CO2
Le boom de l'éthanol arrive. La double menace du changement climatique et de la sécurité énergétique est en train de créer une soif sans précédent pour l'énergie alternative, avec l'éthanol en première ligne.
Ce processus est prêt à franchir une étape décisive, ce jeudi, lorsque le président des Etats-Unis, George Bush, arrivera au Brésil pour relancer la création d'un marché international de l'éthanol, pouvant un jour rivaliser avec le pétrole comme matière première globale. La création attendue d'un "OPEP de l'éthanol", répliquant le cartel des principaux producteurs de pétrole, a stimulé les investissements frénétiques dans les biocarburants sur le continent américain.
Mais un nombre croissant d'économistes, de scientifiques et d'écologistes appellent à un "temps mort" et préviennent que se jeter tête baissée dans la production massive d'éthanol crée plus de problèmes que cela n'en résout.
Pour ceux qui défendent l'éthanol, qui peut être produit à partir du maïs, de l'orge, du blé, de la cane à sucre ou des betteraves, celui-ci est la panacée verte - une source d'énergie renouvelable brûlant proprement et qui nous permettra de passer des puits de pétrole en déclin à des champs infinis de récoltes pour satisfaire nos besoins en énergie.
Le Dr Plinio Mario Nastari, l'un des plus grands économistes brésiliens et expert en biocarburants, voit un avenir brillant pour le secteur énergétique dans lequel son pays est le leader mondial reconnu : "Nous sommes au bord d'une nouvelle ère, l'éthanol change beaucoup de choses, mais dans un sens positif".
Dans sa première reconnaissance des dangers du changement climatique, la Maison Blanche s'est engagée, cette année, à substituer d'ici 2017 20% du pétrole utilisé par les Etats-Unis par de l'éthanol.
Au Brésil, ce remplacement est plus avancé que n'importe où ailleurs dans le monde et ce pays a déjà substitué 40% de sa consommation d'essence.
L'éthanol n'a rien de nouveau au Brésil. Il y est utilisé depuis 1925. Mais le véritable boom est arrivé après que la crise de 1973 a encouragé la dictature militaire à réduire la dépendance du pays vis-à-vis de l'étranger sur les importations de carburants fossiles. Les généraux ont déversé des subventions publiques et des incitations dans l'industrie sucrière pour produire de l'éthanol.
Aujourd'hui, les rues congestionnées de Sao Paolo sont bondées de voitures utilisant toutes sortes de carburants qui fonctionnent sur un menu croissant de mélanges de carburants bio et fossiles. Et toutes les stations service proposent "alcool" et "essence" à la pompe, la deuxième étant à peu près deux fois plus chère au litre.
Mais il y a un côté plus sombre à cette révolution verte, qui incite à une estimation prudente sur la taille du rôle que l'éthanol peut jouer pour remplir les réservoirs du monde développé. La perspective d'une hausse soudaine de la demande d'éthanol cause de sérieuses inquiétudes, même au Brésil.
Avec la déforestation de l'Amazonie et de la forêt tropicale atlantique, ainsi qu'avec la destruction à grande échelle de la savane brésilienne unique, l'industrie de l'éthanol et la pollution de l'air et de l'eau sont liées de façon considérable.
Fabio Feldman, un écologiste de tout premier plan et ancien parlementaire, qui a aidé à voter la loi obligeant l'ajout de 23% d'éthanol à toutes les livraisons de carburants pétroliers dans le pays, pense que le remplacement innovateur du Brésil a eu de sérieux effets secondaires.
"Certaines plantations de cane à sucre ont la taille de pays européens ; ces immenses monocultures ont remplacé d'importants écosystèmes", a-t-il déclaré. "Si vous voyiez la taille des plantations dans l'Etat de Sao Paolo, ce sont des océans de cane à sucre. Pour assurer la récolte, on doit mettre le feu aux plantations, ce qui crée un sérieux problème de pollution de l'air dans la ville".
Malgré son rôle dominant dans les biocarburants, le Brésil reste le quatrième plus gros producteur d'émissions de carbone du monde, à cause de la déforestation. Le Dr Nastarti rejette tout lien entre la déforestation et l'éthanol et prétend que la production de cane représente un tout petit peu plus de 10% des terres agricoles brésiliennes.
Toutefois, le Dr Nastarti appelle le Brésil à adopter une nouvelle législation pour s'assurer que les plantations de cane à sucre, qui poussent comme des champignons, ne contribuent pas, directement ou indirectement, à la destruction des réserves forestières vitales. Cependant, les sceptiques font remarquer que la législation existante ne peut pas être appliquée et que l'agro-industrie, du coton au soja GM interdits, a pu ignorer la loi.
"Dans de vastes territoires au Brésil, l'Etat est totalement absent et la législation en matière d'environnement n'est pas respectée", dit M. Feldman.
"L'éthanol peut être une bonne alternative dans la lutte contre le réchauffement climatique mais, en même temps, nous devons nous assurer que nous ne créons pas un problème plus grave que celui que nous essayons de résoudre".
Ce n'est pas au Brésil que les conditions d'un scénario véritablement cauchemardesque sont en train d'être créées, en dépit des inquiétudes environnementales, c'est aux Etats-Unis, dans leur propre industrie de l'éthanol.
Alors que le climat tropical du Brésil permet de faire couler l'alcool des cultures sucrières, les Etats-Unis se sont tournés vers leur ceinture de maïs industrialisé pour la matière première de substitution au pétrole. L'économiste américain Lester R. Brown, du Earth Policy Institute [l'institut à la politique de la terre], est le chef de file des voix qui s'élèvent pour mettre en garde : "La concurrence pour les céréales entre les 800 millions d'automobilistes du monde qui veulent maintenir leur mobilité et les deux milliards de personnes les plus pauvres qui essayent seulement de rester en vie surgit comme une question épique".
S'exprimant à Sao Paolo, où l'on s'attend à ce que le boom de l'éthanol décolle avec un accord commercial Etats-Unis/Brésil ce jeudi, Fabio Feldman a déclaré : "Nous devons nous arrêter et faire une pause et réfléchir aux conséquences".Le coût du biocarburant
Lorsque Rudolph Diesel dévoila son nouveau moteur lors de l'Exposition Universelle de 1900, il s'est efforcé de démontrer que celui-ci pouvait fonctionner à l'huile d'arachide. "De telles huiles peuvent devenir, au fil du temps, aussi importantes que le pétrole et les produits du coaltar du temps présent", avait-il déclaré.
Et ainsi, il se trouve que le Président des Etats-Unis, George Bush, a décrété que l'Amérique doit se sevrer du pétrole avec l'aide des biocarburants produits à partir du maïs, de la cane à sucre et autres cultures appropriées.
Réduit à sa plus simple expression, l'argument pour les biocarburants est le suivant : En faisant des cultures pour produire des composés organiques qui peuvent être brûlés dans un moteur, vous n'augmentez pas les niveaux globaux de gaz carbonique dans l'atmosphère.
La quantité de CO2 que ce carburant produit lorsqu'il est brûlé devrait être équilibré par la quantité absorbée pendant la croissance des plantes.
Cependant, de nombreuses cultures de biocarburant, telles que le maïs, poussent avec l'aide des carburants fossiles sous la forme de fertilisants, de pesticides et d'essence pour les équipements agricoles.
On considère que le Maïs a besoin de 30% d'énergie en plus que le carburant fini qu'il produit.
Un autre problème est la surface nécessaire pour le produire. On estime que les céréales nécessaires pour remplir le réservoir d'un 4X4 avec de l'éthanol est suffisant pour nourrir une personne pendant un an.
Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]