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   La vallée du Jourdain est un actif de sécurité obsolète
    Haaretz Editorial
Haaretz
, mardi 14 février 2006

Dans un processus progressif déterminé essentiellement par des considérations de sécurité, le gouvernement israélien a, ces dernières années, presque totalement coupé la Cisjordanie de la vallée du Jourdain et transformé la région de la vallée du Jourdain en une région juive. Cette séparation, qui a enrayé les activités terroristes contre les communautés de la vallée et celles de tireurs embusqués visant les passagers israéliens sur la route Beit She'an — des incidents qui ont vidé de leurs résidents les communautés de la vallée du Jourdain — a eu pour conséquence de couper de leur terre et de leur gagne-pain des milliers de Palestiniens des villages de Cisjordanie Ceux qui sont autorisés à y entrer ont beaucoup de mal à vendre leurs marchandises parce que la plupart des carrefours commerciaux des fruits et légumes ont été bloqués. Jéricho, la principale ville palestinienne de la région, est devenue une ville bloquée par une tranchée, pour que les véhicules palestiniens n'accèdent pas à la route de la vallée — la sortie nord vers la ville dépend de la permission des Forces de Défense Israéliennes.

Quatre barrages permanents placés entre la crête de la montagne et la vallée du Jourdain empêchent de passer les résidents palestiniens qui ne résident pas dans la vallée. Ceux qui ont réussi à changer l'adresse sur leurs cartes d'identité ont le droit d'entrer, mais sont par conséquent contraints de se couper eux-mêmes de leurs familles en Cisjordanie. Plusieurs fois par semaine, il y a des raids nocturnes dont le but est de découvrir et d'expulser ceux qui sont considérés être illégalement dans la zone, mais qui sont en fait sur leurs propres terres. La route de la vallée du Jourdain est devenue une route à usage exclusif des Juifs.

Bien que les explications de cette politique jusqu'au-boutiste aient à voir avec la sécurité, il est difficile d'éviter de relier la réalité de ce développement à la déclaration du Premier ministre par intérim Ehud Olmert selon laquelle Israël "ne peut pas renoncer au contrôle de la frontière orientale israélienne". Si les résidents de la vallée du Jourdain ressentent qu'en faisant cette déclaration Olmert a exprimé un engagement au maintien d'Israël dans la vallée du Jourdain, d'autres interprètent ses commentaires justement comme une dérobade à un tel engagement. Le contrôle n'est pas la souveraineté et celle-ci ne peut pas être déterminée par une présence militaire minimale après les retraits et les évacuations. Selon l'Initiative de Genève, bien qu'elle soit transférée à la souveraineté palestinienne, la route de la vallée du Jourdain resterait sous contrôle de sécurité israélien.

Il n'y a aucune raison d'adopter le plan Alan de 1967, qui n'a jamais été accepté ni par le gouvernement israélien, ni par la Jordanie, ni par les Palestiniens ou les Américains. Même la tentative de construire une barrière de sécurité orientale à été ôtée du programme à cause de la pression américaine. Le plan Alon a été élaboré dans la vallée du Jourdain durant la période qui a suivi alors que la menace irakienne était d'actualité. Il serait aujourd'hui insensé de s'accrocher à ce plan anachronique. Il est difficile de comprendre pourquoi la vallée du Jourdain est considérée comme un actif de sécurité. Il est difficile de s'attendre à ce que les missiles iraniens soient stoppés par le Jourdain.

Les colons de la vallée du Jourdain font partie d'une vision du monde obsolète. Celle-ci voyait l'obstruction du passage de l'Est vers Israël comme un besoin existentiel de sécurité et les colons comme ceux qui défendraient cette frontière. C'est une approche similaire de celle qui conduisit à la création des communautés de Gush Katif. Entre l'expansion vers l'Est de Ma'aleh Adumim[1], l'expansion vers l'Ouest des communautés de la vallée du Jourdain et l'expansion des blocs d'implantations vers la Ligne Verte, les Palestiniens n'ont plus aucun territoire sur lequel établir un Etat. L'emprisonnement des Palestiniens dans une zone étroite et la diminution constante de leurs sources d'emplois ne servent pas les besoins d'Israël en matière de sécurité, même si, pendant un moment, quelqu'un a pensé qu'il réussirait à mettre la main sur un autre dunam et à obtenir plus de puissance.

Traduit de l'anglais par Jean-François Goulon


Note :

[1]


Carte de la région de Jérusalem montrant toutes les colonies qui l'entourent dont Ma'ale Adumim