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LE CONFLIT ISRAELO-PALESTINIEN
des origines cananéennes de la Palestine
à sa demande d'adhésion à l'ONU


Compilation de textes réalisée par Jean-François Goulon
et Jews for Peace in the Middle-East

Disponible sur amazon et en librairie (216 pages) - 15 EUR - sortie le 18 janvier --> acheter sur amazon.fr

EXTRAITS :

Le « Moyen-Orient » fait régulièrement la une de l'actualité et, au cours des douze derniers mois, il en est devenu le théâtre central : les Printemps arabes en Tunisie et en Égypte, qui ont renversé Zine Ben Ali et Hosni Moubarak ; les soulèvements en Syrie, au Yémen et au Bahreïn, et leurs cortèges de répressions sanglantes ; la révolution (ou plutôt la guerre) libyenne, armée et soutenue militairement par l'Otan, qui vient d'éliminer Mouammar Kadhafi et son clan ; et, la récente demande d'adhésion aux Nations unies de la Palestine, après la « réconciliation » entre les frères ennemis du Fatah et du Hamas.

Une enclave en terre d'Islam - équivalant à la surface de la Belgique ou de deux départements français : 27.009 km² - est l'objet d'une dispute intense et d'une attention internationale particulière : la Palestine et Israël.

Alors que le conflit israélo-palestinien fait couler beaucoup d'encre, de salive et de sang depuis un siècle, la recherche d'une solution équitable implique que l'on s'attaque à ses racines. Tâche difficile s'il en est, puisqu'une passion souvent irrationnelle s'empare des esprits dès que l'on évoque la Palestine et Israël, où critiquer la politique palestinienne de l'État juif est assimilé dans de nombreux cercles à de l'antisémitisme.

En France, le rapport de Jean-Christophe Rufin du 19 octobre 2004 proposait de pénaliser l'anti-sionisme « radical » au même titre que l'antisémitisme. Aux États-Unis, sur les campus universitaires, cette question est si sensible que les enseignants qui ne s'en tiennent pas à la version » officielle » prennent le risque d'être limogés et black-listés. Même les Juifs qui critiquent la politique israélienne envers les Palestiniens (et ils sont nombreux - nous le verrons au fil des pages de ce livre) sont très vite accusés d'être des « Self-hating Jews », des Juifs honteux ou animés par la haine d'eux-mêmes - notamment les intellectuels juifs du Bloc de la paix, la Paix maintenant, Gush Shalom, qui militent infatigablement pour un règlement juste entre Israéliens et Palestiniens.

Le journaliste et essayiste français, Dominique Vidal, commentant le rapport Rufin dans les colonnes du Monde Diplomatique du 21 octobre 2004, affirmait intelligemment : « La référence même au sionisme est discutable. Le mouvement créé par Theodor Herzl en 1897 se fixait en effet pour objectif l'établissement d'un État juif. Or, depuis le 14 mai 1948, Israël existe. Ce n'est donc plus du sionisme qu'il s'agit, mais d'un État, dont, comme tous les États, la politique intérieure et extérieure peut être analysée et, le cas échéant, critiquée. » Toutefois, force est de constater que la dérive du projet sioniste a engendré un nouveau sionisme « radical », un « néosionisme ultra », en particulier depuis la seconde Intifada, marquée par le soulèvement des Palestiniens, le 28 septembre 2000. Il est donc parfaitement naturel que ce néosionisme ait à son tour provoqué une réaction tout aussi radicale.

Cette dérive vers l'ultra s'est accompagnée d'organes de propagande très efficaces et de plus en plus réactifs, grâce aux nouvelles technologies de l'information - internet, facebook, tweeter, SMS, etc. - et à la puissance des réseaux néosionistes qui exercent un lobbying intense et débridé auprès de la classe politique (notamment l'AIPAC aux Etats-Unis, et dans une moindre mesure, le CRIF en France) ou qui ont infiltré directement la politique et les médias.

En fait, ce sujet essentiel de controverse se rapporte à la nature même d'Israël : un État juif pour les Juifs. Et c'est bien la mention d'un État juif qui pose problème car, en Israël, il y a des Juifs mais aussi des Arabes et des Chrétiens. En fait, la reconnaissance d'Israël en tant qu'État juif reviendrait à accepter la prétention d'Israël de représenter les citoyens juifs des autres États. On peut craindre aussi qu'une telle reconnaissance ne constitue les bases internationales d'un régime d'Apartheid, notamment si Israël poursuivait sa colonisation de l'ensemble de la Cisjordanie (ce que le régime de Netanyahou semble démontrer) en niant les droits nationaux des Palestiniens.

