dans une relation forte avec le Venezuela, à la fois financière et commerciale.

"La raison pour laquelle il [Chavez] veut venir à Londres est clairement parce que, alors que les économies latino-américaines commencent réellement à sortir de l'ombre américaine et à croître, il ne veut pas mettre tous ses œufs dans le panier de Washington", a admis Livingstone. "Il recherche des alliés en Europe et en Asie et c'est grandement dans l'intérêt de Londres que, tandis que les entreprises vénézuéliennes progressent, elles devraient considérer Londres comme une terre d'accueil tout aussi naturelle que Madrid".

L'humeur qui a entouré le voyage de deux jours de Chavez contraste radicalement avec l'accueil chaleureux qu'il reçut de Blair lors de sa visite officielle à Londres il y a cinq ans.

Les relations avec le dirigeant vénézuélien se sont salement détériorées alors que Chavez s'est constamment rapproché de Cuba et de Fidel Castro et a essayé de galvaniser l'opposition sud-américaine contre la politique des Etats-Unis.

Au début de cette année, Blair a déclaré aux Communes que le Venezuela "devrait respecter les règles de la communauté internationale", ajoutant que cela aiderait plus si Cuba devenait une "démocratie qui fonctionne".

Chavez a réagi à ses remarques et dénoncé Blair comme étant un "pion de l'impérialisme".

Le dirigeant vénézuélien a encore un peu plus énervé Downing Street en déclarant que les Îles Falkland appartenaient de droit à l'Argentine. "Tony Blair, vous n'avez aucun droit moral de dire à qui que ce soit de respecter les lois internationales, puisque vous n'avez aucun respect pour elles, alors que vous vous alignez sur M. Danger [Bush] et que vous piétinez le peuple irakien", a-t-il ajouté. "Pensez-vous que nous vivons toujours aux temps de l'empire britannique ?"

L'ambassade du Venezuela à Londres a minimisé la réticence de Blair de prendre part à la visite de Chavez, émettant une déclaration la semaine dernière mettant en avant qu'il avait déjà reçu un accueil officiel lors de son voyage à Londres en 2001.