Le Président français rend hommage à la Grande-Bretagne et appelle à la 'fraternité'
Par Julian Borger, rédacteur en chef Diplomatie,
article original : "President pays tribute to Britain and calls for 'brotherhood'"
The Guardian, jeudi 27 mars 2008Sarkozy préconise un axe anglo-français pour le progrès de
l'Europe et du monde et promet plus de soldats en Afghanistan
Nicolas Sarkozy a déclaré hier la naissance d'un axe franco-anglais en tant que force de progrès en Europe et dans le monde, sur des questions qui vont du changement climatique et à l'énergie nucléaire à la réforme de l'ONU et à la guerre en Afghanistan.
S'adressant devant les deux chambres du parlement, le Président Sarkozy a rendu peut-être l'hommage le plus chaleureux jamais prononcé par un président français de l'après-guerre. Les différences sur l'Union Européenne et les rivalités passées, a-t-il dit, pourraient être surmontées.
"Au nom du peuple français, je suis venu proposer au peuple britannique que nous écrivions ensemble une nouvelle page de notre histoire commune, celle d'une nouvelle fraternité franco-britannique - une fraternité pour le 21ème siècle.
"Si le Royaume-Uni et la France veulent ensemble plus de justice, le monde sera plus juste. Si le Royaume-Uni et la France luttent ensemble pour la paix, le monde sera plus pacifique", a-t-il déclaré. Pour cimenter le pacte qu'il propose, il a offert d'aider en Afghanistan, s'attirant des applaudissements nourris de la part du parlement. "La France proposera, lors du sommet de [l'OTAN à] Bucarest, de renforcer sa présence militaire. Nous ne pouvons pas accepter le retour des Taliban et d'al-Qaïda à Kaboul. La défaite n'est pas une option", a dit Sarkozy.
Il n'a pas spécifié le nombre de soldats français impliqués, laissant cela pour le sommet de la semaine prochaine, mais les officiels de l'Otan espèrent que 1.000 soldats seront envoyés, soit à l'Est, soit au Sud de l'Afghanistan.
Sarkozy a soutenu que l'amitié franco-allemande restait "indispensable" en Europe, mais qu'elle n'était plus suffisante pour maintenir une Europe vigoureuse.
Pour cela, a-t-il dit, "nous avons besoin de cette nouvelle entente franco-britannique".
A cette fin, il a lancé un appel pour que la Grande-Bretagne soit plus impliquée en Europe. "Je sais que c'est un sujet sensible en Grande-Bretagne. C'est un sujet sensible en France", a-t-il dit.Les débats qui sèment la discorde
Mais il a soutenu que les débats institutionnels sur la forme future de l'UE, qui sèment la discorde, avaient été réglés dans le Traité de Lisbonne. "A présent, l'Europe peut consacrer toute son énergie à des projets concrets : la lutte contre le changement climatique, l'énergie, l'immigration et le développement d'une politique de sécurité et de défense", a-t-il déclaré.
Il a aussi promis que la France était prête à réformer la PAC [Politique Agricole Commune], les subventions accordées aux agriculteurs européens, que la Grande-Bretagne veut réviser depuis longtemps. Sarkozy a dit que la première phase de réforme aura lieu sous la présidence française de l'UE, dans le deuxième semestre de cette année.
La Grande-Bretagne, avec ses liens historiques avec l'Amérique et le Commonwealth, apporterait à l'Europe une diversité unique, un réseau mondial et une fenêtre sur le monde. "Nous avons besoin de vous à l'intérieur de l'Europe, pas à l'extérieur. Nous ne pouvons pas construire une Europe démocratique et efficace sans le Royaume-Uni.
"Aujourd'hui, plus que jamais, l'Europe a besoin du Royaume-Uni et le Royaume-Uni a besoin de l'Europe. Qui peut penser que le Royaume-Uni aurait plus d'influence dans le monde s'il retournait à un isolement formidable ? Qui pourrait penser que l'Europe serait plus forte sans le dynamisme britannique ?"
Sur le changement climatique, il a déclaré que nos deux pays pourrait conduire le monde et convaincre les Etats-Unis, en particulier. "Si le Royaume-Uni et la France parlent d'une seule voix contre le changement climatique, cette voix serait entendue, même par ceux qui doutent du sérieux de cette menace contre notre planète", a-t-il dit.
"Je pense tout d'abord aux Etats-Unis, parce que pour éviter une catastrophe environnementale, le monde a besoin de l'Amérique. Qui mieux que ces deux amis les plus sincères peuvent la convaincre d'assumer ses responsabilités mondiales, au nom des valeurs communes pour lesquelles ils ont partagé tant de sacrifices?"
Anticipant une déclaration conjointe hier, il a ajouté que si la France et la Grande-Bretagne investissaient toutes deux dans l'énergie nucléaire comme "énergie du futur" pour combattre le changement climatique et assurer la sécurité énergétique, "alors, cet argument aurait une nouvelle force derrière lui".
Sur la réforme des Nations-Unies et des autres institutions mondiales, il a dit que les deux pays partageaient le point de vue de les rendre "plus justes, plus légitimes et plus fortes". Il a suggéré que le G8 [le Groupe des 8 pays les plus industrialisés] soit étendu à un G13 ou un G14, en incluant la Chine, l'Inde et le Brésil.
Les politiciens britanniques de tout le spectre politique ont été impressionnés par son discours. Un ministre en a dit qu'il s'agissait d'une performance étonnante : "Il est difficile d'imaginer tout autre président français prononcer un tel discours. Ce qui est intéressant est là où cela laisse David Cameron, après que le président a dit que la Grande-Bretagne devrait être au cœur de l'Europe".
Les conservateurs ont aussi été impressionnés. Un député porte-parole a dit : "C'était un discours superbe. Et je ne suis pas sûr que nous nous souvenions d'un de Gaulle aussi chaleureux. La Grande-Bretagne lui a donné refuge et ensuite il a dit 'Non' à l'adhésion britannique à la CEE".
Mais un autre Tory a dit : "Ce discours n'était rien d'autre qu'un habillage du projet européen en langage amical".
Traduction : JFG/QuestionsCritiques