accueil > archives > Europe


Opinion

Défense, Livre blanc : ne baissons pas la garde !

Jacques Myard
Député des Yvelines (UMP)
Président du CNR
publié le 18 juin 2008


On ne peut que se féliciter de la priorité donnée, par le Livre blanc, au renseignement dans tous ses aspects.

Dans un monde de plus en plus chaotique, où les conflits de toute nature surgissent à l’horizon, il est indispensable que le gouvernement ait tous les outils pour savoir et prévenir. La mise en place d’un coordinateur du renseignement ainsi que d’un véritable conseil de sécurité à la française doté de réels moyens, va dans le bon sens.

Il est exact que la défense ne peut, au regard de ses missions, rester un outil d’aménagement du territoire avec une dispersion totale des équipements et des établissements militaires. La constitution de bases de défense, avec la mise en commun des moyens logistiques, doit être également saluée, même s'il convient, par ailleurs, d'aider les collectivités qui vont perdre des régiments ou des bases. L’interarmisation est un élément d’efficacité de nos armées à la condition que les économies réalisées soient intégralement attribuées aux équipements.

Néanmoins, on ne peut accepter la réduction du format des armées motivée par des raisons budgétaires. Il existe de très nombreuses possibilités de réduction de la dépense publique qui passe par une rationalisation de l’organisation de l'État, telles que la suppression des Régions et le transfert de leurs compétences aux Départements, la suppression des multiples agences qui font doublon avec l’administration générale, la mise à plat du budget européen qui va coûter à partir de l’année prochaine 10 milliards d’euros net à la France. Il ne s’agit pas là de réduire les prestations à nos concitoyens, voire de remettre en cause les politiques européennes; on peut remplir les mêmes missions sans la démultiplication des doublons administratifs générateurs de dépenses publiques.

De surcroît, l’approche du Livre blanc qui met l’accent sur la défense européenne grâce au retour dans l’OTAN est une double faute.

Le syllogisme :

1. « Mes partenaires européens sont dans l’OTAN et pour l’OTAN »,
2. « Je suis pour la défense européenne »,
3. « Je rallie l’OTAN pour rallier mes partenaires à la défense européenne »
est une grossière bévue !

D'une part, notre réintégration dans l’OTAN constitue une faute diplomatique lourde car elle sera interprétée comme un ralliement total à la politique américaine. D'autre part, nous ne rallierons pas nos partenaires à la nécessité de construire une défense européenne autonome, puisqu'ils ont complètement aliéné leur défense à l'OTAN.

Il faut renverser la proposition contenue dans le Livre blanc de façon à muscler l’indépendance militaire de la France pour rallier nos partenaires à l’indépendance de l’Europe : « Plus la France sera indépendante, plus l’Europe sera indépendante. Moins la France sera indépendante, plus l’Europe sera américaine ». C’est là une vérité incontournable.

Il faut, enfin, avoir le courage de dire aux Français qu’entre partir en vacances et parer aux risques croissants d’un monde devenu de plus en plus chaotique, le choix est de muscler notre défense. Nous n'échapperons pas à ce débat.

Surtout ne baissons pas notre garde. Alors que l'effort de défense représente à peine 2% de la richesse nationale, l'objectif nécessaire est de le porter à 3% du PIB. Notre défense- garantie de notre indépendance et de notre avenir- doit rester une hyper-priorité nationale, et en conséquence, européenne.

Paris, le 17 juin 2008