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     Le 28ème Amendement
    Par William Safire
New York Times, le 22 novembre 2004

LOS ANGELES —

Comme un nuage pas plus grand qu'une main d'homme, le 28èmeamendement de la Constitution américaine est en train de se former sur l'horizon politique.

Non, il ne s'agit pas de l'amendement contre l'homosexualité que le Président Bush soutient. Il n'y a que dans le cas où la Cour Suprême ferait tomber la loi fédérale sur la défense du mariage — ou si elle casse les modifications des constitutions que des états ont adoptées pour bloquer la reconnaissance de la légalité des mariages homosexuels qui ont eu lieu ailleurs — où cet amendement proposé aura une petite chance de gagner le soutien des deux tiers du Congrès et de 38 états.

Les pères fondateurs ont fait en sorte qu'il soit difficile d'amender la Constitution, mais depuis le "Bill of Rights" un amendement a été adopté en moyenne une fois tous les douze ans. Il est temps de mettre fin à la discrimination basée sur le lieu de naissance qui dénie l'égalité de droit de chaque citoyen de postuler à la présidence des Etats-Unis. L'Article II de la Constitution stipule que dans le futur seuls les citoyens "nés sur le territoire" seront éligibles pour la plus haute fonction de la nation. Il peut y avoir eu de bonnes raisons pour suspecter les citoyens nés à l'étranger lorsque la nation était en formation, mais ce biais "nativiste" n'a pas sa place dans une nation fière de sa "porte d'entrée dorée".

Lorsqu'un immigrant est naturalisé, son ou sa citoyenneté devient aussi naturelle que celle d'un citoyen né sur le territoire. Le serment qui est passé à cette occasion, ainsi que celui fait au drapeau rendent l'immigrant 100 pour-cent américain, avec tous les droits, privilèges et obligations y afférents. Tous sauf un — le droit au plus grand succès politique.

Cela rend les citoyens naturalisés — y compris les contribuables, les électeurs, les fonctionnaires — un peu moins américains que les tout-Américains. Même les enfants nés à l'étranger de parents américains tombent sous le coup de l'Article II ; […].

L'inégalité de notre Constitution réclame d'être réparée. Certains d'entre nous ont marmonné à propos de cela pendant des décennies, mais cela a toujours été un sujet académique — un exercice théorique pour travailler sur une formule discriminatoire dont le but a été depuis longtemps atrophié. Arrive maintenant Arnold Schwarzenegger, un immigrant venu d'Autriche qui au hasard d'une élection de rappel a été capable de déjouer des primaires centristes bloquées et de se faire élire gouverneur de Californie. Quatre des dix dernières élections présidentielles ont été gagnées par des anciens gouverneurs de ce plus grand état de l'Union.

Soudain, la possibilité théorique a pris forme humaine. Si nous ne pouvons pas changer Schwarzenegger en un "né au pays" […], nous pouvons changer la loi pour donner au mot "naturalisé" son sens intégral.

Schwarzenegger est un conservateur ultra-libéral, un homme de droite dont la popularité s'est affirmée sur la Côte Est. Sous la tutelle de l'ancien Secrétaire d'Etat George Schultz et de l'ancien Gouverneur Pete Wilson, il a utilisé sa célébrité, son charisme et son cran politique pour casser la spirale de trafics d'influence qui avait placé cet état entre les mains de législateurs aisément corruptibles et d'initiatives réglementaires conduisant à l'explosion budgétaire.[N.d.E.]

Ferait-il un bon candidat en campagne nationale ? Sans aucun doute. Ferai-il un bon président ? Trop tôt pour le dire. Il choisit les meilleurs conseillers et agit selon leurs recommandations, mais j'ai comme l'impression qu'Arnold est trop imbu de lui-même. Il ferait très bien s'il gagnait en humilité grâce à un revers puis à un retour en politique.

Il a voyagé en Israël et au Japon, apparemment pour défendre l'économie de la Californie tout en brunissant son image de dirigeant mondial potentiel. Bien que la modestie ne soit pas une de ses grandes qualités, il déclare être contre les badges "Amend for Arnold" que certains de ses supporters arborent pour pousser au 28ème Amendement : Des Droits Egaux pour les Immigrants. Je parie que la plupart des Démocrates se contrediront au fur et à mesure que cette question se développera ; l'anti-discrimination est un article de foi, mais ils ne veulent pas d'un cow-boy Républicain iodleur à la Maison-Blanche. Inversement, certaines personnes de droite qui considèrent avec méfiance un candidat favorable à l'IVG et qui est à l'aise avec les gays sont aussi des "nativistes" inavoués.

Pourtant les deux camps savent que les Hispaniques représentent le vote ethnique le plus volatile, augmentant chaque année, et que ce vote pourrait être grandement influencé par une question comme celle des droits égaux pour les immigrants.

Une chose à la fois. Après la ratification du 28ème Amendement en 2007, je prévois un ticket Républicain l'année suivante avec Rudy Giuliani ou John McCain en tête et Schwarzenegger comme colistier. Pour les Démocrates, Evan Bayh ou Hillary Clinton pour président, Peter Jennings (né au Canada) comme v.P.

Réfléchissez donc à celle-là !

Traduit de l'américain par Jean-François Goulon


[N.d.T.] Bill of Rights : Les dix premiers Amendements à la Constitution des Etats-Unis. Ils ont été adoptés par le Congrès le 25 septembre 1789 et ratifiés le 15 décembre 1791. Depuis, 17 autres amendements ont été adoptés. La Constitution des Etats-Unis contient donc un total de 27 Amendements.

[Note de l'Editeur] Nous ne sommes pas du tout d'accord avec William Safire sur l'explosion budgétaire en Californie. On se rappelle les coupures qui duraient parfois plusieurs heures à Los Angeles et dans l'ensemble de la Californie. Elles étaient organisées par Enron qui fabriquait de toute pièce une pénurie artificielle et les coûts de l'électricité se sont envolés, mettant à mal le budget de la Californie.