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Analyse /

L'alternative au Hezbollah pourrait être l'occupation

Par Zvi Bar'el, Correspondant de Ha'aretz

Haaretz, le vendredi 28 juillet 2006

"Donc, vous ne voulez pas la paix ? Vous voulez une guerre sans fin ?" demanda une jeune participante libanaise lors d'un débat télévisé passionnant, jeudi soir sur la chaîne libanaise LBC. Elle s'adressait à un groupe de jeunes hommes, dont quelques-uns avaient la tête rasée, portaient une courte barbe, étaient habillés à la dernière mode et prononçaient des slogans nationalistes. Elle semblait n'avoir aucune chance [face à eux]. Seuls deux de ces jeunes hommes s'identifièrent comme supporteurs du Hezbollah ; les autres, des Musulmans et des Chrétiens, proclamaient le "besoin d'unité".

Jeudi, un sondage a confirmé ce qui fut visible pendant ce débat télévisé : Quelques 96% des Chiites ont exprimé leur soutien à l'enlèvement des soldats israéliens, 73% des Sunnites, 54% des Chrétiens et 40% des Druzes. La plupart des participants à ce sondage pensent qu'Israël ne pourra pas vaincre le Hezbollah.

Cette opinion publique n'est pas un secret pour le gouvernement libanais. D'ailleurs, pendant la Conférence de Rome de mercredi, il a réalisé que, s'il veut obtenir un cessez-le-feu, il devait revoir sa copie et faire une meilleure proposition. Les réunions auxquelles ont participé Nabi Berri (président du parlement), le Hezbollah et les membres des plus gros blocs de la majorité gouvernementale étaient donc destinées à mettre au point un accord politique.

Les caractéristiques de cet accord commencent à prendre forme : cessez-le-feu immédiat, retrait israélien des Fermes de Chabaa, carte des champs de mines laissées par les Israéliens en mai 2000 au sud-Liban après leur retrait , échange de prisonniers et application des Accords de Taif de 1989, qui réitèrent l'accord de cessez-le-feu de 1949, signé entre Israël et le Liban. Cette proposition comprendra aussi l'imposition de la souveraineté libanaise sur tout le pays, y compris sur la zone frontalière avec Israël. Mais, les différentes factions libanaises ne se sont pas encore mises d'accord sur tout. Reste à discuter de l'ordre dans lequel tout ceci se produira et comment sera garantie la zone démilitarisée au sud-Liban. De plus, il n'y a pas de vue unifiée sur le déploiement d'une force multinationale dans cette zone.

Naïm Qassem, l'adjoint d'Hassan Nasrallah, le secrétaire-général du Hezbollah, a déclaré, dans un article publié jeudi dans Al-Nahar, que si le Liban ne devient pas la tête de pont américaine au Proche-Orient, le groupe considérera cela comme une victoire. Ceci ne reflète pas seulement une aspiration idéologique, mais aussi une réelle opposition au déploiement, au sud-Liban, d'une force de l'OTAN contrôlée par les Etats-Unis. Quant au désarmement - s'il devait y en avoir un -, le Hezbollah voudrait réserver cette question aux discussions internes, entre le groupe et le gouvernement, sans ordre ni interférence de l'extérieur.

À présent, la question est de savoir s'il est possible d'obtenir d'Israël et des Etats-Unis une déclaration d'intention. En résumé, Israël acceptera-t-il à l'avance de se retirer des Fermes de Chabaa, si la Syrie transmet un document officiel, confirmant que cette zone est bien libanaise, et si l'armée libanaise s'y déploie à la place des Forces de Défense Israéliennes ? Israël acceptera-t-il de négocier un échange de prisonniers avec le gouvernement libanais et pas avec le Hezbollah ? Ces deux questions ont un rapport direct avec la façon dont seront considérées les conséquences de cette guerre, parce que toutes déclarations d'intention sur ces deux points [retrait des Fermes de Chabaa et échange de prisonniers] seront considérées comme des réussites par le Hezbollah.

D'un autre côté, si Israël décide qu'il peut engranger des victoires sans coopérer avec le gouvernement libanais, c'est à dire, sans que le Hezbollah puisse en tirer profit, [les Israéliens] pourraient se retrouver face à une unité libanaise, du type de celle dont ils ont fait l'expérience pendant leurs années d'occupation. Si c'était le cas, Israël pourrait se retrouver pris dans une situation semblable à celle qu'il a dû affronter dans les territoires, depuis qu'il a choisit de laisser tomber son partenaire : Une occupation directe de long terme.

Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]