(Reuters)Le président français, Nicolas Sarkozy, confronté à un raz-de-marée de critiques à propos de son appel pour que les écoliers "adoptent" les petites victimes de l'Holocauste, a riposté vendredi en disant que la France devait élever les enfants en "leur ouvrant les yeux".
Toutefois, dans une manœuvre qui pourrait plomber ce projet, la survivante française de l'Holocauste la plus éminente, Simone Veil, s'est opposée fermement à ce plan, disant que celui-ci est "inimaginable, intenable, dramatique et, surtout, injuste".
Sarkozy a déclenché la controverse mercredi lorsqu'il a déclaré à la communauté juive française que tous les écoliers de 10 ans devraient se voir "confier la mémoire d'un enfant juif français victime de l'Holocauste".
Cette proposition a déclenché une tempête de protestations de la part des enseignants, des psychologues et de ses ennemis politiques, qui ont dit que cela ferait injustement porter le fardeau à des enfants, avec la culpabilité des précédentes générations, et que quelques-uns pourraient être traumatisés en s'identifiant à une victime de l'Holocauste.
Plus de 11.000 enfants juifs français ont été déportés de France vers Auschwitz et d'autres camps de la mort nazis en Europe de l'Est, durant l'occupation de la Deuxième Guerre Mondiale.
"Le poids émotionnel peut avoir des conséquences négatives sur un enfant qui se développe", a déclaré Gilles Moindrot, le secrétaire-général du Snuipp-FSU, le syndicat qui représente la plupart des enseignants d'école primaire.
Le groupe de défense des droits des enfants, l'EMDH, a déclaré : "Aucun projet d'éducation ne devrait être construit sur la mort". Mais Sarkozy, s'exprimant dans le centre de la France, à Périgueux, a repoussé ce tumulte.
"C'est l'ignorance qui produit des situations abominables. Ce n'est pas la connaissance", a-t-il déclaré dans un discours. "Faisons de nos enfants des enfants qui ont les yeux ouverts et qui ne manquent pas de vigilance".
" Croyez-moi ! On ne traumatise pas les enfants en leur faisant ce cadeau de la mémoire d'un pays … Tout psychologue vous dira : vous devez dire la vérité aux enfants", a-t-il déclaré.
Mais [Simone] Veil, qui a soutenu la campagne présidentielle de Sarkozy et qui était assise à côté de lui au dîner de mercredi soir [du CRIF], a semblé être en désaccord.
"On ne peut pas infliger ça à des petits de 10 ans. On ne peut pas demander à un enfant de s'identifier à un enfant mort", a déclaré Simone Veil, qui a été déportée à Auschwitz lorsqu'elle avait 16 ans, au magazine L'Express.
Alors que le taux de popularité de Sarkozy est déjà très bas, cette controverse pourrait causer des dommages à sa réputation politique à moins d'un mois des élections municipales clés, où la France livrera son premier jugement sur ses neuf mois de mandat.
La clameur a fourni des munitions fraîches à ses ennemis politiques, qui l'accusent de comportement imprévisible et disent que son hyperactivité masque une absence de vraie politique.
"Vraiment, ce président est extraordinaire ! Un jour il nous prêche Dieu … Et maintenant il est soudainement devenu professeur. Il décide quelle est la bonne manière et celle qui ne l'est pas d'éduquer les jeunes enfants", a fulminé le sénateur de gauche, Jean-Luc Mélenchon.
Mais Sarkozy a gagné le soutien du dirigeant de l'opposition socialiste François Hollande et le parti conservateur du président, l'UMP, lui a apporté son soutien.
Le Ministre de l'Education Xavier Darcos a assuré que ce projet serait traité de façon pratique et discrète. "Nous ne placerons pas un policier dans chaque salle de classe", a-t-il déclaré aux journalistes.
Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]