La Grande-Bretagne accusée après une journée
de chaos et de kidnapping à GazaLe retrait des surveillants britanniques pousse les Israéliens à attaquer la prison palestinienne
Par Chris McGreal
The Guardian, mercredi 15 mars 2006
JERICHO - La Grande-Bretagne a été accusée de connivence avec l'assaut militaire israélien qui a eu lieu hier contre la prison palestinienne et qui a déclenché des enlèvements généralisés d'étrangers et les mises à sac des bureaux du Royaume-Uni et de l'Union Européenne, dans les territoires occupés.
Le siège de Jéricho par l'armée, qui a duré toute une journée, s'est terminé par la reddition des cinq hommes accusés par Israël d'avoir assassiné à Jérusalem, en 2001, le ministre Rehavam Ze'evi. La nuit dernière, il semblait que trois étrangers étaient encore détenus par des groupes armés palestiniens.
Ahmed Saadat, le chef du FPLP, et quatre autres de ses membres ont été détenus à Jéricho pendant les quatre dernières années sous la surveillance britannique et américaine.
Tôt hier, le Royaume-Uni a retiré ses surveillants, disant qu'il craignait pour leur sécurité. À ce moment-là, les Etats-Unis n'avaient aucun fonctionnaire à Jéricho. Ensuite, l'armée israélienne a attaqué la prison, disant qu'elle voulait éviter qu'un gouvernement dirigé par le Hamas tienne la promesse que celui-ci avait faite de libérer les hommes qu'Israël voulait récupérer.
Les forces israéliennes ont donc attaqué la prison de Jéricho avec des obus tirés par des chars et des missiles tirés par des hélicoptères. Puis elles ont défoncé les murs avec des bulldozers blindés. Un policier et un prisonnier ont été tués dans l'assaut.
La plupart des 200 prisonniers et des gardes se rendirent rapidement, mais M. Saadat et un noyau dur d'environ trente autres étaient encore à l'intérieur.
Le Secrétaire aux Affaires Etrangères, Jack Straw, a déclaré à la Chambre des Communes que les surveillants britanniques avaient été retirés parce que l'Autorité Palestinienne n'avait pas fait assez pour assurer leur sécurité. Il a nié que la Grande-Bretagne a collaboré avec Israël. "Nous avons délibérément décidé de ne dire à personne l'heure exacte du retrait, à la fois pour ne pas faire courir de risque à nos agents, mais aussi pour garantir précisément qu'il n'y aura aucune collusion avec les forces de défense israéliennes", a-t-il dit.
"Etant donnée la nature de la surveillance dans les territoires occupés, la vérité, c'est que si nous l'avions dit à quiconque dans les territoires occupés nous l'aurions, en pratique, dit en même temps aux forces de défense israéliennes". Israël a nié aussi qu'elle avait été informée du retrait.
Le président palestinien, Mahmoud Abbas, a dû écourter son voyage en Europe à cause de la crise et il a accusé la Grande-Bretagne et les Etats-Unis de violer les accords en retirant leurs surveillants sans l'avoir tenu informé.
La vitesse avec laquelle les forces israéliennes sont entrées dans la prison, l'ayant encerclée en l'espace de 30 minutes après le retrait des surveillants, a déclenché une large vague de suspicion parmi les Palestiniens. En quelques heures, des hommes armés ont enlevé au moins neuf étrangers à Gaza et en Cisjordanie, relâchant plus tard six d'entre eux, y compris des Américains et des Australiens. Ceux qui étaient encore détenus la nuit dernière semblaient être deux journalistes français et un Sud-coréen. Un homme armé a été tué dans une confrontation avec la police palestinienne alors que quelques étrangers étaient extraient d'un hôtel de Gaza.
Des centaines de personnes, menées par des hommes en armes, ont ravagé les bureaux du British Council à Gaza et y ont mis le feu après une brève fusillade avec la police. Puis elles se sont enfuies et ont hissé le drapeau du FPLP sur le toit du bâtiment de la Commission Européenne. Des foules ont scandé : "Mort aux Américains ! Mort aux Britanniques !".
À Ramallah, des gangs ont attaqué le British Council et les bureaux de l'UE, y détruisant le matériel. L'ONU a retiré des territoires occupés tous ses travailleurs étrangers et la frontière entre Gaza et l'Egypte a été fermée après le départ des surveillants de l'UE et une fois les travailleurs humanitaires étrangers à l'abri dans les bureaux des forces de sécurité palestiniennes.
M. Saadat a passé une grande partie de la journée à dire aux journalistes par téléphone cellulaire qu'il préférerait plutôt mourir que se rendre.
Mais après la tombée de la nuit, Saadat et ses hommes ont accepté de se rendre. Israël a dit qu'ils seraient renvoyés devant un tribunal. "Nous ne pouvions pas avoir une situation où des assassins se baladeraient en liberté au lieu d'être enfermés derrières les verrous", a déclaré le porte-parole du ministre des affaires étrangères, Mark Regev.
Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]