Les yeux de ceux qui sont sensibles à la discrimination contre la population arabe se sont écarquillés lorsqu'ils ont vu les gros titres annonçant un développement incroyable : le Congrès Sioniste Mondial a décidé d'inclure les Arabes israéliens dans le plan de développement promu par l'Agence Juive. Juste au moment où le gouvernement israélien décide d'étendre une loi d'urgence qui nuit au droit des Arabes de se marier avec qui ils veulent, le "parlement sioniste" déclare que la "réduction des différences, la coexistence et le dialogue" sont des objectifs sionistes importants.
Lors de la Conférence Caesarea, un rapport accablant, qui prouve que la discrimination contre les Arabes en matière d'éducation, de création de zones industrielles, d'aide à l'investissement et de niveaux de salaires a conduit les Arabes israéliens à une pauvreté trois fois supérieures à celle de la population juive, a été révélé. Et comme si elle apportait une réponse à cela, l'Agence Juive prétend à présent "promouvoir l'aide sociale et l'éducation pour les Arabes".
Ceci est très surprenant, puisqu'il est bien connu que les "institutions nationales" - l'Agence Juive et le Fonds National Juif - existent en premier lieu pour permettre la discrimination institutionnelle basée sur les origines ethniques, tout en dédouanant l'Etat des accusations selon lesquelles il dévie des normes universelles communes aux démocraties libérales. Vraiment, ceux qui ont été les plus surpris furent les fonctionnaires de l'Agence, qui ont dit que cette décision était "illogique", parce que "le principe de base des institutions nationales est de prendre soin des Juifs".
Pendant trop d'années, elles ont pris l'habitude de mettre en place des politiques discriminatoires basées sur la suprématie des droits extra personnels et collectifs accordés à la communauté juive - au nom du Sionisme. Aucun Juif de la Diaspora, ayant un complexe d'infériorité et des tendances libérales de gauche, ne fera en sorte qu'elles servent "les Arabes, les Druzes et les Circassiens". Mais l'opposition fut mineure et même les cercles de droite sans équivoque, pour lesquels le Sionisme est un cri de ralliement nationaliste, n'ont pas été contrariés. Ils ont remarqué que cette décision a beau avoir l'air joli, elle n'a aucune validité pratique.
Cette décision s'ajoute à beaucoup d'autres, faites ces dernières années, de s'occuper des tensions entre les principes de l'Etat juif, le Sionisme et la démocratie. Ces décisions incluent des positions contre la discrimination qui semblent courageuses, mais, en fait, elles la renforcent, parce que soit elles s'occupent des problèmes marginaux, soit elles ne peuvent pas mettre en place les solutions suggérées. Ces décisions renforcent essentiellement l'illusion que des décisions douloureuses ont vraiment été prises, lavant la conscience et permettant aux gens de sentir que justice a été faite.
Un exemple classique est la décision de la Haute Cour de Justice concernant la famille Kada'an, décision qui fut perçue en son temps comme s'occupant pour la première fois du principe d'égalité, confrontant le principe sioniste de "racheter la terre" et présentant une victoire de la démocratie sur l'apartheid, inhérent aux politiques de distribution de terres des institutions nationales. Ces institutions ont rapidement appris comment "minimiser les dommages" et elles poursuivent leur politique discriminatoire.
Le Procureur Général, Menahem Mazouz, a pris une autre "décision historique" début 2005, lorsqu'il a interdit au Fonds National Juif de procéder à des adjudications au bénéfice des seuls Juifs. Et une fois encore, un moyen fut trouvé pour contourner cette décision, par l'intermédiaire des "échanges de terres", qui n'ont fait que renforcer le FNJ en tant qu'institution discriminatoire, aux politiques racistes.
Le vif débat qui surgit chaque fois que la discrimination "sioniste" est menacée permet de vivre en paix avec la discrimination dans tous les autres domaines - l'économie, l'aménagement du territoire, l'éducation et autres - puisqu'ils ne se heurtent pas aux "principes de base du Sionisme".
Le fait que la décision du Congrès Juif Mondial n'ait généré aucun débat est peut-être la preuve que l'astuce consistant à gonfler les positions contre la discrimination, avec aucun résultat pratique, est usée. Si les Juifs de gauche veulent vraiment contribuer à la campagne contre la discrimination vis-à-vis des Arabes israéliens, ils feraient mieux de s'engager dans l'effort de fermer les "institutions nationales", dont l'existence même est la base de telles discriminations. La tentative d'atteler l'Agence Juive à la guerre contre les différences est ridicule.
Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]