accueil > archives


L'objectif climatique conduira à une catastrophe garantie

Par Ed Pilkington in New York,
The Guardian, lundi 7 avril 2008

article original : "Climate target is guaranteed catastrophe"

Un scientifique de la Nasa avertit que le monde
doit faire d'urgence d'énormes réductions de CO2


L'un des principaux climatologues du monde prévient aujourd'hui que l'UE et ses partenaires internationaux doivent repenser d'urgence les objectifs de réduction de CO2 dans l'atmosphère. En effet, ils craignent d'avoir grossièrement sous-estimé l'étendue du problème.

Dans une réévaluation saisissante, James Hansen, chef de l'Institut Goddard de la Nasa pour les Etudes Spatiales à New York, appelle à une forte baisse des limites de CO2.

Hansen dit que l'objectif européen de 550 ppm (parties par million) de CO2 - le plus rigoureux au monde - devrait être considérablement réduit, à 350 ppm. Il soutient que cette réduction est nécessaire si "l'humanité souhaite préserver une planète similaire à celle sur laquelle la civilisation s'est développée". Une version définitive de l'article que Hansen à co-écrit avec huit autres climatologues, est publiée aujourd'hui sur le site internet Archive. Au lieu de se servir de modèles théoriques pour estimer la sensibilité du climat, son équipe s'est tournée vers les preuves contenues dans l'histoire de la Terre, qui, selon eux, dressent un tableau beaucoup plus juste.

Son équipe a étudié des carottes prélevées dans le fond de l'océan, qui permettent de retracer les niveaux de CO2 des millions d'années en arrière. Celles-ci montrent que lorsque le monde a commencé à se glacer au début de l'ère glaciaire, il y a environ 35 millions d'années, la concentration de CO2 dans l'atmosphère s'élevait à environ 450ppm.

"Si vous nous laissez à 450ppm pendant assez longtemps, cela fera probablement fondre toute la glace - ce qui signifie une montée des océans de 75 mètres. Ce que nous avons découvert est que l'objectif que nous avons tous visé est un désastre - un désastre garanti," a déclaré Hansen au Guardian.

Cet article trouve qu'avec des niveaux aussi élevés que 550ppm, le monde se réchaufferait de 6 degrés. Les précédentes estimations suggéraient que le réchauffement ne serait que de 3 degrés à ce niveau.

Hansen est depuis longtemps une personnalité prééminente de la science sur le changement climatique. Il fut l'un des premiers à porter cette crise à l'attention du monde, lors d'un témoignage au Congrès dans les années 80.

Mais sa relation avec l'administration Bush a été glaciale.[1] En 2005, il a accusé la Maison-Blanche et la Nasa d'essayer de le censurer. Il a régulièrement révisé son analyse sur l'étendue du réchauffement planétaire et il a été lui-même l'un des architectes de cet objectif de 450ppm. Mais il a déclaré au Guardian : "Je réalise que c'est trop élevé".

La raison fondamentale de sa réévaluation était ce qu'il appelle des mécanismes de "répercussion lente" qui ne commencent que maintenant à être compris. Ils amplifient la montée de la température causée par une augmentation de la concentration des gaz à effet de serre. La glace et la neige réfléchissent la lumière du soleil mais, lorsqu'elles fondent, elles laissent un sol exposé qui absorbe plus de chaleur.

Au fur et à mesure que les couvertures glaciaires se rétrécissent, l'effet de réchauffement est aggravé. La technologie disponible par satellites a montré, sur les trois dernières années, que les couvertures glaciaires fondent beaucoup plus vite que prévu, avec le Groenland et l'ouest de l'Antarctique qui perdent de leur masse.

Hansen dit qu'il considère maintenant comme "peu plausible" le point de vue de beaucoup de climatologues selon lequel la raréfaction des couvertures glaciaires prendrait des milliers d'années. "Si nous continuons comme aujourd'hui, je ne vois pas comment l'ouest de l'Antarctique pourrait survivre un siècle. Nous parlons tous d'une montée du niveau de la mer d'au moins deux mètres au cours de ce siècle".

L'objectif révisé a toutes les chances de déclencher la critique disant que la barre est fixée à une hauteur irréaliste. Avec l'administration des Etats-Unis agissant toujours comme un frein sur les efforts internationaux, ceux qui font campagne sur le climat se débattent même pour obtenir que l'objectif de 450ppm soit respecté.

Hansen dit que ses découvertes n'étaient pas une recette pour le désespoir. La bonne nouvelle, a-t-il dit, est que les réserves de carburants fossiles ont été exagérées. Donc, une source alternative d'énergie devra en tout cas être rapidement mise en place. Une autre mesure pourrait consister en un moratoire sur les centrales à charbon, ce qui ramènerait à des niveaux de CO2 en dessous de 400ppm.

La révision de la position de Hansen ajoutera encore plus pression à la Grande-Bretagne sur ses projets de construire une nouvelle génération de centrales à charbon. L'année dernière, il a écrit à Gordon Brown lui conseillant vivement de bloquer la première centrale de ce type ; la Royal Society a fait des suggestions similaires au gouvernement [britannique].

center>Traduction : JFG/QuestionsCritiques

Notes :
____________________

[1] Lire : James Hansen, un prophète censuré ?