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Le Hamas ramasse les armes dans le Nord de la Bande de Gaza

Par Arnon Regular, Correspondant de Haaretz + AP
Haaretz, mardi 14 février 2006


Mahmoud al-Zahar, un dirigeant du groupe militant islamique Hamas, s'exprimant hier lors d'une réunion au Caire. (AP)

L'aile militaire du Hamas, Iz al-Din al-Qassam, a récemment terminé l'enregistrement et la collecte des armes utilisées par ses militants dans le Nord de la Bande de Gaza. Ce processus, disent les sources, a débuté sur l'ordre du bureau politique du Hamas, après la victoire du Hamas lors des élections législatives palestiniennes du mois dernier.

Des sources palestiniennes et étrangères ont dit que la collecte des armes dans le Centre et le Sud de Gaza était retardée par des combats entre des militants du Fatah et du Hamas. Les armes qui ont été collectées ont été transférées aux dirigeants de la branche militaire du Hamas à Gaza.

Pendant ce temps, le Fatah essaye de renforcer sa position dans l'Autorité Palestinienne. Lors de sa dernière session, lundi, le parlement sortant a voté une nouvelle loi qui étend de manière significative les pouvoirs du Président de l'A.P., Mahmoud Abbas. Cette loi autorise Abbas à nommer les juges de la nouvelle cour constitutionnelle qui arbitrera les conflits entre le président, le gouvernement et le parlement.

On s'attend à ce que ces juges soient des membres du Fatah ou des Palestiniens qui s'identifient à ce mouvement. Etant donné que la cour aura le dernier mot, cette loi renforce l'autorité d'Abbas dans ses relations avec un gouvernement dirigé par le Hamas.

En attendant, des sources proches du Hamas ont déclaré que la collecte d'armes était une tentative de montrer aux Occidentaux que le Hamas est en train de réussir à faire appliquer la discipline interne. Certains voient aussi cette manœuvre comme une étape vers la possibilité pour un futur gouvernement de décider d'étendre la période de "calme", pendant laquelle les organisations palestiniennes accepteront de s'abstenir d'attaquer des cibles israéliennes et collecteront les armes de tous les groupes armés palestiniens.

Toutefois, d'autres sources ont dit que la collecte des armes est la première étape pour unifier toutes les factions armées palestiniennes en un seul corps, qui sera sous la juridiction du futur gouvernement du Hamas. Ces factions unifiées auront pour but de constituer un contrepoids aux services de sécurité de l'A.P., qui sera, pour sa plus grande part, sous la juridiction d'Abbas.

La collecte des armes vient dans le sillage de plusieurs déclarations modérées faites récemment par des dirigeants du Hamas, dans un effort à rendre la victoire du Hamas plus acceptable aux yeux des Occidentaux.

Le plus récent de ces commentaires date d'hier. En effet, un quotidien russe a publié une interview du chef du bureau politique du Hamas, Khaled Meshal, dans laquelle il disait discuter, pour la première fois, de la possibilité que le Hamas désarme. Meshal a aussi reconnu les frontières de 1967, malgré la position du Hamas selon laquelle les frontières de la Palestine sont le Jourdain et la mer.

"Si Israël reconnaît nos droits et promet de se retirer de toutes les terres occupées, le Hamas et le peuple palestinien décideront ensemble de mettre fin à la résistance armée", a dit Meshal à la Nezavisimaya Gazeta. Meshal a aussi critiqué la feuille de route, déclarant que le Hamas n'est pas obligé d'adhérer au plan de paix soutenu par le Quartette.

Il a déclaré que personne ne remplissait les exigences de la feuille de route et que les Palestiniens n'avaient donc pas à le faire.

Dans la Bande de Gaza, le Hamas a cessé de parader en brandissant des armes à la suite d'une explosion qui a tué 20 Palestiniens en septembre dernier. Cette explosion s'est produite à bord d'un camion transportant des fusées Qassam au milieu d'une de ces parades dans le camp de réfugiés de Jabalya et elle a été sévèrement critiquée par la rue palestinienne.

Le Hamas a constitué un comité d'enquête interne, qui a imposé des limitations sur les activités de sa branche armée. Ces limitations ont été renforcées depuis la victoire électorale du Hamas.

Un dirigeant du Hamas rejette la pression internationale à désarmer et vante le mérite de la réforme

Un dirigeant du Hamas a déclaré lundi que le mouvement islamique n'avait aucune intention de reconnaître Israël et qu'il ne se laisserait pas influencer par les menaces américaines de couper ses aides s'il ne désarme pas, en disant que le Hamas n'avait pas besoin de l'argent "satanique" des USA.

"La reconnaissance de l'Etat de l'ennemi israélien n'est pas à l'ordre du jour", a-t-il dit. "Notre programme est de libérer la Palestine, toute la Palestine", a déclaré le dirigeant basé à Gaza, Mahmoud al-Zahar.

"Les Brigades Iz al-Din al-Qassam continueront de croître en nombre et de s'équiper en armes … jusqu'à ce que la libération soit complète", a déclaré al-Zahar au sujet de la branche militaire du mouvement. Il a ajouté que le Hamas peut développer les capacités de ses missiles.

