Récolte Amère
Tout ça pour une récolte des olives d'un autre type !
Par Akiva Eldar, correspondant de Haaretz
aricle orginal : "So much for another kind of olive harvest"
Haaretz, mercredi 27 octobre 2006"La promesse de Peretz, selon laquelle la récolte des olives serait différente de celles des autres années, sonne creux aux checkpoint de Tsahal"
À présent, qui se souvient qu'Amir Peretz a fait du démantèlement des postes avancés illégaux une condition pour que Yisrael Beiteinu [le parti d'extrême droite israélien] entre au gouvernement - avec l'accord du "chevalier" de la loi et de l'ordre, Avigdor Lieberman ? Qu'est-il advenu du serment de Peretz de réexaminer le tracé de la barrière de séparation, conçue par un colon, alors que le ministre de la justice a reconnu que celui-ci avait induit la Haute Cour en erreur ? Tous ceux qui s'intéressent au sort des propriétaires palestiniens d'oliveraies découvriront que, en ce qui les concerne, Lieberman pourra s'installer directement dans le fauteuil du Ministre de la Défense.
Les grandes promesses de Peretz, selon lesquelles la récolte des olives de cette année sera différente de celles des années passées, sont quotidiennement battues en brèche aux barrages de l'armée israélienne. Même l'injonction de la Haute Cour d'autoriser les fermiers à travailler sur leurs terres n'impressionne aucunement les forces de sécurité.
Des membres de l'organisation "Les Volontaires du Yesh Din pour les Droits de l'Homme", qui se rendent tous les jours dans les champs, ont rapporté hier que les FDI [Forces de Défense d'Israël] avaient complètement bloqué l'accès aux oliveraies dans cinq villages de Cisjordanie ; Tsahal empêche les fermiers de trois villages de pénétrer sur leurs terres qui se trouve à l'ouest de la barrière de séparation. Six autres villages ont été informés que leurs terres avaient été fermées ou saisies par l'armée. Dans au moins un cas, les fermiers ont été expulsés de leur terre sans qu'on leur présente le moindre décret. Les fermiers de 10 villages ont reçu l'ordre de récolter les olives à des dates spécifiques et ils doivent demander la permission à l'avance auprès des responsables de la sécurité avant de pénétrer sur leurs terres.
Selon le porte-parole des FDI, ces ordres étaient seulement destinés à garantir que les fermiers coordonnent leurs efforts avec les FDI et ne concernaient que les étendues minimales de terres autorisées par le règlement de la Haute Cour. À peine une heure après que le porte-parole s'est exprimé, quatre voyous de [la colonie de ] Havat Gilead ont attaqué des récoltants d'olives du village de Farata. Pas un seul auteur de ces attaques n'a été arrêté.
Peretz a raté l'occasion d'exiger, en échange de l'entrée de Lieberman au gouvernement, que le Premier ministre Ehoud Olmert accorde ne serait-ce qu'une fraction de sa promesse de discuter des invectives du président syrien pour faire la paix - sans parler de l'initiative de paix arabe. Le droit d'existence de Peretz au Ministère de la Défense repose (pour l'instant) sur sa position déterminée relative à la Bande de Gaza. Peretz reste le seul obstacle sérieux pour empêcher Dan Halutz, le chef d'état-major des FDI, de la réoccuper. On peut facilement en trouver un indice dans sa déclaration de cette semaine à propos de son manque de désir de se colleter avec un soulèvement contestataire à Gaza.
Quelqu'un a visiblement dit à Peretz que l'aventure de Halutz dans le Sud conduirait au démantèlement de l'Autorité Palestinienne [AP] et qu'Israël aurait la responsabilité de 1,3 millions de Palestiniens. Le Ministère de la Défense connaît les chiffres. L'administration militaire des territoires coûterait au contribuable israélien au moins 1 milliard de NIS par mois [183 millions d'euros]. La capacité de Peretz à retenir Halutz dépendra du nombre de roquettes Kassam qui tomberont sur la ville natale du ministre de la défense, Sderot, dans les tout prochains jours. Le nombre de missiles Kassam est directement lié au nombre de Palestiniens tués dans les attaques des FDI.
