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Victimes de l'échec de la politique

par Hilary Benn,

Secrétaire d'Etat britannique au développement
Haaretz, 14 décembre 2006
article original : "Victims of the failure of politics"

À la suite de la visite que j'ai effectuée en Israël et à l'Autorité Palestinienne, je garderai en tête deux conversations. L'une a été avec le maire de Sdérot, qui m'a racontée comment sa ville a vu 3.500 attaques à la roquette et la mort de 16 personnes ces six dernières années. L'autre, après un cours voyage à Gaza, a eu lieu à Beit Hanoun, où j'ai rencontré la famille qui a perdu tragiquement 19de ses membres lorsqu'un obus s'est abattu à travers le toit de leur maison. Une mère qui m'a montrée l'endroit où son fils de huit ans est mort pendant son sommeil. Un père qui m'a montrée les photos de ses deux filles qui ont aussi été tuées.

Sdérot et Beit Hanoun sont des exemples terribles de la ligne de front sinistre du conflit entre les Israéliens et les Palestiniens. Deux communautés, qui ont souffert terriblement, qui ont été profondément affectées et qui aspirent à la fin de ce cycle de désespoir. Elles sont victimes de l'échec de la politique. Et il est très clair pour moi que les gens ordinaires veulent que leurs dirigeants leur montrent le moyen de sortir de ce conflit terrible.

Pour le peuple d'Israël, l'échec de la politique signifie la peur perpétuelle et l'incertitude qu'aucun mur, aucun checkpoint ou barrage peuvent empêcher. Pour les Palestiniens, l'échec de la politique a paralysé l'économie et causé une détresse innommable. Les exportations agricoles ne peuvent quitter Gaza ; les taxes pour les services publics n'ont pas été transférées. Et l'activité militaire continuelle engendre chagrin et souffrance.

De plus, l'échec de la politique signifie qu'à moins que ce terrible conflit ne soit résolu, il continuera à être une balise et une excuse pour l'extrémisme et le terrorisme dans le monde entier.

La paix est la seule solution possible : une solution à deux Etats qui prévoit la sécurité pour Israël, reconnue dans le monde entier, et un Etat palestinien démocratique et viable, vivant en paix et en prospérité avec son voisin.

Cette semaine, un grand nombre de personnes des deux côtés ont plaidé auprès de moi pour que la communauté internationale négocie cette solution. Nous ferons tout ce que nous pouvons, mais une solution ne peut pas être imposée de l'extérieur. La paix doit venir de l'intérieur, avec courage, vision et leadership des deux côtés. La communauté internationale fera alors tout ce qu'elle pourra pour soutenir ce processus.

Mais une telle paix ne sera pas possible tant que la direction élue de l'Autorité Palestinienne - le Hamas - n'accepte pas de renoncer à la violence ou de reconnaître Israël et les accords passés, y compris la feuille de route. Ces principes du Quartette sont les premières étapes essentielles.

En même temps, les actions israéliennes qui alimentent le ressentiment palestinien, comme l'implantation sur des terres palestiniennes, la rétention des revenus de l'Etat et le renforcement des restrictions de mouvement et d'accès, doivent aussi être abordés.

Le Royaume-Uni reste engagé à soutenir tous les efforts en direction de la paix. Nous avons accueilli favorablement le discours du Premier ministre Ehoud Olmert, qu'il a prononcé le 27 novembre, et la tentative du Président de l'AP Mahmoud Abbas de former un gouvernement d'unité nationale. Ces deux dirigeants essayent d'aller dans la bonne direction et le Royaume-Uni reste prêt à les soutenir.

Le Premier ministre Tony Blair a clairement fait comprendre lors de sa dernière visite ici et en de nombreuses occasions, que ceci reste la première priorité du Royaume-Uni. Et tandis que le Royaume-Uni et les autres donateurs ne peuvent pas apporter d'aide à l'Autorité Palestinienne à moins qu'elle soutienne les principes du Quartette, nous n'abandonnerons pas les Palestiniens ordinaires. Le Royaume-Uni est l'un des plus grands donateurs de l'Union Européenne et a apporté un total de plus de 120 millions de dollars cette année.

Certains disent que depuis que le Hamas est arrivé au pouvoir, la communauté internationale a coupé son aide. Ce n'est pas vrai. L'aide de l'UE a en réalité augmenté cette année de 27%, pour atteindre 865 millions de dollars. Le Royaume-Uni a aidé à concevoir le Mécanisme International Temporaire, qui canalise l'argent directement vers le peuple palestinien et apporte 24 millions de dollars en plus de ce que nous apportons à travers la Communauté Européenne. Ceci aide à soutenir les coûts de santé, d'éducation et des services sociaux, de même que l'électricité, l'eau, le carburant pour les générateurs et des aides sociales aux plus de 12.000 Palestiniens les plus pauvres.

Je me suis aussi engagée hier à apporter plus de 150 millions de dollars pour aider à soutenir les réfugiés palestiniens à travers l'UNRWA [l'Agence de l'Onu pour aider les réfugiés palestiniens] pour les quatre prochaines années. C'est assez d'argent pour faire tourner des cliniques pour 4 millions de personnes ou des écoles pour 70.000 élèves. Il faut bien comprendre que quoi qu'il se passera au plan politique, nous ne tournerons pas le dos au peuple palestinien.

Mais l'aide seule n'est pas la solution. Les Palestiniens sont la nation la plus aidée par habitant dans le monde et pourtant leur souffrance continue. La solution est une paix durable, afin que les Palestiniens puissent se déplacer librement, apporter leurs produits aux marchés et bénéficier de la prospérité qu'ils sont capables d'atteindre.

Mes discussions à Sdérot et à Beit Hanoun m'ont prouvée que les Israéliens et les Palestiniens ne sont pas différents. Les médecins, les infirmières et les patients de l'hôpital de Shifa à Gaza étaient les mêmes ; c'est vrai aussi pour les professeurs et les élèves de l'école du camp de réfugiés de Kalandiyah en Cisjordanie. Le message de tous est clair : Ils veulent ce que nous voulons - un travail décent, l'occasion d'élever une famille, mener une vie accomplie, contribuer à leur communauté et à leur société.

La politique doit les aider à accomplir ces ambitions et c'est le boulot des dirigeants de faire en sorte que la politique marche. Je sais que ce n'est pas facile. Mais je sais aussi que l'histoire a montré que la violence ne peut pas résoudre les conflits. Seuls, la négociation, le compromis - et par-dessus tout - le leadership politique peuvent mettre fin à la souffrance et à la douleur que connaissent à la fois les Palestiniens et les Israéliens.

Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]