Le drapeau noir flotte au-dessus de l'opération "qui gronde" sur Gaza. Plus cette opération "gronde", plus ce drapeau est noir. Les "pluies d'été" qui tombent sur Gaza sont non seulement vaines, mais elles sont d'abord et surtout ouvertement illégitimes. Il n'est pas légitime de priver 750.000 personnes d'électricité. Il n'est pas légitime d'enjoindre 20.000 personnes à quitter leurs maisons et de transformer leurs villes et villes fantômes. Il n'est pas légitime de pénétrer dans l'espace aérien syrien. Il n'est pas légitime de kidnapper la moitié d'un gouvernement et le quart d'un parlement.
Un Etat qui prend de telles mesures ne se distingue plus d'une organisation terroriste. Plus ces mesures sont sévères, plus monstrueuses et stupides elles deviennent ; plus leurs fondements moraux sont écartés et plus forte est l'impression que le gouvernement israélien a perdu son sang-froid. À présent, il ne reste plus qu'à espérer que l'accalmie du week-end, qu'elle ait été initiée par l'Egypte ou par le Premier ministre - et dans tous les cas à la consternation de Roni Daniel de 'Channel 2' et des FDI - conduise à un changement radical.
Tout doit être fait pour la libération de Gilad Shalit. Ce que nous faisons aujourd'hui à Gaza n'a rien à voir avec sa libération. C'est un acte de vengeance à grande échelle, une sorte de vengeance que les FDI et le Shin Bet ont voulu conduire depuis un certain temps, vengeance motivée essentiellement par la frustration que ressentent les commandants militaires face à leur impuissance devant les roquettes Qassam et le raid osé de la guérilla palestinienne. Un fossé immense sépare une opération intelligente et légitime pour libérer un soldat kidnappé et l'armée, qui déchaîne sa frustration.
Pour empêcher l'armée de devenir aussi folle furieuse qu'elle le voudrait, un échelon politique fort et judicieux est nécessaire. Mais pour s'opposer à une armée frustrée, il n'y a que le régime débutant, faible et infortuné, d'Ehud Olmert et d'Amir Peretz. Jusqu'à l'accalmie du week-end, il a semblé que chaque mesure proposée par l'armée et le Shin Bet ait été immédiatement approuvée et soutenue. Cela est de mauvais augure, non seulement pour les chances de libérer Shalit, mais aussi pour la future direction du gouvernement, qui se révèle être aussi faible que le gouvernement du Hamas.
Figurez-vous que la seule voix mesurée de sagesse que l'on a pu entendre pour l'instant est celle de Noam Shalit, le père du soldat ! Cet homme magnanime a demandé, dans ce qui est clairement le moment le plus difficile de sa vie, à ne pas infliger de violence et de dommages supplémentaires aux vies des soldats et des Palestiniens innocents. Sur fond d'actions effrénées des FDI et de fanfaronnades arrogantes de la part des derniers porte-parole virils, le Général de division Yoav Gallant, du commandement sud, et le Général de division (de réserve) Amos Gilad, la voix du père de Shalit a donné l'impression d'être une voix s'élevant dans le désert. Obliger des dizaines de milliers de pauvres à s'enfuir de chez eux et les envoyer à des douzaines de kilomètres, de là où son fils est supposé être détenu, et, couper l'électricité à des centaines de milliers d'autres n'est certainement pas ce qu'il a voulu dire dans sa sobre plaidoirie émotionnelle. C'est vraiment dommage que personne ne l'écoute, figurez-vous !
La base légitime de l'opération des FDI s'est volatilisée au moment-même où elle a débuté. Ce n'est pas un hasard si personne n'a mentionné que la veille de l'attaque contre le poste de Kerem Shalom, les FDI ont kidnappé deux civils, un médecin et son fils, dans leur domicile de Gaza. Quelle différence entre nous et eux ? Nous avons kidnappé des civils et ils ont capturé un soldat, nous sommes un Etat et ils sont une organisation terroriste. Comme Amos Gilad a l'air ridiculement pathétique lorsqu'il déclare que la capture de Shalit était "illégitime et illégale", au contraire des FDI, lorsqu'elles capturent des civils à leurs domiciles. Comment un haut responsable au ministère de la défense peut-il prétendre que "la tête du serpent" se trouve à Damas, lorsque les FDI utilisent exactement les mêmes méthodes ?
C'est vrai, lorsque le FDI et le Shin Bet capturent des civils à leurs domiciles - et ils le font si souvent - ce n'est pas pour les assassiner plus tard. Mais, parfois, bien que ce ne soit pas nécessaire, ils sont tués sur le seuil de leur maison et, parfois, ils sont capturés pour servir de "monnaie d'échange", comme au Liban et aujourd'hui, avec les parlementaires palestiniens. On imagine l'indignation que les Palestiniens auraient soulevée s'ils avaient capturé la moitié des membres du gouvernement israélien ! Comment les aurait-on appelés ?
La punition collective est illégitime et il n'y a pas le moindre gramme d'intelligence dans une telle opération. Où les habitants de Beit Hanoun vont-ils s'enfuir? Avec l'insensibilité qui les caractérise, les reporters militaires disent qu'ils n'ont pas été "chassés" mais qu'on leur a "recommandé" de partir, au profit, bien sûr, de ceux qui s'enfuient pour rester en vie. Et à quoi cette mesure inhumaine va-t-elle mener ? Au soutien du gouvernement israélien ? À l'enrôlement de ses membres comme informateur et collaborateur du Shin Bet ? Les paysans misérables de Beit Hanoun et de Beit Lahia peuvent-ils faire quelque chose contre les cellules responsables des tirs de Qassams ? Est-ce que le bombardement d'un aéroport déjà détruit peut servir à la libération du soldat ou était-ce juste pour faire bien dans les gros-titres ? Est-ce que quelqu'un a pensé à ce qui serait arrivé si les avions syriens avaient descendu un des avions israéliens, qui, de façon éhontée, ont frôlé le palais présidentiel ? Aurions-nous déclaré la guerre contre la Syrie ? Une autre "guerre légitime" ? Le black-out de Gaza va-il faire tomber le gouvernement du Hamas ou bien va-il rassembler la population autour de lui ? Et même si le gouvernement du Hamas tombe, comme le veut Washington, que se passera-t-il après ? Ce sont des questions auxquelles personne n'a de vraies réponses. Ici, c'est comme d'habitude : Silence, nous tirons. Mais cette fois-ci nous ne faisons pas que tirer. Nous bombardons et nous pilonnons, nous répandons l'obscurité et nous détruisons, nous imposons un siège et nous kidnappons comme les pires des terroristes et personne ne rompt le silence pour demander : "Bon Dieu, mais pourquoi ? Et selon quel droit ?"
Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]