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   L'ancien chef du Mossad : En 1997, le Hamas avait offert un cessez-le-feu de 30 ans
    Par Par Ze'ev Schiff, correspondant de Haaretz
Haaretz
, 31 mars 2006

Quelques jours avant la tentative d'assassinat ratée contre le dirigeant du Hamas Khaled Meshal, en 1997 en Jordanie, le roi Hussein avait transmis [à Israël] une offre de la direction du Hamas pour conclure un accord de cessez-le-feu pour 30 ans. Cette offre, destinée au Premier ministre d'alors, Benjamin Netanyahou et transmise par un représentant du Mossad, n'est arrivée entre les mains de Netanyahou qu'après ce coup raté.

Ce n'est qu'un des nombreux détails sur les incidents passés que l'ancien chef du Mossad, Efraim Halevy, révèle dans son livre, "Man in the Shadows" [l'Homme de l'ombre], disponible depuis le 30 mars en anglais, et prochainement publié en hébreu par Matar Publishing. Halevy y révèle des détails jusqu'ici inconnus sur les affaires de sécurité du passé d'Israël.

Assassinat raté

En septembre 1997, un escadron du Mossad a tenté d'assassiner le dirigeant du Hamas, Meshal, en instillant du poison dans son oreille. La tentative échoua, deux des agents furent capturés et les autres trouvèrent refuge à l'ambassade d'Israël en Jordanie. Halevy raconte que le roi Hussein considéra que la conduite d'Israël était une grave trahison, et ce d'autant plus après la proposition du Hamas que celui-ci venait de transmettre à Israël. Netanyahou demanda à Halevy de l'aider à calmer Hussein, mais ce dernier demanda à ce que Halevy ne vienne pas à Amman parce qu'il ne voulait pas qu'un homme qu'il considérait comme un ami proche soit impliqué dans cette affaire nauséeuse. Halévy s'est quand même mis en route.

Les relations avec Amman se sont tellement détériorées que le roi échauffé a exigé lors d'une conférence de presse qu'Israël livre les agents du Mossad qui s'étaient réfugiés dans son ambassade. Si Israël ne les livrait pas, Hussein considérait sérieusement le recours à une action militaire. Pour calmer le roi, le Mossad proposa divers "cadeaux" pour son armée, comme des équipements pour la vision nocturne ou la modernisation de quelques-uns de ses avions de chasse.

Halevy avait une autre idée. Il suggéra de libérer le Cheikh Ahmed Yacine de sa prison israélienne et de le transférer en Jordanie, où le roi Hussein ordonnerait alors qu'il retourne dans la Bande de Gaza. L'opposition était féroce au sein des agences de renseignement et des forces de défense israéliennes. L'idée d'Halevy fut surtout soutenue par le ministre de la défense d'alors, Yitzhak Mordechai, et finalement approuvée par Netanyahou.

La Guerre du Golfe

Le livre d'Halevy nous parle aussi de la veille de la Guerre du Golfe de 1991. Israël avait mis en garde le roi Hussein que s'il continuait à permettre aux avions de chasse irakiens de s'entraîner en Jordanie près de la frontière israélienne, il s'exposerait à une action militaire dure. Israël craignait surtout une attaque irakienne près de la frontière, dans le Néguev, non loin du réacteur nucléaire de Dimona.

Lorsque les renseignements israéliens découvrirent que les avions jordaniens avaient commencé à s'entraîner avec les avions irakiens, le roi Hussein fut prié de s'en expliquer. Il ne le nia pas et prétendit que ces entraînements avaient lieu selon un accord dans lequel l'Irak réduisait les coûts de la force aérienne jordanienne. Après que l'armée irakienne eut conquis le Koweït, les renseignements israéliens révélèrent que les pilotes irakiens conduisaient des vols de reconnaissance le long de la frontière du Néguev après avoir maquillé leurs avions avec les signes identificateurs de l'armée de l'air jordanienne. La mise en garde d'Israël menaçant la Jordanie d'une action militaire contre convainquit Hussein qu'il ferait face à une situation dangereuse. Le Premier ministre britannique, Margaret Thatcher et le président des Etats-Unis, George Bush Sr. lui avaient déjà passé un savon à ce sujet.

Seule une rencontre secrète entre le Premier ministre israélien d'alors, Yitzhak Shamir et le Roi Hussein résolut cette crise, avec Hussein promettant de ne pas autoriser les avions de chasse irakiens d'utiliser l'espace aérien jordanien pour des vols qui étaient certainement destinés à faire du mal à Israël. Toutefois, le roi rejeta la demande israélienne d'entrer dans une certaine zone de l'espace aérien jordanien si l'Irak attaquait Israël avec des missiles sol-sol. Ces missiles passèrent au-dessus de la Jordanie pour viser des cibles en Israël.

Shamir et Hussein

L'importance de cette révélation est à trouver dans l'explication du rapport que Shamir, de plus en plus à droite, entretenait avec Hussein. Shamir cessa de soutenir l'idée que la "Jordanie est la Palestine", tandis qu'Ariel Sharon, qui servait dans le cabinet de Shamir, prit des années pour modifier sa pensée stratégique sur la Jordanie. Halevy révèle que Shamir avait rencontré Hussein par trois fois et qu'ils avaient fini par s'apprécier mutuellement. La réunion où un accord sur les vols irakiens fut atteint eut lieu à Londres un vendredi soir. L'entourage de Shamir incluait deux membres qui observaient le Shabbat, Elyakim Rubinstein et Yossi Ben Aharon. Shamir insista pour que les détails de la conversation qui dura cinq heures soient méticuleusement enregistrés. Ben Aharon et Rubinstein refusèrent d'écrire pendant le Shabbat ou que cet enregistrement se déroule en leur présence. Shamir décida que cette occasion surpassait les restrictions du Shabbat et confia à Halevy la tâche d'enregistrer la conversation.

Halevy nous offre aussi des révélations sur les relations entre Hussein et Yitzhak Rabin et sur les événements qui conduisirent à la signature du traité de paix avec la Jordanie, y compris le fait que le président syrien d'alors, Hafez el-Assad ne s'y opposa pas.

Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]