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Bush bis: Le nœud coulant se resserre

By Max J. Castro
Progreso weekly 25 nov 2004


On s'y attendait. Maintenant c'est confirmé : la réélection de George W. Bush est une horreur tant pour la nation américaine que pour le monde. En nommant Alberto Gonzales et Condoleezza Rice à son cabinet ministériel, Bush a lancé le signal que son gouvernement va poursuivre — et même peut-être durcir — les deux guerres qu'il mène : celle contre les droits civiques et les droits de l'homme et cette autre guerre, contre les institutions et les lois internationales.

Le mémo infâme d'Alberto Gonzales, alors conseiller à la Maison Blanche, a été à l'origine du raisonnement légal qui a conduit les Etats-Unis à ignorer les Conventions de Genève dans leur conduite de la guerre contre le terrorisme. Si les dirigeants américains devaient rendre des comptes, de la même manière que les Etats-Unis s'attendent à ce que les dirigeants des autres pays le fassent, lorsqu'ils violent les droits de l'homme, Gonzales pourrait alors devoir répondre d'avoir plaqué un vernis de légalité sur des pratiques qui ont conduit à des assassinats, à la torture et aux dégradations humaines de Guantanamo, d'Abou Ghraib et d'Afghanistan. Au lieu de cela, Bush a récompensé Gonzales en le nommant à la tête du maintien de l'ordre dans son pays. Avec cette nomination, les Etats-Unis ridiculisent leur prétention à être les champions des droits de l'homme et de l'état de droit.

Condoleezza Rice est l'auteur d'un autre texte infâme. Un article parut avant la première élection de Bush dans un journal traitant de relations internationales. Ce morceau choisi jète les bases intellectuelles pour justifier l'unilatéralisme américain, et celles qui conduisirent à mépriser l'opinion et les institutions mondiales. La route vers l'Irak — et vers le rejet des traités internationaux depuis Kyoto jusqu'à la Cour Criminelle Internationale — mène à Rice autant qu'à Cheney et Wolfowitz. Maintenant, Rice devient la diplomate en chef de l'Amérique.

Il y a une qualité et aussi une certaine symétrie dans ces choix qui sautent aux yeux. Gonzales, celui qui a mis à mal les lois de la guerre, est nommé à la tête de la justice ; Rice, qui préfère l'exercice cru da la puissance américaine aux alliances et à la recherche d'un consensus international, est nommée à la tête de la diplomatie américaine. Nulle part ne retrouve-t-on "le respect décent pour les opinions humaines" auquel se réfère la Déclaration d'Indépendance. Nulle part ne retrouve-t-on le respect du point de vue de la majorité des Américains qui, selon tous les sondages, soutiennent les institutions internationales telles que l'ONU.

S'il y a quelque chose de bon dans tout cela — la réélection de Bush, le contrôle Républicain des trois branches du gouvernement et le renforcement des programmes réactionnaires intérieur et international — c'est que maintenant toutes les feuilles de vigne sont tombées et que c'est grâce à Bush. Colin Powell, qui a gaspillé sa promesse de faciliter et d'excuser les politiques qu'il savait être mauvaises, ne sera plus là pour habiller la politique de Bush avec une apparence de modération et de raison. Accuser Clinton ou le 11 septembre pour les problèmes économiques ne marchera pas une deuxième fois.

Mais le plus grand désastre avec lequel Bush va devoir vivre — désastre qu'il a créé lui-même — c'est l'Irak. Si Kerry avait été élu, l'inconvénient majeur aurait été l'impasse sur la question de l'Irak dans laquelle le Sénateur s'était mis lui-même pendant la campagne électorale en promettant qu'il serait plus efficace à gagner une guerre qui est mauvaise et qui ne peut pas être gagnée. Comme Lyndon Johnson, Kerry aurait été en proie à un conflit long et coûteux, sans issue en vue, et à une forte opposition à la guerre de la part de sa propre base politique.

Bush, lui, a l'avantage que sa propre base croit dans la guerre d'Irak — ou elle choisit de changer de sujet pour parler du terrorisme et des ses "valeurs". Mais, mis à part pour une minorité pure et dure, le déni ne marchera pas éternellement. Le gouvernement le sait bien ! C'est pourquoi il a pris le risque de lancer une attaque en règle contre Falloujah. En infligeant un coup mortel aux insurgés, le gouvernement espérait qu'on oublierait cette impression d'être englué dans ce bourbier et que cela assurerait des élections crédibles en janvier prochain et réduirait la durée de la guerre.

À la place, l'offensive contre Falloujah a braqué un peu plus les Sunnites dont le soutien au processus électoral est crucial pour assoir sa légitimité. Cette attaque a échoué à tuer (ou capturer) la plupart des insurgés cachés dans la ville, y compris les principaux chefs, dont la plupart ont filé à l'anglaise. Elle a causé de nombreuses victimes dans les rangs américains (sans parler de cette vidéo terrible montrant un soldat américain achever un Irakien blessé et sans défense). Enfin, la bataille de Falloujah a été suivie par des offensives d'insurgés à Mossoul et dans d'autres villes du Nord, de même que par des attaques terroristes tueuses dans Bagdad et ailleurs.

La guerre d'Irak a déjà fait plus de 1.200 tués dans les rangs américains. Un reportage de 60 minutes, diffusé sur CBS le week-end dernier, suggère que le Pentagone minimiserait fortement le nombre de blessés ; nombre qui pourrait s'élever à 20.000 ou 30.000, en comptant les victimes accidentelles et les cas de graves traumatismes psychologiques. Son coût économique continue d'enfler et contribue aux déficits budgétaires abyssaux. Alan Greenspan, le président de la FED, a déclaré la semaine dernière que de tels déficits pourraient plomber durablement l'économie américaine.

Tandis que la lumière de la victoire électorale illumine Bush en ce moment-même, le carnage horrible, le coût financier colossal et le succès hors d'atteinte de sa mésaventure en Irak déclencheront inévitablement une vague de désillusion populaire au fur et à mesure que le deuxième mandat se déroulera. Cela offrira une opportunité aux les Démocrates en 2006 et en 2008, mais à condition qu'ils soient prêts et qu'ils arrivent à articuler une politique alternative pour l'Irak.

Entre temps, il est important de faire connaître les scandales commis par les poids lourds du Parti Républicain et de les combattre. Rien que la semaine dernière, le Congrès Républicain a voté une loi de finance débordant de cadeaux pour les huiles et les intérêts particuliers. Sur l'insistance du gouvernement, cette même loi refuse des prêts universitaires à 100.000 étudiants à faibles revenus.


Traduit de l'américain et adapté par Jean-François Goulon