"Tous ceux qui pensent que le calme signifie la reddition se trompent. Le calme est une préparation pour un nouveau cycle de résistance et de victoire", a-t-il dit. "Si l'ennemi a quelque chose à offrir, nous l'étudierons, mais nous ne maintiendrons pas la trêve sans rien en échange".

Il a rejeté à nouveau les accords de paix d'Oslo de 1993 sous lesquels les Palestiniens reconnaissaient Israël et établissaient l'Autorité Palestinienne.

"Nous entrons (au parlement) pour éliminer toute trace des accords d'Oslo", a-t-il déclaré.

Mais al-Zahar a appelé à faire une distinction entre octroyer la légitimité à Israël et reconnaître les faits sur le terrain. Il a laissé la porte ouverte pour de possibles futurs pourparlers avec Israël par l'intermédiaire d'une tierce partie.

"Les négociations ne sont pas notre objectif", a-t-il dit. "Les négociations sont un moyen. Si elles réalisent le meilleur intérêt pour le peuple palestinien, alors nous trouverons des milliers de médiateurs…pour négocier".

Al-Zahar a parlé aussi du programme social et économique très attendu, déclarant que le Hamas avait l'intention de combattre la corruption, d'éliminer le "tourisme de la nudité" et d'utiliser l'éducation pour faire la promotion de la culture de la résistance.

Mais, conscient des réalités politiques dans les Territoires Palestiniens, al-Zahar a dit que le Hamas n'avait aucune intention de forcer les Palestiniens vers l'Islam ou de régler ses comptes avec ses rivaux.

"Ceux qui construisent leur structure sur la base du Coran…ne peuvent pas changer d'avis à cause des promesses de l'Amérique ou de l'argent de l'Europe", a déclaré Zahar lors d'une conférence au Caire. "Je souhaite que l'Amérique supprime ses aides. Nous n'avons pas besoin de cet argent satanique", a-t-il déclaré.

Depuis la victoire du Hamas lors les élections législatives du mois dernier, les nations occidentales ont menacé de supprimer pour des centaines de millions de dollars d'aides désespérément nécessaires à moins que le groupe, qui est responsable de douzaines d'attentats suicides qui ont tué des centaines d'Israéliens, ne se transforme.

Il est prévu que le Hamas dirige le nouveau gouvernement.

"L'Amérique et l'Europe ont essayé d'assécher le financement du Hamas 'terroriste' qui est dépensé pour les familles des martyrs et des détenus, mais (le Hamas) n'a fait que croître", a-t-il déclaré. Il a dit aussi que cet argent provient de la charité.

Il a soutenu que la plus grande partie de l'aide extérieure était engloutie par la corruption sous le Fatah et que les fonds perdus pourraient être compensés en renvoyant les fonctionnaires corrompus et en se tournant vers des donateurs arabes.

Il a exclu de faire des compromis pour maintenir les rentrées d'argent.

Le Hamas a respecté la trêve négociée par l'Egypte entre les Palestiniens et Israël et a continué de renoncer aux attaques militantes après l'expiration de cet accord à la fin de l'année dernière.

Il a aussi parlé de la vision sociale et économique du Hamas, que les critiques accusent d'être vague et de risquer de restreindre les libertés.

"L'éducation sera un programme de résistance", a déclaré al-Zahar. "Le tourisme ne sera pas un tourisme de nudité, d'alcool et de casinos". Il a dit qu'à la place, le tourisme serait un "tourisme de résistance" qui attirera les Musulmans et les Arabes.

Il a dit que les Palestiniens devaient mettre en avant les petites industries, attirer les investissements et séparer "l'économie de l'ennemi israélien".

Pour combattre la corruption, il a déclaré que le Hamas veut éliminer environ 37.000 "emplois fictifs" dans les services de sécurité dominés par le Fatah — une perspective qui risque d'être explosive. Il a déclaré que personne ne serait licencié pour des raisons de vengeance.

"Les fils du Fatah ou toute autre faction ne devraient pas avoir peur parce que nous ne commettrons d'injustice contre personne. Chacun d'eux devrait savoir que son sang, son argent et son honneur sont saufs", a-t-il déclaré.

Répondant aux inquiétudes selon lesquelles le mouvement imposerait des interprétations radicales de l'Islam, Zahar à déclaré : "Nous n'obligerons personne à suivre la religion ou, comme ils prétendent, à porter des voiles".

Zahar a soutenu que l'ascension du Hamas au pouvoir ouvrira la voie à "un âge d'or" pour le dirigeant palestinien Mahmoud Abbas.

"Cet homme veut des réformes", a dit Zahar au sujet d'Abbas. "Nous coopérerons avec lui de toutes les manières possibles".

Les commentaires de Zahar ont été fréquemment interrompus par des applaudissements et des slogans acclamant le Hamas. L'audience — les hommes assis d'un côté de la pièce et les femmes, presque toutes voilées, de l'autre côté — a aussi chanté des chants religieux glorifiant le Djihad.

Traduit de l'anglais par Jean-François Goulon