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    Le Krach de 2008 était-il programmé ?
    Jean-François Goulon
le 6 décembre 2014

L'ogre américain, la désunion européenne et le chaos mondial.

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Tout commence en 1929, avec la Grande Dépression et son cortège d'immenses souffrances. L'absence de régulation bancaire aux États-Unis et la cupidité sans bornes des acteurs de Wall Street plongèrent le monde dans un chaos tel qu'il fallut une guerre mondiale - plus de 50 millions de morts et un champ de ruines sur l'Europe et le Japon - pour remettre un peu d'ordre dans les esprits.

Se saisissant de l'occasion qui leur fut offerte au sortir de la guerre, les États-Unis s'arrogèrent alors le rôle de maître d'ouvre de la reconstruction du monde occidental. Les ennemis d'hier, l'Allemagne et le Japon, sont désormais leur protégés et deviennent de fait les deux piliers de leur nouvel ordre mondial, ouvrant ainsi la voie aux « Trente Glorieuses ».

Cet ordre mondial cédera cependant sous le poids écrasant des déficits américains et poussera Washington, en 1971, à suspendre la convertibilité du dollar en or afin d'assurer son hégémonie sur des bases radicalement différentes.

C'est à ce nouvel arrangement mondial que Yanis Varoufakis donne le nom de Minotaure planétaire : un ogre à la fois tuteur et cannibale de l'économie mondiale.

Portant en lui les gènes de sa propre destruction, le Minotaure planétaire tombera sous les coups de la nouvelle dérégulation bancaire aux États-Unis et de la cupidité redoublée de la finance internationale, provoquant le Krach de 2008.

Quel avenir pour le monde après le Minotaure planétaire ? Et qu'espérer de l'Europe quand l'insuffisance de ses dirigeants et les égoïsmes nationaux mènent droit à la désunion ?

C'est la question, vitale, à laquelle Yanis Varoufakis tente de répondre dans cet essai à la fois brillant, iconoclaste et palpitant.

LE MINOTAURE PLANÉTAIRE : l'ogre américain, la désunion européenne et le chaos mondial vient tout juste de sortir aux Éditions du Cercle, dans sa collection « Enquêtes & Perspectives ». Le livre n'est pour l'instant disponible que sur amazon (en versions papier et kindle) et sur la plate-forme Kobo/FNAC (en version numérique). Le lancement en librairies est prévu pour mars 2015.

YANIS VAROUFAKIS, professeur d'économie à l'université d'Athènes et professeur détaché à l'université d'Austin au Texas, a été le conseiller économique de George Papandréou (ancien Premier ministre de la Grèce), de 2004 à 2006. Il s'est rendu célèbre en critiquant sévèrement les plans de sauvetage d'Athènes, s'attirant au passage les foudres des cercles dirigeants de son pays. À tel point qu'il a dû s'exiler aux Etats-Unis !

Son nouveau livre, "LE MINOTAURE PLANETAIRE: L'ogre américain, la désunion européenne et le chaos mondial" est une oeuvre vraiment époustouflante, qui permet de relier entre elles les pièces du puzzle que nous connaissons tous plus ou moins bien (Plan Marshall, guerres de Corée et du Vietnam, renaissance du Japon et de l'Allemagne après 1945, de Gaulle/Adenauer, chocs pétroliers, les années Reagan/Thatcher, Traité de Masstricht, etc.) et de comprendre comment s'est (re)construit le monde après la Seconde Guerre mondiale, pourquoi nous avons connu les "Trente Glorieuses" et pourquoi (presque) tout s'est effondré en 2008.

Yanis Varoukakis, qui a fréquenté, et qui fréquente toujours, les arcanes du pouvoir, sait de quoi il parle!

Voici un extrait de la préface de l'auteur à l'édition française :

Delors, Mitterrand, Kohl et leurs successeurs

En 1993, alors que ses efforts pour poser les fondations de la zone euro commençaient à porter leurs fruits, Jacques Delors eut un pressentiment : il fallait à l'union monétaire européenne un peu plus que les règles de Maastricht et une banque centrale calquée sur le modèle de la Bundesbank. Jacques Delors était correctement arrivé à la conclusion qu'une émission obligataire commune à la zone euro devait être créée pour qu'il soit possible de prévenir les chocs et être en mesure de se remettre d'aplomb après qu'ils ont frappé. À cette fin, dans un Livre Blanc présenté en décembre 1993, il recommandait que ces euro-obligations de fait soient intégrées en tant que rouage essentiel du mécanisme de la zone euro et, en outre, qu'un Fonds d'investissement européen soit lui-aussi institué.

Pour donner à sa recommandation élan politique et poids au niveau macroéconomique, Jacques Delors essaya de convaincre le Président Mitterrand que ces euro-obligations joueraient pour la zone euro un rôle similaire à celui que les Union Bonds avaient joué pour le New Deal de Franklin Roosevelt, où ils permirent le financement d'un vaste programme de redressement tiré par l'investissement, qui autorisa le déficit budgétaire fédéral des USA à se maintenir à un faible niveau, de 1933 jusqu'au début de la Seconde Guerre mondiale.

Mitterrand écouta avec la plus grande attention, mais répondit : « Jacques, vous avez raison. L'union monétaire européenne a besoin de ces instruments. Mais, nous ne les créerons pas. Helmut (Kohl) et moi-même n'avons pas la puissance politique suffisante pour cela. Nous avons le pouvoir de lier entre eux les pays sur le plan monétaire, de forger une monnaie commune. Mais nous n'avons pas le pouvoir d'établir une dette commune. Laissez-moi cepen-dant vous dire ceci : lorsque, dans 10 ou 15 ans, une grande crise financière viendra à frapper l'Europe, nos successeurs devront faire le choix suivant : soit mettre en œuvre votre idée, soit laisser l'union monétaire européenne s'effondrer ».[1]

François Mitterrand avait vu juste sur deux points : une crise mondiale majeure est bien survenue 15 ans plus tard, en 2008, et les dirigeants européens se trouvent bien devant un dilemme entre consolidation (d'un type similaire à l'union obligataire proposée par Jacques Delors) et éclatement. Là où François Mitterrand et Helmut Kohl se sont trompés est dans leur conviction (tacite) que leurs successeurs allaient choisir la consolidation. À ce jour, ceux-ci se précipitent, tels des somnambules, droit vers l'éclatement.

Ce livre fait la lumière non seulement sur les causes de cette crise que le Président Mitterrand avait anticipée de manière prophétique mais, aussi, sur les raisons pour lesquelles ses successeurs se comportent comme des lapins tétanisés par l'irrémédiable avancée des phares d'un camion dans la nuit.

En vente sur amazon :

Version brochée

Version kindle

 

[1] Ces paroles ne sont pas verbatim. Mais l'auteur tient de source sûre, de la part d'un collègue qui était présent lors de cette conversation, que telle était la substance de ce que Mitterrand a déclaré.



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