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    Adieu Sarko ! (Mais la gauche n'a pas encore gagné.)
    Jean-François Goulon
le 6 mai 2012

Nicolas Sarkozy vient de prendre une sacrée claque - 4% d'écart avec son challenger socialiste.
François Hollande est désormais au pied du mur pour changer la France - et ce n'est pas
un chèque en blanc que lui ont donné les Français...


Ça commence mal. Voilà que nous apprenons que la mieux placée pour devenir le premier (il y en aura probablement d'autres dans les cinq ans) Premier ministre de François Hollande serait Martine Aubry. Quelle faute politique ce serait ! Quelle erreur !

La « Dame des trente-cinq heures », connue dans son parti pour sa méchanceté et son sectarisme, serait peut-être la première grosse faute du nouveau Président de la République. S'il veut à tout prix nommer une femme Premier ministre, qu'il choisisse Ségolène Royal ! Sinon, Jean-Marc Ayrault pourrait valablement endosser ce rôle.

Martine Aubry. En 1988, lors des législatives qui ont suivi la réélection de François Mitterand, émergeait un nouveau parti politique, Génération Écologie, dont la mesure phare était... les trente-cinq heures ! À l'occasion d'un débat télévisuel, Martine Aubry expliquait en long et en large que cette idée des 35H était mauvaise, voire une ineptie. Nous étions alors en plein marasme du chômage (cela n'a guère changé) et toutes les idées étaient intéressantes à creuser. Mais Martine Aubry, que l'on fait passer aux yeux des Français pour la gauche pu PS, n'est qu'une apparatchik en panne d'idées. Tout le monde connaît la suite : ministre du Travail et de l'Emploi sous Jospin pendant la cohabitation, elle a fait appliquer les 35 H à la hussarde - en particulier dans sa deuxième phase -, contribuant ainsi en partie à la défaite de Lionel Jospin en 2002, lequel a dû laisser sa place à Jean-Marie Le Pen. L'ironie est que de Robien avait, lui, fait les 32 heures, convaincu par les excellentes idées de Pierre Larroutourou.

Mais, intéressons-nous d'abord au tout nouveau Président de la République. Le personnage est très intéressant à plusieurs titres. En privé, on le dit plutôt jovial et sympathique, en public, on le dit plutôt manipulateur et... personne ne sait vraiment quelles sont ses opinions sur les sujets cruciaux. À titre d'exemple, quelle est sa position vis-à-vis de l'Iran d'Ahmadinejad ? Quelle est sa position vis-à-vis d'Israël et de l'occupation des Territoires ? Pense-t-il, à l'instar de Lionel Jospin, que les activistes palestiniens sont des « terroristes » et non pas des « résistants » ? Et quelle est sa position sur le retour de la France dans le Commandement intégré de l'OTAN, première mesure « lavaliste » prise par Sarko au début de son quinquennat ?


L'Iran d'Ahmadinejad

Il y a moins de quinze jours, les médias du courant (très) dominant, comme Le Point, rapportaient qu'Ahmadinejad n'avait jamais dit qu'il fallait « rayer Israël de la carte ». Il a fallu que des hauts responsables israéliens, fatigués des mensonges du Likoud, de Kadima et des Travaillistes, épouvantés à l'idée que les fachos actuellement au pouvoir en Israël livre une guerre apocalyptique à l'Iran, révèle « officiellement » la vérité sur ce que l'on savait déjà : L'Iran ne cherche pas à construire d'arme nucléaire et n'a pas l'intention de rayer Israël de la carte. Le Point du 26 avril 2012 (site internet) : « Le ministre israélien du Renseignement admet que le président iranien n'a pas appelé à la destruction de l'État hébreu ». Alors pourquoi, François Hollande dans son dernier discours a-t-il insisté sur le fait qu'il faut empêcher l'Iran d'obtenir l'arme nucléaire ? Pour plaire à l'électorat sioniste en France ? Ahmadinejad en 2005 : Imam ghoft een rezhim-e ishghalgar-e qods bayad az safheh-ye ruzgar mahv shavad. C'est-à-dire, en français, « L'Imam [Khomeyni] disait que ce régime qui occupe Jérusalem doit disparaître de la page du temps ». Pour ceux qui sont durs de la feuille, cela veut dire que « le régime sioniste au pouvoir en Israël doit dégager ! » Les petits copains sionistes du PS ne l'entendent certainement pas de cette oreille. Donnons crédit à Hollande de ne s'être jamais clairement exprimé sur le sujet et espérons qu'il va nous surprendre en prenant parti pour les opprimés contre les oppresseurs.