Donner les pleins pouvoirs à Abbas
Au milieu du chaos qui s'est emparé des territoires, le Président de l'AP Mahmoud Abbas n'a pratiquement aucune influence sur le développement des événements. Olmert dit qu'Abbas est faible, pourtant il est le seul homme au monde qui puisse lui donner le pouvoir. Il peut le faire en remettant au président - et au président seul - des milliers de prisonniers, des personnes âgées, des femmes et des jeunes. Des dizaines de milliers de membres des familles des prisonniers imposeront [alors] le siège contre les bureaux du Hamas à Gaza jusqu'à ce que Khaled Meshal ordonne le retour de Gilad Shalit.
Mais Abbas a conclu depuis longtemps que le salut ne viendrait pas d'Olmert. Sa toute dernière rencontre avec le Président George W. Bush l'a convaincu que, tant que le Hamas sera au pouvoir, l'Amérique lui est perdue. Même si Haniyeh chante "Hatkiva", l'hymne national israélien, sur la Place Rabin, les Etats-Unis se boucheront les oreilles. Le dernier projet d'un gouvernement d'union que le Hamas a proposé au Qatar n'a pas reçu la moindre ligne dans la presse internationale - et encore moins dans les médias israéliens.
Le Hamas, une fois encore, n'a pas prononcé le mot "Israël" ou déclaré (bien entendu) "Nous reconnaissons l'Etat d'Israël". D'un autre côté, ce document comporte la reconnaissance de la loi internationale et l'engagement à honorer tous les accords signés par l'AP et le Fatah, tout en exigeant que les droits et les intérêts du peuple palestinien soient garantis. Le Hamas a aussi promis d'employer des moyens légaux dans sa bataille pour garantir les droits palestiniens et mettre fin à l'occupation. Ils différencient ces moyens de la terreur (certains interprètent cela comme une référence à la terreur israélienne). Ce document déclare que l'objectif est de conduire à la création d'un Etat palestinien à l'intérieur des territoires occupés en 1967.
Hier, circulait une rumeur non fondée, selon laquelle, après la fin des vacances de l'Aïd al-Fitr, le président [de l'AP] dissoudrait le gouvernement et annoncerait l'établissement d'un gouvernement temporaire de technocrates jusqu'aux prochaines élections. Dans ces élections, les partis qui souhaiteront se présenter devront reconnaître les accords antérieurs, y compris la reconnaissance d'Israël, et dénoncer la terreur avant l'ouverture du scrutin. Juste au cas où le Hamas n'accepterait pas volontiers ces conditions, les Américains ont équipé la Garde Présidentielle d'Abbas avec leurs meilleures armes et l'ont couverte de billets verts.
L'honneur de la Cour
Les déclarations glaciales de la Procureur Orit Koren, qui est responsable des appels devant la Haute Cour au Bureau du Procureur de l'Etat, n'ont laissé aucune place au doute. Cette violation des ordres de la Cour est un acte extraordinaire qui mérite une réponse agressive.
"Il n'est nul besoin de décrire la gravité de ces actes, commis au mépris de l'ordre provisoire émis par l'honorable cour", écrivait Koren à propos de l'attitude de l'entreprise de bâtiment [qui construit en territoire occupé].
Elle a ajouté que le refus d'obéir aux ordres pour stopper la construction s'est produit sans aucun permis et contrairement au plan légal. Si cela ne suffit pas, les travaux pour ouvrir une route sur un site de construction dans la colonie de Matityahu Mizrach contredit le plan créé pour rectifier la violation d'origine. La route traverse deux parcelles désignées pour des unités résidentielles et une autre parcelle désignée comme espace public.
Après toutes ces déclarations corrosives, on pourrait supposer que la procureur d'Etat a décidé de rejoindre "La Paix Maintenant" en requérant une injonction immédiate pour arrêter la construction, remettre les choses dans leur état précédent et prendre des mesures concernant ce mépris évident de la cour. Vrai ? Pas du tout.
"En dépit de ces déclarations, à la lumière des circonstances humanitaires qui se sont développées", écrit le ministère public, "il y a des raisons de permettre aux orientations du plan d'être achevées sur une période transitoire, des 'préparations temporaires' de la route".
