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   L'HORRIBLE JOHN BOLTON
    Par Jean-François Goulon
questionscritiques, le 14 avril 2005

John Bolton vient d'être nommé par George Bush au poste d'ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU. Mais auparavant, il doit se soumettre à une audition devant une commission de sénateurs républicains et démocrates. C'est la procédure démocratique habituelle aux Etats-Unis. Après une campagne acharnée contre sa nomination orchestrée par le CGS (Citizens for a Global System), son audition a commencé lundi. D'autre part, le New York Times du 7 avril [2005] a fait remarquer que cette nomination ressemble à une course d'obstacles.

Il faut savoir que John Bolton a un passé chargé et que dans les services de la haute administration américaine les langues se délient. Un ancien haut fonctionnaire du Département d'Etat (les Affaires Etrangères), Carl W. Ford Jr, l'accuse d'avoir intimidé des fonctionnaires des services secrets : Bolton aurait essayé de les remplacer à cause de leur désaccord à propos des "programmes d'armement" de l'Irak, de Cuba et d'autres pays. D'autres anciens hauts fonctionnaires ont accusé John Bolton d'avoir contourné de façon irrégulière les canaux du Département d'Etat, pour obtenir l'accès à des rapports sensibles provenant des services d'Intelligence. Selon un autre haut fonctionnaire, cette fois de la CIA, Bolton aurait cherché à le virer, lui aussi, de son poste, parce qu'il s'est plaint que les affirmations faites par Bolton en 2002, au sujet d'un programme d'arme biologique à Cuba, ne reflétaient pas les vues de l'Agence.

L'usage que Bolton a fait de ces informations sensibles est depuis longtemps une source de querelles au sein de l'administration, en particulier au Département d'Etat. En effet, un certain nombre de fonctionnaires de la CIA se plaignent qu'il utilise de manière sélective les renseignements de l'agence pour faire avancer ses vues concernant Cuba, l'Irak, la Syrie et d'autres pays.

Alors, qui est vraiment ce John Bolton?

Beaucoup en disent le plus grand mal, mais n'y aurait-il pas un peu d'exagération dans tout cela ?

Aujourd'hui, nous allons tenter de découvrir qui est vraiment ce type.

John Bolton est devenu le symbole des tendances les plus extrêmes de l’unilatéralisme de l’administration Bush, et nous savons que de nombreux Républicains modérés, de même que des Démocrates, ont émis de profondes réserves sur sa nomination.

A la différence d'un Wolfowitz, dont le sérieux, la curiosité intellectuelle, la capacité diplomatique, et la longue carrière internationale lui ont fait gagner un soutien substantiel parmi les Démocrates (et il a su persuader les Européens de ne pas bloquer sa sélection, notamment Jack Straw, le ministre des affaires étrangères britanniques, et Gerhard Schröder) Bolton est très largement considéré comme une vraie tête à claque par tous ceux qui croient que les Nations-Unies ont un rôle important à jouer sur la scène mondiale.

Bolton qui accéda en 2001 au poste de sous-secrétaire d’état en charge du contrôle de l’armement et de la sécurité internationale est mieux connu comme le plus belliqueux et celui le plus dénué d’humour de toute l’administration Bush. C'est vrai qu'il n'a pas fait l'école du rire! Enfin, il a une réputation d’ardent partisan de l’unilatéralisme.

Républicain très à droite depuis son engagement volontaire dans la campagne présidentielle ratée de Barry Goldwater en 1964, alors qu’il n’était encore qu’élève de l’enseignement secondaire, Bolton a tenu des postes de haut rang à l’Agence pour le Développement International et au Ministère de la Justice sous Ronald Reagan. Puis il est devenu assistant du secrétaire d’état en charge des organisations internationales sous l’ancien Président George H.W. Bush.

Sous l’administration Clinton, Bolton travailla à des postes élevés dans des groupes de réflexion de droite, notamment le très néoconservateur American Enterprise Institute et le PNAC qui a pondu en 1997 le fameux PNAC du même nom (Project for a New American Century, le projet pour un nouveau siècle américain, annonciateur du projet impérial de l'administration actuelle)

Son rôle au PNAC était de lancer des attaques répétées contre toutes les sortes de traités relatifs au contrôle de l’armement. Il y a défendu l’indépendance de Taïwan, mis en garde contre les menaces terribles posées à la souveraineté des Etats-Unis par les Nations-Unies et les organisations non-gouvernementales (ONG) qui font la promotion des traités et des conventions qui pourraient entraver la liberté de Washington de mener des actions sur d’autres continents ou qui pourraient influencer les lois américaines.

En février 1994, eut lieu un débat pour discuter des questions clé sur le rôle de l'ONU après la fin de la guerre froide. Le sujet: les droits de l'homme, un gouvernement global et le renforcement des Nations-Unies. Y participaient deux hauts fonctionnaires de l'ONU, un ancien candidat à la présidence des Etats-Unis, un représentant d'une organisation pour les droits de l'homme, deux hauts fonctionnaires de la défense américaine, et John Bolton, en tant qu'ancien assistant du Secrétaire d'Etat pour les organisations internationales.

John Bolton eut l'occasion d'étaler son point de vue sur l'ONU et l'organisation du monde et son style "élégant" fut particulièrement remarqué.

Extraits :

John Bolton : La remarque que je veux vous laisser de cette très brève présentation se trouve là où j'ai commencé. C'est qu’il n’y a pas de nations unies. Il y a une communauté internationale qui peut, de temps en temps, être conduite par les Etats-Unis, lorsque cela sert nos intérêts et quand nous pouvons obtenir que les autres se joignent à nous.

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John Bolton : L’immeuble de l’ONU à New York comporte 38 étages. Si vous perdiez dix étages aujourd’hui, cela ne ferait aucune différence.

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John Bolton : Cette sorte de création débile que sont les Nations-Unies est quelque chose de différent que ce qui est dans l’intérêt des Etats-Unis de faire. On ne nous le fera pas avaler, ni ici, ni ailleurs.

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Erskine Childers : Je ne crois pas une seule minute que tous les bons Américains qui ont travaillé à obtenir ce siège sur le sol américain accepteraient le moindre argument que nous venons d’entendre ici. En fait, je pense que certains se retourneraient dans leur tombe, comme nous disons en Irlande, après ce que nous venons d’entendre.

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John Bolton : Les Etats-Unis s’arrangent pour que l’ONU marche quand ils veulent qu’elle marche. Et c’est exactement comme ça que cela doit être, car la seule question, LA SEULE QUESTION, aux Etats-Unis est de savoir ce qui est dans notre intérêt. Et si vous n’aimez pas cela, je suis désolé, c’est comme ça !

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Et maintenant, voici la vidéo en Anglais :

   John Bolton : dans ces propres mots  Windows Media
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Il ne faut pas trop espérer que les sénateurs rejettent sa nomination. Après tout il fait partie de la bande de la cabale de Richard Perle.



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