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   Massacres du Bas-Congo :

Le Leader de Bundu Dia Kongo
reçu par William Swing
    Jean-François Goulon
le 14 février 2007


Suite aux massacres et aux persécutions en cours au Bas-Congo, une délégation d'élus et de notables Kongo s'est rendue aujourd'hui au siège de la MONUC, dans le territoire de la Gombe à Kinshasa. Monsieur William Swing, le représentant spécial du Secrétaire Général des Nations-Unies en RDC les a reçus ce mercredi à 16h00 pour écouter leurs doléances et faire le point avec eux sur la situation dans cette province.

Cette délégation était composée de l'Honorable Ne Muanda Nsemi, Député National, élu de Luozi, et dirigeant du mouvement politico-religieux Bundu Dia Kongo (BDK), de l'Honorable Jean-Claude Vuemba Luzamba (Député National élu de Kasangulu, MPCR), de l'Honorable Ruffin Mpaka (Député National, élu de Kinvula, les Verts), de Mbuta Nkanzi, assistant du chef spirituel du BDK et du Dr Samuel Kimpiatu (Coordinateur de l'Union pour la Nation et Alliés pour le Bas-Congo).

On se rappelle que les élections au gouvernorat avaient livré, contre toute attente, la province du Kongo Central (Bas-Congo) au ticket soutenu par AMP et Alliés, le parti du Président de la République. La contestation qui avait suivi (recours auprès de la Cour d'Appel de Matadi et manifestions pacifiques) fut réprimée dans le sang.

Tout le monde cherche à comprendre ce qui s'est réellement passé et quels sont ceux qui doivent en porter la responsabilité. Le site Questions Critiques a obtenu des copies de documents confidentiels, tendant à prouver l'existence d'une véritable manipulation de la part du pouvoir à Kinshasa, afin que les résultats électoraux concordent avec la volonté du pouvoir, par l'achat des consciences et la corruption des grands électeurs, de museler l'opposition. Les valises de billets verts ont fait couler beaucoup de salive et beaucoup d'encre depuis plus d'un mois ; voici enfin révélée la magouille électorale au Bas-Congo.

D'où proviennent les fonds ? Qui en est l'orchestrateur ? Qui est le donneur d'ordre ?

Aujourd'hui, Questions Critiques est en mesure d'y répondre.

Le 14 décembre, le Général-Major Denis Kalume, ministre de l'intérieur et de la sécurité, a donné ordre à la Banque Centrale et Commerciale de Matadi de débloquer les fonds nécessaires à la "préparation du terrain". On se souvient que Jacques Mbadu avait déclaré à la presse il y a deux mois, à l'occasion de son 60ème jour à la tête de la province : "Je suis venu au Bas Congo pour servir le président de la République Joseph Kabila qui m’a nommé et refaire son image ternie... Je ne ferai la remise et reprise qu’avec le candidat appartenant au camp présidentiel, l’ AMP". A la question d’un journaliste : "Tout le monde sait que l’UN est majoritaire au sein de l’assemblé provinciale, allez-vous corrompre l’UN pour faire gagner votre candidat ?" Le gouverneur par intérim à répondu : "Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour qu’ils gagnent".

Le quotidien Le Phare relevait dans son édition du 13/02/2007 "Déjà à ce niveau, à Matadi, tous ceux qui ont entendu ces déclarations avaient compris qu’il y aura corruption".


document : n°25/CAB.MININTERDESEC/455/2006 du 14/12/06

L'actuel gouverneur, Jacques Mbadu Nsitu, nommé le 19 octobre 2006 à la tête de la province pour la livrer, comme nous venons de le voir, au Parti du président, est non seulement celui qui a réquisitionné les forces armées, mais aussi celui qui a "actionné" ces éléments de réserve. On connaît la suite, c'est sans discernement et manu militari que ces soldats sont intervenus...


document : ordre de réquisition n° 084/2007 du 31/01/07

Lors de la rencontre entre les élus et les notables Kongo, ces derniers ont remis à M. Willam Swing un mémorandum, destiné au Secrétaire Général des Nations-Unies, M. Ban Ki Moon. Ce mémorandum appelle l'ONU à condamner l'intervention militaire contre la population Bakongo et à saisir la Cour Pénale Internationale pour traduire en justice les responsables de ce massacre. Ils demandent aussi l'arrêt immédiat des persécutions politiques contre le peuple Kongo et la libération de tous les détenus politiques, y compris la libération de Me Marie-Thérèse Nlandu.

