La France a décidé officiellement de renforcer ses forces en Afghanistan pour défendre la démocratie, les droits de l’Homme et combattre le terrorisme.
La démocratie et les droits de l’Homme sont, malheureusement, pour les 4/5ème des peuples de la planète un grand projet d’avenir et il n’est pas du tout certain qu’ils puissent être propagés dans le monde les armes à la main. Les pays occidentaux feront d’ailleurs un grand progrès dans la promotion de leurs valeurs le jour où ils auront compris qu’on ne les impose pas à d’autres peuples qui vivent avec une culture différente de la leur.
Personne ne peut réellement contester qu'après le 11 septembre 2001, il était nécessaire d'abattre le régime des Talibans qui accueillait Al-Qaïda. Après sept ans de guerre, force est de constater, cependant, que le gouvernement Karzaï doit toujours faire face à une insurrection armée qui ne peut être réduite à un simple phénomène terroriste islamique. Tous les experts reconnaissent qu'à côté des Talibans, il y a des terroristes internationaux et surtout des seigneurs de la guerre, véritables féodaux, qui s'inscrivent dans la grande tradition du pays.
La question centrale est de savoir comment combattre cette insurrection, et plus particulièrement les djihadistes islamiques.
Le combat de ces derniers a pour caractéristique fondamentale de se nourrir littéralement de ses martyrs tombés contre les infidèles occidentaux. Dès lors, toute attaque de front menée par des Occidentaux ne fera que les renforcer. C'est ce que le président égyptien Moubarak avait dit au président Bush: « Entrer en Irak, vous fabriquerez 1000 Ben Laden », y compris, d'ailleurs, jusque dans les banlieues européennes. Le combat contre les terroristes islamistes doit être conduit de l'intérieur de l'islam par les Musulmans eux-mêmes au nom même d'Allah. En l'occurence, c'est le combat des Afghans et d'eux seuls. On nous dit qu' il faut afghaniser cette guerre mais la réalité est tout autre car l'afghanisation est rendue quasi- illusoire : la corruption, le trafic de drogue règnent en maître au sein de l'administration afghane et les relations d'osmose entre l'armée, la police et les insurgés sont une évidence au quotidien. Malgré quelques succès, l'afghanisation devient mission impossible et rappelle quelques cas historiques amers tels la vietnamisation...
Dans ces conditions, les forces occidentales, graduellement, sont contraintes de se substituer au combat des Afghans et montent en première ligne ; l’engrenage est en route. C'est la première victoire des insurgés, l'islam attaqué doit être défendu contre les infidèles.
La logique militaire anti-guerilla voudrait que les forces occidentales qui comptent 51 000 hommes soient en mesure de quadriller un pays de 600 000 km2, aride, à la géographie tumultueuse, défi que les Soviétiques naguère avec 250 000 hommes et leur brutalité avérée n'ont pu relever !
Mais les forces occidentales sont confrontées à un deuxième engrenage: cette guerre n'est pas une guerre purement afghane, tant s'en faut. Le Pakistan - où les Pachtouns, solidaires des insurgés, sont deux fois plus nombreux qu'en Afghanistan - , l'Iran ne sont pas des lieux où les Américains recueillent une folle sympathie ; or toutes les forces occidentales sont identifiées aux forces américaines.
La tentation bien connue de frapper les bases-arrière des insurgés constitue un engrenage logique et inéluctable dans lequel les forces occidentales sont conduites. N'oublions pas, au demeurant, que dans ce genre de conflit asymétrique, entre des insurgés qui sont chez eux et un corps expéditionnaire étranger, les règles de combat ne sont pas les mêmes. La seule règle des insurgés est de tuer l'ennemi par n'importe quel moyen. Nos médias ne nous ont pas rapporté que les Talibans avaient des cours martiales pour punir les leurs quand ils commettaient des bavures !
Il est clair, en outre, que la conduite de cette guerre sur le plan stratégique est totalement contrôlée, maîtrisée, imposée par les Américains sur lesquels nous n’exerçons aucune influence. Voilà une nouvelle preuve que la volonté de certains de voir la France réintégrer l’OTAN pour peser sur Washington est une douce illusion...
C'est pourquoi nous devons nous retirer des combats de première ligne tout en maintenant pendant un temps notre action de formation de l’armée afghane.
Certains, néanmoins, de prétendre que c’est trop tôt, que le moment n’est pas encore venu. Ce ne sera, en réalité, jamais le bon moment car l’engrenage auquel on assiste appellera toujours un pas supplémentaire dans l’engagement de nos forces. Ce conflit doit demeurer la guerre des Afghans eux-mêmes, ce n'est pas le combat de la France.
Je n'approuve pas l'envoi de renforts militaires en Afghanistan et je m'abstiendrai en conséquence lors du vote de ce jour à l'Assemblée nationale.
Jacques Myard