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     Les sept prochains mois au Proche-Orient
    Par Shmuel Rosner, chef correspondant de Haaretz aux Etats-Unis
Rosner's blog
, le 31 mai 2008

J'ai participé à deux sessions du Soref Symposium du Washington Institute. De tels événements sont l'occasion d'entendre quelques orateurs riches en réflexion et aussi d'engager des conversations informelles en coulisse.

Les gens voient les sept prochains mois, jusqu'à l'élection d'un nouveau président américain, comme une période de flottement politique, a déclaré Rob Satloff, du Washington Institute dans sa conclusion. Mais les acteurs de la région du Proche-Orient ne se contenteront pas de rester planter là et d'attendre. Comme deux armées avant de déclarer le cessez-le-feu, ils continueront d'avancer à la recherche de positions plus moralisatrices.

Donc - les sept prochains mois seront intéressants et aussi dangereux. Voici quelques conclusions que je peux faire en me basant sur ce que j'ai entendu samedi dernier :

1. Les élections

Le vice-Premier ministre israélien, Haim Ramon, a été assez clair : il pense que les élections en Israël se tiendront en novembre. Il est vrai qu'il a bien fait attention à ajouter le mot "probablement". Cependant, c'est ce que Ramon pense, et quoi que l'on pense de la politique de Ramon, il est sans aucun doute l'un des politicards les plus astucieux qu'Israël ait jamais connu.

Cela signifie qu'Ehoud Olmert, qui se rendra à Washington la semaine prochaine, se rapproche à grands pas de la fin de son mandat de Premier ministre. Ramon espère faire bon usage de cette période pour accomplir quelques progrès avec les Palestiniens. Il pense que le prochain Premier ministre bénéficiera d'un tel progrès, et encore plus si le prochain Premier ministre est Benjamin Netanyahou.

Selon l'analyse de Ramon, ce sera plus facile pour Netanyahou si cet accord est signé avant qu'il ne prenne le pouvoir, parce qu'il pourra dire à ses électeurs que ce n'est pas lui qui l'a signé et qu'il a dû l'accepter.

Pour l'essentiel, ce sera une répétition du scénario d'Oslo des années 90. Netanyahou s'était opposé à cet accord mais il a dû déclarer que s'il devenait Premier ministre il respectera les accords signés précédemment.

L'Iran

Bush attaquera-t-il ou non ? C'est une autre question sur laquelle j'ai déjà écrit, il y a peu. Voici l'analogie intéressante avec la remarque de Ramon sur Netanyahou et les Palestiniens. Ramon pense que Netanyahou bénéficiera de l'intention d'Olmert de passer un accord avec les Palestiniens - beaucoup de personnes à Washington pensent qu'une logique similaire s'applique à la question de Bush et de l'Iran. Selon certains analystes, voici pourquoi :

Si McCain est élu, Bush pourrait décider de lui laisser [régler] la question de l'Iran, mais si Obama est élu, Bush attaquera plus probablement - après l'élection, mais un peu avant de quitter la présidence, parce qu'il ne fera pas confiance à Obama pour que celui-ci fasse la bonne chose (ou ce qu'il pense être la bonne chose). Et l'argument se poursuit ainsi : Obama fustigera Bush pour cette attaque, mais ce dernier lui aura en fait rendu un bon service. Bush s'occupera du problème et en assumera aussi la responsabilité.

Obama pourra soutenir que ce n'est pas lui [le responsable] et reprendre les choses de zéro, cette fois-ci avec un Iran plus faible.

Et que ce soit bien clair : ce n'est pas nouveau. C'est une pure analyse de salon que j'entends de la part de certaines personnes qui s'y connaissent assez bien.

3. Gaza

Ramon dit qu'il croit qu'une opération à Gaza est nécessaire. Il dit que cela correspond aux souhaits de Mahmoud Abbas, puisque c'est le seul moyen pour ce dernier de reprendre le pouvoir à Gaza et d'y déraciner le Hamas. Beaucoup d'autres participants à ce symposium ont estimé qu'une telle incursion militaire est inévitable. Toutefois, la plupart pense que ce ne sera pas l'opération préventive que Ramon envisage, mais plutôt quelque chose que le gouvernement israélien sera forcé de faire après une attaque à la roquette depuis la Bande de Gaza qui fera une quantité de victimes, et que l'opinion publique israélienne ne pourra pas digérer.

4. La Syrie

Ted Kattouf, l'ancien ambassadeur des Etats-Unis auprès de la Syrie, est complètement d'accord avec Ramon : il est fort peu probable que des négociations de paix entre Israël et la Syrie aboutissent à ce que celle-ci rompe ses relations avec l'Iran.

Ramon est contre de nouvelles négociations. Il a dit que la Syrie y gagnera plus qu'Israël, mais il a aussi dit qu'Israël n'a pas beaucoup à y perdre. La vérité, selon Kattouf, c'est que les Etats-Unis n'ont pas eu beaucoup de réponses à apporter au défi que pose la Syrie.

5. Le Liban

Ramon n'a aucun doute : l'accord de Doha est une victoire pour le Hezbollah, la Syrie et l'Iran. Ici aussi, son estimation a été partagée par les autres participants. Comme je l'ai déjà écrit, cet accord "a atteint son objectif à court-terme - après des semaines d'affrontement au cours desquelles plus de cent Libanais ont trouvé la mort, une guerre civile totale a été évitée. Et qu'en est-il du long terme ? Peut-être que le long terme n'existe au Proche-Orient - en particulier lorsque l'on discute du futur du Liban".

Le Liban est le trésor après lequel court la Syrie, pas le Plateau du Golan.

6. La Palestine

Comment peut-on défendre à la fois une invasion israélienne de Gaza et espérer faire en même temps des progrès dans le processus de paix ? Ce fut la question que l'ambassadeur Dennis Ross a posée à Ramon. J'ai pensé que la réponse n'était pas très convaincante.

Oui, cela causera des problèmes, mais Abbas le veut aussi. Pour Ramon, le problème est le suivant : si les élections israéliennes sont si proches et qu'il veuille faire quelque chose tant qu'Olmert est aux commandes, les quelques mois qui restent sont difficilement un délai réaliste.

7. Le Lobby [d'Israël]

La semaine prochaine, s'ouvrira la conférence annuelle de l'AIPAC [NdT : en même temps et à proximité de la prochaine conférence du Bilderberg]. Aujourd'hui [samedi 31 mai] je participerai à une émission de télé sur "Le Lobby". Cette semaine, mon invité pour une discussion est Jeremy Ben-Ami de J Street. Donc, voyez-vous, cette semaine est ma semaine de lobby.

Certaines personnes m'ont approché pour que je commente sur le débat avec Ben-Ami. L'une d'elles m'a dit que quelque chose l'avait étonné : "Ces personnes font beaucoup de bruit mais il n'y a pas grand chose à en tirer" - ni beaucoup de ressources ou beaucoup d'influence.

Il a proposé de faire le test suivant : Tapez "Howard Kohr" sur Google (Kohr est le Directeur Général de l'AIPAC) et vous découvrirez, tout aussi puissant qu'il puisse être, qu'il est rarement mentionné dans la presse. Tapez "Ben-Ami" sur Google et vous verrez "qu'il est partout".

Qu'est-ce que cela veut dire ?

"Que la presse ne comprend pas comment marche la politique".

Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]