Mais on parle rarement de tous ceux, prêts à faire un compromis avec l'Histoire, qui ne supportent plus, pour les uns, de vivre sous une occupation brutale et humiliante, et pour les autres, de se sentir menacés au plus profond de leur identité nationale par la dérive même du projet sioniste, laquelle, ainsi que le formule Avraham Burg , « est passé d'un projet laïc et socialiste à un projet religieux et capitaliste ».

Nombreux sont les Juifs dans le monde, en particulier en Israël et aux Etats-Unis, mais aussi en France et dans les autres États membres de l'UE, qui défendent une paix juste au Proche-orient. Si la plupart d'entre eux soutiennent la création d'un État palestinien viable dans les frontières de 1967, certains vont même jusqu'à soutenir la constitution d'un État binational sur toute la Palestine.

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La thèse pro-sioniste peut se résumer ainsi : cette Terre nous appartient depuis plus de 3.000 ans ; les Juifs du monde entier ont le devoir de la reconquérir, afin d'assurer l'unité du peuple juif et ses liens historiques à sa terre d'origine, la Terre promise ; l'État d'Israël et Jérusalem, sa capitale, sont d'une importance primordiale dans la vie de la nation juive ; et, l'idée d'une nation palestinienne est une invention récente, puisque, jusqu'à la Déclaration de Balfour, les quelques habitants qui peuplaient cette terre quasi-abandonnée ne savaient même pas qu'ils étaient palestiniens.

La thèse pro-palestinienne est encore plus simple : nous avons été dépossédés de notre pays par l'invasion des Juifs du monde entier et nous voulons vivre dans un État libre et souverain, avec Jérusalem-Est pour capitale, et sans renoncer au droit au retour de tous ceux qui furent chassés de leurs maisons et de leurs terres en 1948.

Bien entendu, entre ces deux thèses, existent des discours plus extrémistes ; celui des fondamentalistes islamiques, soutenus par le Djihad islamique palestinien - et, dans une moindre mesure, par le Hamas -, qui voudraient chasser tous les Juifs de Palestine et les renvoyer d'où ils viennent - voire les « rejeter à mer » - ; et celui des fondamentalistes et des nationalistes juifs, soutenus respectivement par le Gush Emunim et Beit Eiteinou, qui voudraient bouter tous les Palestiniens hors de Palestine, afin de restaurer Eretz Yisrael (la Terre d'Israël) - territoire qui s'étend, pour les premiers, des rives de la Méditerranée à la Mésopotamie, et, pour les seconds, dans les meilleures frontières qu'ils parviendront à établir.

Si la « sagesse juive », dans sa forme conventionnelle, a l'habitude de rappeler que, même si les deux camps ont leur part de responsabilité, les Palestiniens sont des « terroristes » irresponsables, dépourvus de tout point de vue valable méritant d'être écouté, les nombreux Juifs qui militent pour la paix et les droits de la population palestinienne pensent bien souvent que les griefs des Palestiniens sont amplement justifiés. En effet, durant la création de l'État d'Israël, les Palestiniens furent dépossédés de leur terre, une terre plus que millénaire, sans qu'on leur demande leur avis et, surtout, par la force. Et tous les crimes ultérieurs - commis de part et d'autre - sont la conséquence inéluctable de cette injustice.

La solution à ce conflit qui dure depuis un siècle semble encore bien éloignée, malgré quelques récents signes d'espoirs, comme la réconciliation palestinienne entre le Fatah et le Hamas, le militantisme actif du Bloc israélien pour la Paix qui défend une solution juste et équitable, et le changement de ton qui s'opère depuis peu dans certains cercles politiques occidentaux et quelques grands médias.

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L'exposé qui suit décrit l'histoire de la Palestine dans ses grandes lignes, depuis ses origines cananéennes (vers 1800 av. J.C.) à sa demande d'adhésion à l'O.N.U., le 23 septembre 2011. Cet ouvrage est un voyage dans l'histoire de près de quatre millénaires, au travers de nombreuses citations, d'extraits d'ouvrages ou d'articles, dont les auteurs sont internationalement reconnus et respectés. Très largement inspiré d'un exposé collectif paru au début des années 2000 et sous-titré Publié par des Juifs pour la Paix au Proche-Orient, diffusé par « Cactus48 », ce texte, qui en reprend la trame et de nombreuses idées, a pour objectif de démontrer comment ce processus s'est déroulé et à quoi devrait ressembler une solution morale aux problèmes de la région.

