Maintenant que quelques semaines ont passé, nous pouvons mieux apprécier la signification du rapport de l'ancien président des Etats-Unis, Jimmy Carter, après sa rencontre avec Khaled Meshal. Son rapport dit que le "Hamas acceptera tout accord négocié entre M. [Mahmoud] Abbas et le Premier ministre israélien, Ehoud Olmert, à condition qu'il soit approuvé dans un référendum palestinien."
Cela peut sembler important, mais, ni le gouvernement d'Olmert, ni l'administration Bush n'ont répondu à cette nouvelle avec entrain. Ils pourraient expliquer leur manque d'enthousiasme de cette façon :
Dans le passé, le Hamas a fait des déclarations similaires mais il toujours dit qu'un référendum doit inclure la diaspora palestinienne mondiale, et il continue de dire qu'il ne reconnaîtra pas Israël et qu'il insistera sur le retour des réfugiés. Le Hamas s'opposera donc à tout accord entre Abbas et Olmert, accord qui sera probablement refusé dans un tel référendum.
Qui a raison ? Carter a-t-il concentré l'attention mondiale sur une occasion négligée mais majeure de mettre fin à ce conflit ? Ou est-ce simplement inutile, voire plus dangereux que la rhétorique du Hamas ?
Voici la réponse : Jimmy Carter a raison. Oui, le Hamas a vraiment dit qu'il ne reconnaîtra jamais Israël et qu'il ne renoncera pas au droit au retour. Et alors ? Dans un Etat palestinien démilitarisé, le Hamas sera un parti politique. Exactement comme les partis de cinglés en Israël, il pourra avoir l'idéologie qui lui plaît, tant qu'il obéit à la loi. Et si le Hamas dit qu'il acceptera un traité ratifié, comme une loi qui l'engage, alors, c'est énorme !
Mais que dire de l'argument selon lequel tout traité raisonnable, du point de vue israélien, échouera dans un référendum ? Voici où nous n'arrivons pas à reconnaître que nous sommes en présence d'une offre de paix viable de la part du Hamas. C'est ce que le Premier ministre Ismail Haniyeh voulait dire lorsque, dans une lettre secrète adressée au Président Bush, qu'il lui a fait parvenir en juin 2006, il écrivait "Nous sommes des faiseurs de paix, pas des bellicistes."
C'est vrai que l'on peut s'attendre à ce que le Hamas s'oppose à tout "traité raisonnable", ainsi que Haniyeh l'avait alors écrit. Ce que cela signifie est que le prix de la paix a augmenté et qu'Abbas a un meilleur jeu en main. Si le Fatah et le Hamas peuvent institutionnaliser le cadre d'une ratification par référendum, Abbas pourra alors dire au dirigeant israélien : "Vous pouvez me forcer à accepter ceci ou cette humiliation-là, mais, si vous le faites, ce traité aura toutes les chances d'être rejeté par référendum." Un traité qui remportera un soutien écrasant devra être assorti d'un prix élevé.
Pourtant, ce prix vaudrait la peine d'être payé s'il apporte une paix durable. Selon mon propre jugement, le conflit israélo-palestinien peut être terminé - rapidement, vraiment et de façon durable - sur les bases suivantes :
* Israël obtient une sécurité réelle - garantie par l'Egypte, la Jordanie et les Etats-Unis - et l'Etat palestinien est largement démilitarisé.
* Israël et les Palestiniens acceptent que la souveraineté ultime sur la Vieille Ville de Jérusalem, incluant le Mont du Temple, appartienne à Dieu (les sondages montrent que les supporters du Hamas soutiendrait cela). Les deux camps s'accorderaient pour y refuser une souveraineté politique, mais ils mettraient au point un accord administratif pas trop différent de ce qui existe aujourd'hui.
* De plus, Israël serait reconnu dans tout le monde arabe, et il y a des raisons de croire que l'Iran, aussi, accepterait et respecterait les résultats d'un référendum palestinien.
* Enfin, le Hamas accepterait, s'il arrive au pouvoir, de respecter les obligations de tout traité ratifié par référendum par les Palestiniens du monde entier.
Mais, pour que tout ceci se produise, Israël devrait faire des concessions majeures, que j'envisage comme suit :
* Israël devrait évacuer presque toute la Cisjordanie, et toutes les terres qu'il garderait lui seraient données à bail, en échange de terres au sein d'Israël qui seraient données à bail à la Palestine. Tout Palestinien vivant sur une terre israélienne donnée à bail le ferait en tant que résident permanent, pas citoyen.
* Tous les réfugiés de 1948 toujours en vie (mais pas leurs descendants) seraient autorisés à revenir en Israël et recevraient les moyens de faire une offre pour racheter leurs maisons perdues aux propriétaires actuels. Les plus jeunes de ces réfugiés auraient 60 ans aujourd'hui et dans 20 ans, peu seraient encore en vie.
* La plupart des réfugiés recevraient une indemnisation financière de la part d'Israël. Peut-être un tiers de la croissance économique d'Israël pendant les dix prochaines années devrait-il être affecté aux indemnisations des réfugiés. Douloureux oui, mais impossible non.
A cet instant précis, vous vous dites probablement : la politique israélienne n'admettra pas un tel accord et aucun Premier ministre ne l'accepterait. L'erreur que nous faisons est que nous pensons que ceci est la limite de la réalité. Ce n'est pas le cas.
Les Etats-Unis doivent aller vers un mode "d'affection sans concessions" et dire à la Knesset : "Hé ! Les gars et les filles ! C'est le prix de la paix, c'est ce que vous avez à payer. Grandissez !" Si nécessaire, le Président Bush peut menacer de réveiller Oncle Sam. C'est un rôle récurrent. Le père du président, George H.W. Bush, a joué Oncle Sam lorsqu'il a risqué son deuxième mandat pour donner un coup de tête virtuel au Premier ministre israélien Yitzhak Shamir, sur la construction continue de colonies en Cisjordanie. Il a aussi été Oncle Sam lorsqu'il a intimidé un millier de lobbyistes de l'AIPAC, ainsi qu'il l'a dit à l'époque, se présentant comme le shérif solitaire affrontant la clique.
Cette fois-ci, Oncle Sam pourrait dire à Israël, "Non seulement est-ce dans votre intérêt de prendre cet accord de paix, c'est dans l'intérêt national des Etats-Unis que vous le fassiez."
Si le Président George W. Bush arrive à trouver l'Oncle Sam qui est en lui, la politique israélienne subira un bouleversement. Souvenez-vous ! David Ben Gourion a accepté un Etat qui n'avait aucune souveraineté sur Jérusalem.
Pour quelque raison, Bush a peur de le faire. Alors, les Israéliens devront demander cette affection sans concessions. Et pour cela il y a un précédent : Au début de son administration, Shlomo Ben-Ami, Amnon Lipkin-Shahak et Youli Tamir ont écrit une lettre au Président Bush, l'exhortant à ce que les Etats-Unis mettent sur la table une proposition américaine tracée exactement le long des lignes des paramètres de Clinton et qu'ils encouragent "vivement" son acceptation [par Israël]. Aujourd'hui, cet appel à une affection sans concessions a besoin d'être renouvelé -au centuple.
Jerome M. Segal dirige le Programme de Conseil pour la Paix au Centre des Etudes Internationales et de Sécurité de l'Université du Maryland.
Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]