Lire : Perdus dans la traduction, de Jonathan Steele, The Guardian, 14 juin 2006.


Les gages donnés à la City

Certes, François Hollande a gauchisé son discours suite à la formidable campagne de Jean-Luc Mélenchon et de tous ses « drapeaux rouges » qui ont forcé le candidat de la gauche molle à prendre quelques vitamines auprès du peuple. Grand bien lui en a fait, puisque son discours s'est peu à peu affirmé dans cette direction. Les 75% d'imposition au-delà de 1 million d'euros de revenus par an - soit 76 SMIC - représentent la première conquête du Front de Gauche face aux socialistes fabiens. Espérons que Hollande mettra rapidement en place les mesures nécessaires pour faire payer les exilés fiscaux français les sommes qu'ils doivent à la France !

Mais il restera une tache dans la campagne de Hollande qu'il devra encore être effacée : les gages qu'il est allé donner à la City, ajoutant qu'il n'y avait plus de communistes en France - comprendre : "vous ne risquez rien, nous serons-là pour faire en sorte que vous puissiez continuer à vous gaver de spéculation boursière et sur les dettes des Etats" ? Parions que ceux qui ont conseillé Hollande dans cette voie s'appellent. Jérôme Cahuzac (futur ministre de l'économie et des finances ?), Manuel Valls (la droite du PS), Pierre Moscovici (le petit lieutenant de l'ancien patron du FMI) ou Olivier Ferrand (le jeune loup ex-HEC/Sciences Po/ENA qui travaille dur à "libéraliser" la pensée socialiste au sein de Terra Nova).


Le Concordat

Mais quelle mouche a donc piqué Hollande en annonçant devant un parterre d'Alsaciens qu'il ferait graver dans le marbre de la Constitution le concordat ? Espérons, là encore, qu'il ne s'agissait que d'une (mauvaise) blague électorale destinée à faire bicher Mélenchon et à séduire quelques électeurs qui ont, de toute façon, voté Sarko.

Non, Monsieur Hollande, le Concordat n'a rien à faire dans la Constitution - et puis, quoi encore ? Si vous voulez vous aligner sur l'Alsace, alignez-vous sur leurs remboursements maladie.


Pourquoi les socialistes européens s'associent-ils généralement à la droite européenne, à Strasbourg ou à Bruxelles, contre la vraie gauche ?

Là encore, le PS devra rendre des comptes au peuple de gauche et expliquer pourquoi ses amis s'acoquinent avec les libéraux au Parlement européen. C'est ainsi que Bronislaw Geremek, un vrai progressiste qui aurait probablement fait avancer l'Europe dans une meilleure voie, fut écarté de la présidence du parlement européen en 2004.


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Ayant déjà dépassé de 30 minutes les résultats officiels de l'élection présidentielle, je m'en tiendrais là et me contenterais de souhaiter bonne chance à François Hollande et de lui conseiller la plus grande vigilance à sa gauche.

En attendant, quelle joie de voir les mines déconfites du clan UMP/Sarkozy. Bon débarras !!! Maintenant, Nicolas Sarkozy doit rendre des comptes, non pas sur son quiquennat, mais sur le financement de sa campagne de 2007 par Khadafi, dont on l'accuse ; sur les nombreuses affaires d'interventions auprès du Parquet pour enterrer des dossiers sensibles (nous en reparlerons, puisque Questions Critiques détient un dossier chaud), pour entraver l'enquête sur les largesses de Liliane Bettencourt que celle-ci lui a prodiguées; etc.

Enfin, reconnaissons à Nicolas Sarkozy, avec son discours à la Mutualité de ce soir, son respect de la démocratie. Idem pour les baronnes de l'UMP, Nadine Morano, NKM ou Rachida Dati. Quel changement de ton par rapport à cette campagne présidentielle haineuse où tous les coups les plus bas ont été assénés par la droite ! Adieu Sarko, on ne te regrettera pas !



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