Nous publions in extenso le Mémorandum des Elus Kongo :

Téléchargez le Mémorandum au format PDF


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Mémorandum

A : Ban Ki Moon, Secrétaire Général des Nations-Unies

Cc : William Swing (Représentant du Secrétaire Général à Kinshasa), Luis Moreno-Ocampo (Procureur de la Cour Pénale Internationale)

Signataires : Ne Muanda Nsemi (Député National), Jean-Claude Vuemba Luzamba (Député National), Ruffin Mpaka (Député National), Mbuta Nkanzi (BDK), Dr Samuel Kimpiatu (Coordinateur de l'UN et Alliés pour le Bas-Congo)

Objet : Le récent massacre au Kongo Central (Bas Congo)

Rappel des faits

Les élections des gouverneurs du 27 janvier 2007 ont offert, contre toute attente, la province du Kongo Central à l'AMP, parti du président de la république. Pourtant, l'équilibre des forces était largement en faveur de l'Union pour la Nation et Alliés (plate-forme de l'opposition républicaine).

En contestation de ces résultats, l'UN a fait appel auprès de la cour de Matadi, devant se réunir le 1er février. De son côté, le BDK avait appelé à une journée ville-morte à Matadi (Kongo Central) afin de soutenir cette requête légitime.

La veille, le 31 janvier 2007, le pouvoir à Kinshasa est allé provoquer le dirigeant du BDK, l'honorable Ne Muanda Nsemi, en ordonnant, via la cour militaire du Bas-Congo et le parquet général de Matadi, de perquisitionner sa résidence sur accusation de détention d'armes de guerre. On se souvient comment Maître Marie-Thérèse Nlandu, actuellement détenue dans des conditions épouvantables, a été arrêtée arbitrairement selon le même type de coup monté.

Cette intervention des forces de l'ordre, en dehors des heures légales, s'est heurtée à un refus d'obtempérer et l'usage des armes a été la riposte de l'armée, déguisée pour la circonstance en policiers.

La réponse de la population, attendue et provoquée par les autorités locales, s'est manifestée pacifiquement, le lendemain, dans les rues des principales villes de la province. Les forces de l'ordre, renforcées par 300 soldats des FARDC, réquisitionnés par le gouverneur Jacques Mbadu Nsitu (ordre de réquisition n° 084/2007 du 31/01/07), se sont déchaînées sur la population : tirs à balles réelles sur des gens désarmés. La MONUC a déjà dénombré 134 morts, mais il semble qu'il y en ait eu plus de 200.

Depuis, de nombreux jeunes gens et jeunes filles, adeptes du BDK, ont disparu (enlevés ?) - plus de 750 manqueraient à l'appel.

Les éléments en notre possession (n°25/CAB.MININTERDESEC/455/2006 du 14/12/06) tendent à prouver que dès le 14 décembre 2006, le pouvoir à Kinshasa, par l'intermédiaire du Général-Major Denis Kalume Numbi, ministre de l'intérieur et de la sécurité, a donné ordre au gouverneur intérimaire, Jacques Mbadu Nsitu, de préparer le terrain des grands électeurs pour que le ticket soutenu par l'AMP et Alliés soit "élu" au gouvernorat. Le document cité plus haut mentionne que pour raison d'Etat et à titre exceptionnel la Banque Centrale et Commerciale de Matadi doit débloquer les fonds nécessaires à la "préparation du terrain" (comprendre achat des consciences et corruption des grands électeurs - députés provinciaux et chefs coutumiers et de groupement cooptés).