Koren explique qu'empêcher les véhicules publics d'emprunter la seule voie d'accès au lotissement de Heftziba Company fera du tort à 80 familles dans le besoin (ultra-orthodoxes) qui comptent sur les transports publics pour rejoindre les centres commerciaux et les services de la communauté des vétérans de Modi'in Elite. On se demande si la procureur sympathique aurait montré la même considération si des Palestiniens avaient construit sans permis des centaines d'unités résidentielles sur des terres juives et ensuite défié l'ordre de la cour de stopper la construction.
Michael Sfard, l'avocat de La Paix Maintenant et qui a été impliqué dans les questions de colonies pendant des années, dit que la position du procureur est la preuve que la tolérance systématique des violations de la loi n'est pas l'apanage des seuls colons et politiciens. Sfard prévient que les déclarations du procureur seront citées largement par ceux qui construisent des postes avancés illégaux et annexent des terres en Cisjordanie. Il doute que la Haute Cour ait l'autorité pour autoriser une violation de la loi, ainsi que le ministère public le requiert.
Chaque demande est accordée
Des milliers de familles palestiniennes passent leurs vacances loin de leurs parents et de leurs enfants. Selon des données du département de la statistique du Ministère aux Affaires des Prisonniers de l'AP, environ 10.100 prisonniers palestiniens, dont 335 mineurs et 104 femmes, étaient incarcérés, en juin dernier, dans des installations et des prisons israéliennes. Quelques 369 prisonniers sont détenus depuis plus de 12 ans. En d'autres termes, ils ont été emprisonnés avant les Accords d'Oslo et la création de l'Autorité Palestinienne et ils n'ont pas été libérés après les Accords d'Oslo. Parmi ces prisonniers anciens, 45 sont détenus depuis plus de 20 ans, dont sept depuis plus de 25 ans.
La plupart des prisonniers - 55 % - n'ont jamais eu de procès ou été condamnés. En réalité, ils pourraient être considérés comme ayant été kidnappés. L'avocat Amit Gurewitz a passé deux jours au tribunal militaire de la base militaire d'Ofer. Dans le dernier numéro du journal "Hapraklitim" (Procureurs), publié par l'Association des Avocats de Tel Aviv, il a décrit comment un Etat de droit envoie les gens en prison. Le même jour, des centaines de personnes ont été emprisonnées. Chaque requête de poursuite a été accordée. Aucune détention n'a pas été étendue.
Les prisonniers sont dirigés par groupes de cinq vers la cabine où siège le juge. Le prévenu Mourad Youssef est détenu depuis six mois parce qu'il est soupçonné d'avoir lancer des pierres en 2001. Le ministère public n'a toujours pas eu le temps de préparer son acte d'accusation. Son avocat n'a pas accès à l'ensemble de cette affaire "classifiée". Le juge découvre aussi pour la première fois cette affaire.
Son avocat déclare : "Il n'a pas été arrêté immédiatement après l'incrimination. Par conséquent, il n'est pas dangereux et devrait être libéré".
Le juge ne répond pas. Il dit au ministère public : "J'ai examiné l'enquête et à ce stade j'ai trouvé les bases d'une preuve".
Affaire suivante : Rafat Salem Okat. Le juge : "Juste une minute, que je lise le dossier… Le ministère public peut avoir des difficultés pour supporter chaque risque séparément, mais l'ensemble révèle un tableau clair". L'avocat : "C'est un cas classique de non-lieu". Le ministère public : "Risque de danger, risque de fuite". Le juge étend la détention préventive de huit jours supplémentaires. Dans une autre affaire, le juge décide : "Parce qu'il y a un problème qui rend difficile l'examen des réclamations de l'avocat de la défense, le prévenu restera en détention jusqu'à la reprise de l'audience".
"Il est possible de discuter de la situation en ce qui concerne la sécurité et la justice des arrestations", écrit Gurewitz, "mais il est difficile d'entourer cela du prétexte d'un 'procès'".
Traduit par [JFG-QuestionsCritiques]