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     Testez votre honnêteté :
L'affaire des caricatures danoises vous amuse-t-elle?
    Par Shmuel Rosner, correspondant en chef de Haaretz aux Etats-Unis
Rosner's blog
, lundi 6 février 2006

Quelques réflexions sur la débâcle des caricatures du journal danois :

1.

Vous ne trouverez pas cela dans les déclarations officielles des dirigeants juifs ou israéliens ou dans celles des supporters d'Israël ou même des sympathisants juifs. Mais quoi qu'il en soit, beaucoup de gens observent les médias, les diplomates et les sondages d'opinion européens avec un certain amusement.

Ces anges incolores et inodores, naïfs, amoureux de la paix et généreux. N'est-il pas agréable de voir leur étonnement alors que les hors-la-loi fondamentalistes brûlent leurs ambassades et les font fuir des endroits qu'ils sont venus sauver ? Et bien, admettons l'évidence : tant que personne ne se fait tuer, beaucoup s'en amusent.

2.

Toute cette parlotte sur la liberté de la presse est un non-sens. Les journaux n'impriment pas n'importe quoi ? C'est exactement la raison pour laquelle nous avons des rédacteurs en chef.

Simplistes par nature, les caricatures tendent à généraliser, provoquer et offenser sans explication. Les caricatures nécessitent-elles une rédaction ? Pas une rédaction journalistique, mais une rédaction de bon-sens.

Il est parfaitement acceptable de penser qu'une caricature raciste doit être censurée.

3.

Le problème avec les protestataires musulmans n'est pas qu'ils ne comprennent pas la liberté de la presse. Le problème est qu'ils ne partagent pas la compréhension qu'a le reste du monde que la violence est un dernier recours. Elle est réservée pour les situations suffisamment graves qui mettent la vie des autres en danger.

Imprimer une vilaine caricature dans 200 quotidiens ne leur donnera pas une leçon. Et ce n'est pas cette leçon qu'ils doivent apprendre. Réfléchissez-y: ne sont-ce pas les émeutiers violents qui ont besoin d'une leçon ? Ce sont les médias qui en ont besoin. En un mot, ils ont besoin d'apprendre à cesser de se faire des illusions sur les motivations de la haine et de la terreur.

4.

La triste vérité sur cette affaire et sur la nature quelque peu méchante des caricatures en général : Les dessins les plus scandaleux nous disent souvent la vérité.

Non pas la vérité sur le sujet de la caricature, mais la vérité sur ceux qui les ont dessinées et qui s'en sont amusés. Les Juifs sont-ils vraiment laids, assoiffés de sang, avides et sournois ? Oui, ils le sont… dans la tête de nombreux Arabes. Est-ce que l'Islam, la religion de Mahomet, fait la promotion de la violence, de la terreur, de la peur et de l'ignorance ? Oui… dans la tête de nombreux occidentaux.

5.

Mais ces gribouillages étaient-ils trop vicieux et trop racistes pour être imprimés ? Personne ne devrait vraiment s'en préoccuper. Parler de leur nature profite à ceux qui voudraient bien faire passer ce foutoir pour une opposition entre la liberté, d'un côté, et la restriction et le racisme, de l'autre.

Cela s'appelle du détournement. L'affaire des caricatures est un exemple parfait d'un moyen d'utiliser une publication insignifiante pour marquer quelques points politiques quand on est un dirigeant manipulateur .

Le reste est de la littérature.

6.

Il y a un vieux proverbe - je crois que c'est un proverbe juif, mais si quelqu'un sait d'où il vient, j'aimerais qu'il me le dise - qui s'adapte parfaitement à cette situation: Il n'y a pas de meilleure joie que la joie aux dépends d'autrui ; et pas de meilleure haine que la haine sans fondement.

Traduit de l'anglais par Jean-François Goulon