Requête auprès de l'ONU

Nous, représentants du Kongo Central (Bas Congo), élus et notables Kongo soussignés, demandons à l'ONU :

1) De condamner l'intervention militaire (FARDC), assistée par la police nationale, les services spéciaux de la sécurité territoriale et des forces étrangères, ayant fait plusieurs centaines de morts au Kongo Central. L'Etat congolais doit être condamné, non seulement pour usage abusif de la force contre des citoyens désarmés, mais aussi pour l'utilisation des forces militaires alors qu'aucun Etat d'urgence n'était proclamé.

2) De sommer le pouvoir à Kinshasa de mettre fin aux persécutions politiques et aux enlèvements des adeptes du BDK.

3) De diligenter une enquête internationale, en coordination avec l'Assemblée Nationale congolaise, pour élucider les causes et les mécanismes du massacre en cours, en vue d'établir les responsabilités, de poursuivre les responsables et d'accorder des réparations aux victimes et à leurs familles.

4) D'exiger dans les plus brefs délais, suite au jugement de la Cour d'Appel de Matadi, l'organisation d'un second tour au Kongo Central pour l'élection du Gouverneur et du Vice-gouverneur dans les conditions de transparence requises.

5) D'exiger la libération immédiate de tous les adeptes du BDK, détenus arbitrairement, ainsi que de Maître Marie-Thérèse Nlandu et ses collaborateurs, détenus par le pouvoir militaire.

6) De saisir la Cour Pénale Internationale au chef de tentative d'extermination contre une communauté, au sens de l'article 6 du statut de Rome (acte fondateur de la Cour Pénale Internationale) qui définit le génocide.

Recommandations

Les persécutions politiques contre le peuple Kongo doivent cesser immédiatement.

Les Kongo, qui peuplent le territoire allant des confins de la rivière Kwango jusqu'à l'Océan Atlantique, occupent la province stratégique de la RDC qui est l'ouverture sur la mer de ce vaste pays. A ce titre, le contrôle de ce territoire est convoité par le pouvoir central, ce qui explique les persécutions et les massacres dont les Kongo font l'objet depuis plusieurs années.

- 2002 : massacres à Luozi et à Muanda ;
- 2004 : massacres à Lemba ;
- 2005 : massacres à Nkanzi, Lemba et Nseke Mbanza ;
- 2006 : massacres de Matadi ;
- 2007 : massacres de Songololo, Matadi, Boma et Muanda

L'histoire de notre peuple, ce sont plusieurs siècles de civilisation, faite de rites, de coutumes, de croyances et de traditions. Depuis les temps anciens, nous nous sommes toujours levés contre l'injustice, la domination et l'asservissement.

Tout au long de notre histoire, nos revendications ont toujours porté sur des considérations fondamentales, à savoir : notre survie en tant que peuple, nation, culture et civilisation.

Souvenez-vous que les Kongo, peuple pacifique et hospitalier, sont à l'origine de l'indépendance du Congo. Hier, ce fut l'ABAKO qui permit l'instauration de notre première république, avec le Président Kasa Vubu. Aujourd'hui, c'est le Bundu Dia Kongo qui se trouve à la pointe du renouveau, contre la corruption et pour une démocratie au service du progrès social. Son leader n'est autre que Ne Muanda Nsemi, et s'est à ce titre qu'il est persécuté, comme le fut autrefois, sous le colonisateur, Papa Simon Kibangu.

Nous aimerions faire savoir au monde, qu'au-delà du fait religieux, le BDK, mouvement politico-religieux, c'est le peuple Kongo organisé culturellement comme le fut l'ABAKO au milieu du siècle dernier. Lorsque l'on s'en prend aux adeptes du BDK, cela revient à s'en prendre à tout le peuple Kongo. A ce titre, le massacre des adeptes du BDK doit s'apparenter à une tentative de génocide.

Fait à Kinshasa, le 14 février 2007

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