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Résignez-vous à un dirigeant français qui a encore moins de
charisme que le prochain Premier ministre britannique !

     Une moitié du pays hait un candidat. L'autre déteste sa rivale. Arrive François Bayrou, le prochain président de la France
    Par Marcel Berlins
The Guardian, mercredi 21 février 2007
"Half the country hates one candidate. Half detests his rival. Enter François Bayrou, next president of France"

Suivez immédiatement mon conseil ! Précipitez-vous chez votre bookmaker le plus proche et placez un pari sur François Bayrou, dont vous ne savez peut-être pas grand chose, comme prochain président de la France. Malheureusement, MM. Ladbroke, William Hill et Paddy Power sont peut-être aussi ignorant en ce qui concerne M. Bayrou et refuseront de prendre votre pari. Il est donc possible que vous ayez à en faire un pari virtuel. Ce n'est pas grave, c'est la pensée qui compte ; et cette pensée devrait être de tout oublier en ce qui concerne Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal et de se résigner à un dirigeant français qui a encore moins de charisme que le prochain Premier ministre britannique.

En voici la raison. Les sondages montrent que si Bayrou accédait au deuxième tour de l'élection présidentielle, il pourrait battre son adversaire, que ce soit Sarkozy ou Royal, et devenir le 7 mai le successeur de Jacques Chirac. Donc, le problème de Bayrou est de trouver le moyen d'arriver second au premier tour. Jusqu'à récemment, cela semblait impossible. La finale semblait être avec certitude une compétition entre Sarko et Ségo, destinée à être serrée. Cela était avant que Royal décide d'entrer dans un mode autodestructeur, réduisant imprudemment le soutien qu'elle avait gagné dans les premiers jours grisants de sa candidature.

Ce sera difficile pour elle de récupérer du manque d'inspiration de son discours des "100 promesses", suivi par sa performance de lundi soir sur la télévision française. Je n'ai vu que des extraits, mais de tout ce que l'on m'a dit et que j'ai lu, il semble y avoir un consensus - si l'on ne tient pas compte des points de vue biaisés à la fois de ses ennemis implacables et de ses supporters flagorneurs - pour dire qu'elle a été assez relax, compétente dans sa présentation et qu'elle n'a pas commis d'erreurs spéciales. Mais - et ce mais est essentiel - elle n'était pas franchement excitante, charismatique ou en possession des qualités évidentes du leadership. Elle avait besoin d'être étincelante pour donner un nouvel élan à sa campagne et inverser sa baisse de popularité. Elle ne l'a pas été.

Arrive Bayrou, qui a attendu patiemment une telle occasion. Les intentions de vote qui lui sont prêtées dans les sondages d'opinion ont augmenté doucement mais de façon significative. Avant l'apparition de Royal à la télévision il avait atteint 16% pour le premier tour du 22 avril, contre 23% pour la candidate socialiste. (Le Pen semble en dehors de la course ; le choc de sa deuxième place dans les élections de 2002 ne se répètera pas). Mais la courbe de Bayrou est en hausse tandis que celle de Royal est en baisse ; le fossé est loin de ne pas pouvoir se combler. De plus, si les sondages continuent de montrer que Royal sera facilement battue par Sarkozy dans le scrutin de ballottage, je vois une nuée de Socialistes voter pour Bayrou au premier tour, afin d'assurer qu'il fera la finale, avec une excellente chance de l'emporter. L'autre jour, un sondage séparé a montré que 55% des électeurs espéraient qu'il atteindra le deuxième tour.

Il n'est peut-être pas très connu à l'étranger, mais il fait partie depuis longtemps du décor dans la politique française - il est le dirigeant du troisième parti le plus important de l'Assemblée Nationale, l'UDF (Union pour la Démocratie Française), au centre [de l'échiquier politique]. Il a été ministre de l'éducation nationale et candidat aux élections présidentielles de 2002, où il est arrivé quatrième. Il a 55 ans, il vient d'un milieu agricole près des Pyrénées, il a six enfants, adore les chevaux et en élève et il a écrit plusieurs livres, essentiellement sur l'Histoire de France. Ses manières sont en général contenues (bien que ses discours aient récemment acquis une tournure plus emphatique) et sa politique est digne d'intérêt sans aucune teinte d'excitation ou de grande originalité. Il appelle à un gouvernement d'union nationale ; là où il est le plus impressionnant, c'est quand il fustige l'élite politique et les médias pour être déconnectés du peuple.

Pourquoi les Français pourraient-ils élire quelqu'un qu'ils ont trouvé si terne depuis si longtemps ? Facile. Parce que la moitié du pays hait Sarkozy et l'autre moitié ne peut pas piffer Royal - ou du moins la trouve inadaptée pour la plus haute fonction. Cette élection sera disputée selon le principe "N'importe qui d'autre mais pas..." Mon petit doigt me dit que ce "n'importe qui" sera Bayrou.

Traduit de l'anglais par [JFG-Questionscritiques]