accueil > archives > éditos


Elections israéliennes J-60

Et voici le Hamas - le nouveau Likoud

Par Bradley Burston
Haaretz, vezndredi 27 janvier 2006


Et voici l'impensable

Mesdames et Messieurs, permettez-nous de vous présenter … le Hamas - le nouveau Likoud.

Peuple d'Israël, nous sommes de nouveau en 1977. Une fois encore, il s'avère que tout ce que nous savions était faux.

Cela ne vous rappelle-t-il pas quelque chose ? Le parti au pouvoir, le seul parti qui ait jamais détenu le pouvoir, le parti qui a fait un peuple, ce parti a montré qu'il était corrompu jusqu'à la moelle. Depuis longtemps, il s'est montré peu réceptif aux besoins sociaux criants. Il a prouvé qu'il était incapable de faire la paix. Il est inefficace à apporter la sécurité à son peuple.

Le copinage, les inégalités économiques, les pots-de-vin, les conventions, la structure encombrante d'institutions verrouillées et profondément antidémocratiques n'en finissent pas.

Et puis un jour les électeurs, qui ont avalé et enduré tout cela pendant des décennies, se révoltent. Du jour au lendemain un système fondé quasi-totalement sur un parti unique est renversé brusquement par l'écrasante victoire d'un mouvement, en période de vaches maigres, sans tache, un rival dynamique, qui a été écarté pendant longtemps à cause de son passé violent et de son intransigeance inflexible et maximaliste à prétendre qu'ils devraient posséder la totalité de la Terre Sainte.

Si l'ironie permet souvent d'éclairer les étapes de l'histoire, nous pourrions tirer des leçons de la proximité dans le temps de l'implosion du Likoud et de la montée du Hamas - et le Hamas pourrait en faire autant.

En 1977, le Likoud de Menahem Begin et de Yitzhak Shamir était montré du doigt à l'étranger - comme par la Gauche dans son propre pays - pour être un groupe dirigé par des chefs de guerre terroristes, un mouvement étant implanté dans des ailes armées engagées dans les attentats à la bombe et les fusillades de sang-froid.

Ce mouvement était considéré - à tort - comme inexpérimenté dans tout sauf dans l'opposition. Il était considéré - naïvement par la Gauche - comme à peine plus qu'une excroissance de l'Irgoun et du Lehi, héritiers de Deir Yassin, implacables dans leur opposition à partager ou à céder la terre.

Le Likoud de Menahem Begin a vaincu le Parti Travailliste le 17 mai 1977. Exactement six mois et deux jours plus tard, le premier dirigeant d'une nation arabe foula publiquement le sol israélien - un homme qui avait ordonné à ses armées d'attaquer Israël le jour du Yom Kippour - a serré la main de Begin et l'a accompagné jusqu'à Jérusalem, où il s'adressera le lendemain à la Knesset.

Ce fut le Likoud qui brada jusqu'au dernier centimètre carré du désert du Sinaï - 89% de toute la superficie saisie lors de la guerre de 1967 - en échange d'un traité de paix avec l'Egypte.

Ce fut le Likoud, dans ce qui fut effectivement le dernier acte sans doute suicidaire pour un parti politique, qui reformula la nature du discours politique en Israël en quittant unilatéralement la Bande de Gaza.

Même si Anouar El-Sadate est devenu un "shahid" pour la paix, son voyage à Jérusalem suggère un concept plus vaste : Si Israël et son ennemi arabe peuvent tous deux revendiquer la victoire dans la même guerre, ils peuvent être exercer tous deux une influence afin de transformer cette revendication à quelque forme de paix.

Il y a eu des analystes à l'étranger pour dire que la victoire du Hamas, cette semaine, signe "la fin de l'unilatéralisme". Ce pourrait n'être, cependant, que son début.

Que ce le soit ou non, qu'Israël se retire vraiment d'une plus grande partie de la Cisjordanie, cela dépendra en grande partie de ce que le Hamas décidera de faire avec ses fusils. S'ils sont destinés à attaquer les Israéliens, aucun gouvernement à Jérusalem ne pourra envisager un nouveau retrait. Mais si les fusils servent à maintenir l'ordre, à faire appliquer le cessez-le-feu, un retrait pourrait très bien avoir lieu et le Hamas pourra revendiquer une nouvelle victoire.

De plus, si le calme est maintenu, Israël aussi pourra revendiquer une nouvelle victoire.

Ce ne sera simple pour aucune des parties. Le souvenir des milliers de victimes est encore tout frais.

Pour le Hamas, le bon idéologique sera énorme. Même si certains au Hamas ont fait pas mal de bruit pour dire qu'ils trouveraient un moyen de vivre avec les frontières de 1967, cette concession serait pour eux aussi douloureuse que celle de Begin sur son credo de Grand Israël. Il faut rappeler qu'au départ Begin appelait à un Etat juif sur tout ce qui est aujourd'hui Israël, de même que l'ensemble des Territoires et le royaume actuel de Jordanie.

Quelle est la probabilité d'un tel scénario, où le Hamas se chargerait de faire régner le calme dans l'espoir d'un retrait israélien ?

Quelle est juste la chance qu'un tel scénario devienne réalité ?

En 20 jours, Israël et la Palestine ont tous deux été témoins de la disparition de leur génération fondatrice, cette génération qui semblait capable de nous enterrer tous.

Dieu se trouve dans l'inattendu. Livrés à nous-mêmes, à nos espérances archaïques, à notre mauvaise volonté à croire en un avenir meilleur, gâcherons-nous Son travail à chaque fois ?

Traduit de l'anglais par Jean-François Goulon