Tous ceux qui s'intéressent aux peuples du Proche-Orient - aux Juifs et aux Arabes, mais aussi aux Chrétiens - se doivent de lire cette contribution à une version de l'histoire minutieusement argumentée, qui remet très largement en cause la version « officielle » professée par Israël et ses officines de propagande.


sommaire :

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L'histoire originelle de la région
La période du mandat britannique - 1920-1948
La partition onusienne de la Palestine
Le statut d'État et les expulsions - 1948
La guerre de 1967 et l'occupation israélienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza
Le terrorisme dans la région
Des Juifs critiquent le sionisme
Le sionisme et l'holocauste
Quelques considérations d'ordre général
Le fondamentalisme juif en Israël
La seconde Intifada et les accords d'Oslo
L'opération « Plomb durci »
Quelques idées sur l'avenir de la Palestine
La réconciliation palestinienne
La demande d'adhésion à l'O.N.U.
Conclusion
Bibliographie

Cartes :

- Le plan de partition de 1947
- Le partage du territoire après les conquêtes de 1948
- 1967 après la Guerre des Six Jours
- 1973-2007 après la Guerre du Kippour
- L'Évolution du territoire palestinien du Mandat à 2010


Les sionistes soutiennent habituellement qu'ils se sont manifestés en Palestine à la fin du XIXe siècle pour reconquérir leur patrie ancestrale ; que des Juifs y ont acheté des terres et qu'ils ont commencé à y établir la communauté juive ; qu'ils ont rencontré une opposition violente et croissante de la part des Arabes palestiniens, opposition provenant sans doute de leur antisémitisme inhérent ; que les sionistes furent alors obligés de se défendre ; et que, d'une manière ou d'une autre, cette situation a perduré jusqu'à aujourd'hui.

Le problème avec l'explication ci-dessus est que si son début est globalement juste - les sionistes ont bien commencé à reconquérir Eretz Israël dans la deuxième moitié du 19ème siècle ; ils ont bien installé leurs premières communautés sur des terres qu'ils avaient achetées ; et, ils ont bien rencontré une opposition croissante de la part des autochtones -, tout le reste est simplement inexact. Cet ouvrage va le démontrer, grâce à des preuves écrites noir sur blanc.

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En vérité, dès le début, le mouvement sioniste avait hâte de déposséder la population arabe autochtone de la quasi-totalité de ses terres, afin qu'Israël devienne un État juif d'un seul tenant. Ces terres, que le Fonds national juif achetait, étaient détenues au nom du peuple juif et ne pourraient plus jamais être revendues ou même louées à des Arabes (cette situation est toujours d'actualité en 2011).

Au fur et à mesure que la communauté arabe prit conscience des intentions sionistes, et parce qu'elles constituaient un danger réel et immédiat qui menaçait l'existence même de la société arabe en Palestine, elle s'opposa vigoureusement à la poursuite de l'immigration juive et à l'achat de terres. Du fait de cette opposition, l'ensemble du projet sioniste n'aurait jamais pu aboutir sans le soutien militaire des Britanniques. Soit dit en passant, la grande majorité de la population de Palestine était arabe depuis le VIIe siècle (soit depuis plus de 1 200 ans).

Bref, le sionisme s'est appuyé sur une vision erronée et colonialiste du monde, ne faisant aucun cas des autochtones. En fait, l'opposition des Arabes au sionisme trouve son origine dans la peur légitime de voir leur peuple dépossédé de sa terre, privé de ses moyens d'existence et assassiné sur le plan culturel, et non pas dans des considérations purement antisémites.

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La position qui est défendue ici, qui est une critique très ferme du sionisme, n'est en aucun cas antisémite. En fait, les actes des Juifs ne furent probablement pas pires que ceux qu'aurait commis n'importe quel autre groupe dans une situation similaire. Après la sinistre oppression subie par le peuple juif au fil des siècles, et notamment sous le régime nazi, le désir compréhensible des sionistes (qui, jusqu'au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, constituaient une nette minorité à l'intérieur de ce peuple) était de s'installer dans un endroit où les Juifs pourraient se rendre maîtres de leur propre destin.

On peut comprendre que les agissements des sionistes étaient souvent motivés par un profond désespoir, d'autant plus que les menaces sur la communauté juive se cristallisèrent à la fin des années 1930 et les décennies qui suivirent, tout comme le désespoir des Arabes motivait leurs actes : la mythique « terre sans peuple pour un peuple sans terre » était déjà la patrie de 700 000 Palestiniens en 1919 !

Ainsi que cet exposé va le démontrer, c'est là que se trouve la racine de ce conflit.