accueil > archives > éditos


 
   Pourquoi il faut voter oui
    Par Jean-François Goulon
questionscritiques, le 6 avril 2005

D'abord, l'Europe est une grande et belle idée, qui nous est chère. Et c'est une idée française. Vouloir passer d'états-nations, qui se sont fait la guerre sans cesse, à un continent-nation, où les pays les plus riches aident les pays les plus pauvres à se développer — il suffit de voir le formidable essor de l'Espagne — et bien, ce n'est pas une mince affaire. Et pourtant, ça marche !

En 60 ans, 48 ans depuis la signature du traité de Rome, le rêve des pères fondateurs se concrétise enfin : le continent est unifié (ou presque). Ne lui manque plus que son ossature : le Traité constitutionnel.

Que contient-il ?

1) Un meilleur fonctionnement des institutions et un meilleur contrôle des décisions : vote à la majorité qualifiée, droits accrus du parlement européen , un président élu pour 2 ans et demi, un ministre européen des affaires étrangères ...

2) La charte des droits fondamentaux qui constitue un rempart contre l'ultra-libéralisme.

3) Mais aussi : des règles économiques contraignantes pour les états — Pacte de stabilité, mesures antidumping, etc. — et des règles assouplies pour les entreprises avec l'ouverture des marchés.

Le texte est long, trop long, plutôt indigeste, et par moments, il semble dire tout et son contraire. Mais c'est le compromis que 25 pays, à voix égales, ont accepté pour unir leurs destins, et ce compromis, cette Constitution européenne est le texte le plus moderne et le plus avancé du monde. Certes, il est loin d'être parfait, et bien des choses devront évoluer. Nous y reviendrons.

Mais souvenons-nous de la déclaration de Robert Schuman, écrite par Jean Monnet : "L'Europe ne se fera pas d'un coup ni dans une construction d'ensemble. Elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait ...". C'était le 9 mai 1950, l'acte fondateur de l'Europe qui a donné naissance à la C.E.C.A. [1] puis à l'Europe des six, des neuf, des dix, des douze, des quinze et maintenant des vingt-cinq.

Comment fonctionner à vingt-cinq si le moindre pays-membre peut tout bloquer ? La réponse, c'est que c'est tout simplement impossible, et c'est parce que c'est impossible que la Convention s'est réunie pour élaborer ce projet de constitution.

Nous l'avons déjà dit, ce texte est loin d'être parfait (voir: Eléments critiques), mais il a le mérite de poursuivre la construction. Certes, il faudra se battre pour faire avancer l'Europe dans la bonne direction — organiser une défense européenne indépendante, coordonner les diplomaties, rendre la BCE responsable devant le parlement et l'obliger à équilibrer croissance et stabilité, responsabiliser les citoyens de l'Union — pétitions, propositions et votes — éliminer les paradis fiscaux... Construire l'Europe, c'est tout cela. Mais pour la construire cette Europe que nous appelons de nos voeux, faut-il encore des partenaires avec lesquels discuter.

Sans Constitution, pas de discussion.

Il faut le rappeler : adopter la Constitution européenne, c'est passer à la construction politique de l'Europe. Dire non aujourd'hui au Traité constitutionnel, c'est inévitablement retourner au Traité de Nice pour au moins une décennie, avec les blocages que cela implique. Ensuite, renégocier le Traité ? Peut-être, mais avec qui ?

Le temps de la négociation est passé. Un consensus nous tend les bras, avec ses défauts mais aussi ses qualités. Dès que ce traité sera entériné par les citoyens européens (soit par référendum, soit par un vote à l'assemblée), nous pourrons nous attaquer à la prochaine étape : la construction politique de l'Europe. Et là encore, ce ne sera pas une mince affaire !

Réagissez à cet article et donnez-nous votre avis.


[1] Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier (France, Allemagne, Belgique, Luxembourg, Italie et Pays-Bas). Voir Wikipedia
Voir aussi Les grandes étapes de la construction européenne.